Journée 08 - 19 mai 2007, Arras

Journée 13 - 17 novembre 2007, Flesquières

Journée 38 - 04 octobre 2008, Cambrai

LA PROGRESSION DU C.A. CANADIEN D'ARRAS À CAMBRAI, FIN AOÛT ET SEPTEMBRE 1918

Cette compilation de textes est réalisée à partir de documents militaires canadiens.

Les originaux sont sur le site http://www.collectionscanada.ca/collection/index-f.html.

Site officiel de la Bibliothèque et des Archives du Canada

Bibliothèque nationale du Canada, 395, rue Wellington Ottawa, (Ontario) K1A 0N4 CANADA

Bill Rawling et Nina Milner.


de la Bibliothèque nationale du Canada.

LA 2e BATAILLE D'ARRAS

La deuxième bataille d'Arras, comprenant la bataille de la Scarpe (26 au 30 août 1918) et la bataille de Drocourt-Quéant (2 et 3 septembre 1918)

Le front allié : fin août 1918

La période qui s'étend du 4 août au 11 novembre 1918 est communément appelée " les cent jours canadiens " car, effectivement, les Canadiens y dirigèrent les offensives qui menèrent à la victoire finale des Alliés à Mons.

Après le succès des Alliés à Amiens, du 8 au 11 août, il était prévisible que les forces ennemies soient sérieusement épuisées. " Si nous laissons l'ennemi refaire ses forces ", dit sir Douglas Haig, le commandant en chef de l'armée britannique, " il retrouvera son aplomb et il nous faudra recommencer les tactiques d'usure ". Une reprise de l'offensive sur un large front ramena donc les Canadiens au cœur de l'action, cette fois dans le secteur d'Arras, en compagnie de la Ire armée britannique. Haig décréta : " Toutes les unités devront foncer vers leurs objectifs; les unités de réserve attaqueront à mesure que nous gagnerons du terrain ".

La Ire armée britannique reçut l'ordre de frapper à l'est d'Arras. Quant au corps canadien, sous le commandement du général sir Arthur Currie, il servit de fer de lance à l'attaque, comme ce fut le cas lors de batailles précédentes.

La zone de bataille : Arras

Les Canadiens se trouvaient sur la route d'Arras à Cambrai, avec la Scarpe sur leur gauche, en face de positions défensives ennemies bien protégées et favorisées par la topographie de la région. La zone de bataille s'étendait aussi vers le nord-est, au delà des hautes collines de l'Artois. À environ quatorze kilomètres à l'est d'Arras se dressait la ligne Drocourt-Quéant, formidable système de tranchées et d'abris fortifiés. Cette ligne, qui constituait un des dispositifs de défense les plus puissants et les mieux organisés, avait été conçue pour empêcher les Alliés d'avancer vers la plaine de Douai.

Le plan : attaque de deux divisions canadiennes et d'une division britannique

Ces positions devinrent donc l'objectif initial des Canadiens. L'ennemi s'attendant à une attaque, il était impossible de le surprendre. Par conséquent, la stratégie adoptée fut de lancer plusieurs attaques frontales successives, dans le but d'épuiser les troupes ennemies.

 

À leur arrivée dans le secteur, les 2e et 3e divisions canadiennes prirent la responsabilité d'une ligne courant vers le nord, depuis Neuville-Vitasse jusqu'à la rivière Scarpe, deux kilomètres à l'ouest de Fampoux. Les 1re et 4e divisions ne devaient arriver, respectivement, que le 25 et le 28 août. En attendant, la 51e division britannique (Highland) se joignit au corps d'armée canadien, pour en protéger le flanc, au nord de la rivière. Selon le plan du général Currie pour cette première phase de l'offensive, trois attaques simultanées seraient menées par la division britannique sur la gauche, la 3e division canadienne entre la Scarpe et la route de Cambrai, et la 2e division sur la droite.

Les facteurs-clés : emploi massif de l'artillerie et avancement de l'heure H

Pour le bombardement de soutien, le général Currie avait à sa disposition pas moins de quatorze brigades d'artillerie de campagne et neuf brigades d'artillerie lourde. Outre l'artillerie des 2e et 3e divisions canadiennes déjà engagées dans l'offensive, ces unités comprenaient l'artillerie des 15e, 16e et 39e divisions britanniques, ainsi que trois brigades d'armée. En résumé, le pilonnage intensif de l'artillerie s'avéra décisif pour soutenir une avance rapide ainsi que pour épuiser les forces ennemies, pourtant bien cantonnées dans leurs positions défensives.

L'attaque avait été fixée au lundi 26 août. Une petite pluie fine n'allait pas faciliter la marche. L'heure H, d'abord fixée à l'aube, fut avancée à 3 h, dans l'espoir de berner l'ennemi. La ruse fonctionna : les soldats allemands, surpris, n'offrirent que peu de résistance et l'infanterie canadienne put progresser rapidement durant les premiers moments de la bataille, sans recourir aux blindés.

Les objectifs de la bataille : Monchy-le-Preux, la ligne Fresnes-Rouvroy, la ligne rouge (la ligne Drocourt-Quéant à l'embranchement de Buissy) et la ligne verte (en face du Canal-du-Nord)

Le premier objectif était de s'emparer d'une ligne nord-sud, à l'ouest jusqu'à Monchy-le-Preux et à l'est aussi loin que possible. L'objectif intermédiaire était de briser la ligne Fresnes-Rouvroy pour s'emparer de Cagnicourt, Dury et Étaing.

Ces manœuvres réussies, une tâche plus difficile encore attendrait les Canadiens : briser la ligne Drocourt-Quéant et établir une ligne de front immédiatement à l'ouest du Canal-du-Nord, au-delà duquel l'ennemi se serait probablement retranché.

Les préparatifs : raids préliminaires, réparation de routes et de chemins de fer

Les Canadiens n'eurent pas la chance de jouir de la période de repos qui, normalement, suit une opération importante comme venait de l'être la bataille d'Amiens. De plus, ils avaient mené le 23 août, en plein jour, un coup de main leur assurant la prise partielle de la ville de Neuville-Vitasse, encore sous contrôle allemand. On suppose que l'ennemi avait décidé de ne pas organiser une défense prolongée, ayant constaté qu'il avait affaire à des Canadiens - les meilleures troupes britanniques selon lui.

Une fois ces premiers objectifs atteints, et tandis qu'on dressait des plans en vue de l'assaut sur la ligne Drocourt-Quéant, il fallut aussi entreprendre la réparation et le prolongement des routes et des lignes de chemin de fer locales, essentielles au ravitaillement des troupes.

L'assaut

L'heure H : 26 août, 3 h. La 2e division se tenait sur la droite, au sud de la route de Cambrai; la 3e division entre la route et la Scarpe; la 51e division (Highland) sur la gauche, au nord de la Scarpe. Soutenue par un puissant barrage d'artillerie et de mitrailleuses, l'attaque fut menée rondement. La 3e division s'empara de Monchy, le premier objectif, grâce à une habile manœuvre d'encerclement, dont on continua de parler longtemps après l'événement. Sur la droite, la 2e division captura les villages de Guémappe et la tour de Wancourt dans le courant de l'après-midi. À la tombée de la nuit, la ligne canadienne s'étendait à quelque 914 mètres à l'est de Monchy.

Les ordres du général Currie pour le 27 étaient d'enfoncer la ligne Fresnes-Rouvroy et ainsi avancer de huit kilomètres. Il fallut cependant deux jours de pénibles combats pour réussir à percer ce système de défense, près de Boiry-Notre-Dame; et lorsque la bataille de la Scarpe prit fin le 30 août, quelques tenaces garnisons allemandes s'y accrochaient encore obstinément.

Pendant les trois premiers jours de cette bataille, les 2e et 3e divisions avaient progressé de plus de huit kilomètres sur un terrain difficile, accidenté et sillonné de tranchées extrêmement bien fortifiées. Les Canadiens réussirent néanmoins à atteindre la grande majorité de leurs objectifs et à capturer 3 300 prisonniers et à s'emparer d'un grand nombre de canons.

 

Un cycliste canadien crie en direction d'un abri allemand au cours de la deuxième bataille d'Arras.

 

 

La première phase de cette bataille fut une complète victoire pour les troupes canadiennes contre un ennemi qui n'opposa qu'une faible résistance. Les bataillons de cyclistes, comme ceux de la cavalerie, jouaient encore un rôle important à cette époque où les moyens efficaces de transport motorisés étaient encore rudimentaires.

 

La phase Drocourt-Quéant, 2 et 3 septembre 1918

Après une pause de 48 heures, l'offensive fut déclenchée sur la ligne Drocourt-Quéant, principal système de défense ennemi du côté ouest. Cette fois, ce furent les 1re et 4e divisions qui montèrent à l'assaut. À l'aube, les blindés et l'infanterie s'élancèrent derrière un puissant barrage d'artillerie.

La 1re division progressa rapidement au sud de la route de Cambrai, pendant que les chars anéantissaient les postes ennemis ayant survécu au barrage de feu. Quelques heures plus tard, vers 7 h 30, un bataillon avait déjà vidé les principales tranchées, non sans avoir subi de lourdes pertes. Plus tard, vers minuit, les Canadiens atteignirent leur objectif de l'embranchement de Buissy.

Au centre, la 4e division canadienne, qui assumait la responsabilité de la majeure partie du front de la 4e division britannique, avait livré, elle aussi, un combat acharné. Entre Dury et la route principale, les premières tranchées de la ligne Drocourt-Quéant se trouvaient sur la longue arête exposée du mont Dury. Les Allemands criblaient de balles les pentes dénudées de cette montagne, de sorte que l'infanterie subissait toute la force du feu des mitrailleuses ennemies et, au sommet, le tir implacable d'autres mitrailleuses et les violents bombardements des batteries de campagne allemandes, placées à l'arrière. En dépit de leurs pertes croissantes les bataillons canadiens, fortement appuyés par les chars, atteignirent la crête dès le milieu de la matinée et expulsèrent l'ennemi d'une route encaissée reliant Dury à la grande route. Grâce à la chute de Dury après de durs combats, la 4e division canadienne avait atteint son premier objectif. Durant la nuit, l'ennemi se replia, et, le 3 septembre, le Corps canadien, ne rencontrant pas de résistance, avança de quelque six kilomètres pour prendre position face au prochain obstacle-le canal du Nord.

Au cours des violents combats du 2 septembre, sept croix de Victoria furent attribuées à des Canadiens. La retraite forcée des Allemands s'opéra sur un large front - non moins de quatre armées allemandes se repliaient derrière la ligne Hindenburg tandis que deux autres se retiraient vers le nord. Telle était l'ampleur des succès canadiens sur la ligne de défense Drocourt-Quéant. Au cours des quatre premiers jours de septembre, le Corps canadien captura plus de six mille prisonniers non blessés et infligea de lourdes pertes à l'armée allemande. Ses propres pertes s'élevèrent à cinq mille six cents hommes.

" Une des plus belles victoires de toute la guerre. [traduction] " : Général sir Arthur Currie, dans son journal de guerre personnel. Sir Arthur ne fut pas le seul à exprimer ainsi sa fierté à propos de la deuxième bataille d'Arras.

 

En réussissant à détruire le cœur même du système de défense allemand, les Canadiens permirent à la troisième armée britannique d'avancer très rapidement vers l'est. Le succès de cette opération eut un effet positif sur tout le front Ouest, laissant présager une victoire imminente des Alliés.

Tout ceci faisait partie de la stratégie globale des Alliés, qui consistait à épuiser un ennemi commençant déjà à battre en retraite vers l'est.

La bataille de la Scarpe fit avancer le front Ouest d'au moins huit kilomètres; celle de Drocourt-Quéant bouta l'ennemi hors de l'un de ses principaux systèmes de défense et fit à son tour progresser le front de six autres kilomètres jusqu'au prochain obstacle, le Canal-du-Nord.

LA BATAILLE POUR CAMBRAI

La bataille du Canal-du-Nord et de Cambrai asséna un coup mortel à l'ennemi qui, bien qu'affaibli, résistait encore farouchement durant les derniers cent jours de la Grande Guerre. L'opération débuta avec éclat le 27 septembre 1918 lors d'une course effrénée des troupes canadiennes à travers un passage extrêmement étroit et dangereux. Elle se poursuivit, ponctuée de terribles contre-attaques des Allemands embusqués dans les sous-bois, près des têtes de pont ou au détour des centaines de petites routes de campagne. Elle se termina triomphalement pour les Canadiens, le 11 octobre, alors que ceux-ci, pourtant épuisés après plusieurs jours de combat sans relâche, chassèrent l'ennemi de leur dernier centre d'approvisionnement important, la ville de Cambrai. Les historiens attribuent ce triomphe à l'exécution hautement professionnelle d'une stratégie audacieuse et inventive. Pour nombre de soldats, cependant, le succès tenait plutôt au formidable esprit de corps qui les animait.

Les objectifs du front Ouest, 1918

Septembre 1918. L'objectif prioritaire des Alliés était de percer le formidable système de défense allemand que représentait la ligne Hindenburg. Cependant, on risquait, en attaquant l'ennemi là où il pouvait le mieux se défendre, d'attirer le plus gros de ses troupes de réserve et d'essuyer une défaite. Les Alliés décidèrent plutôt de prendre d'assaut non pas un seul, mais plusieurs points stratégiques sur toute la longueur du front allant de la Meuse jusqu'à la Manche. Les Canadiens, quant à eux, avaient pour mission de percer les défenses allemandes sur le canal du Nord et de faire avancer le front Ouest jusqu'à Cambrai.

La zone de bataille : le canal du Nord et Cambrai

La ville de Cambrai est située au nord de la France, dans la région Nord-Pas-de-Calais. Elle est entourée d'un vaste système de canaux reliant les rivières Steele et Scheldt (Escaut) au nord-est et drainant les marécages environnants. À l'ouest de Cambrai se trouve le canal du Nord (35 mètres de large), dont la construction fut interrompue au début de la guerre, et qui représentait un obstacle de taille pour les troupes alliées se dirigeant vers l'est. Les Allemands avaient inondé les terres déjà marécageuses, ne laissant qu'un étroit passage d'environ 4 000 mètres vers le sud du canal, suffisamment sec pour que des troupes puissent s'y aventurer. Ce premier obstacle franchi, les troupes devraient capturer le bois de Bourlon situé à l'est du canal et les terres plus hautes vers le nord. L'ennemi avait placé des postes de mitrailleuses sur le versant est du canal et d'autres défenses étaient installées dans des abris naturels avoisinants. De plus, un système de défense majeur, la ligne Marquion, se trouvait, elle aussi, à moins de deux kilomètres à l'est du canal. L'objectif immédiat était d'engager rapidement les troupes, y compris l'artillerie lourde, dans l'étroit passage sec du canal et de les déployer vers le bois de Bourlon avant que l'ennemi ne se mobilise à l'assaut.

Le plan : un assaut de deux divisions comprenant trois brigades

Le corps d'armée canadien, commandé par le général sir Arthur Currie, reçut donc l'ordre d'agir comme fer de lance à l'attaque. Le passage étroit dans lequel les troupes devaient se frayer un chemin vers le bois de Bourlon ne permettait, pour l'assaut du 27 septembre, qu'un déploiement de trois brigades provenant de deux divisions, soit deux brigades d'infanterie sur le flanc gauche, et une seule sur le flanc droit. Derrière ces brigades d'infanterie, il fallait un tir de barrage roulant d'artillerie spécialement ordonné. Des sapeurs devaient suivre de près l'infanterie en vue de jeter en toute hâte des ponts d'une importance primordiale. À l'heure H, une sous-section d'artillerie devait appuyer chaque unité d'artillerie divisionnaire derrière la ligne de front.

Une fois le canal traversé, les troupes reçurent l'ordre de se rassembler et d'élargir le front à la vitesse de l'éclair, le faisant passer de 2 600 à 15 000 mètres. Les troupes devaient ensuite encercler le bois de Bourlon, capturer la ligne bleue, et se préparer à avancer vers Cambrai. En douze heures de combat acharné, les Canadiens avancèrent de pas moins de 8 500 mètres, les 38e, 87e, et 102e bataillons de la 4e division arrivant les premiers, suivis par les 1er et 13e bataillons de la 1re division qui eux, se butèrent à de plus importants obstacles. Suivirent trois jours de durs combats au cours desquels les deux divisions d'assaut reçurent l'appui de troupes de la 3e division. Malgré leurs efforts, les Canadiens ne réussirent à capturer qu'un territoire restreint. Le 1er octobre, on donna l'ordre aux soldats épuisés de se reposer et de se regrouper. Après une pause de sept jours, les opérations sur Cambrai et les territoires au nord de la ville reprirent de plus belle. Ce furent principalement les 2e et 3e divisions qui participèrent à la phase finale des opérations, phase qui dura en tout cinq jours.

Les facteurs-clés : artillerie, unités de génie, blindés et communication de renseignements

L'infanterie ne pouvait entreprendre cette délicate mission sans le soutien soigneusement planifié d'autres unités de l'armée. D'abord, les troupes d'artillerie de campagne devaient se relayer continuellement afin d'assurer à l'infanterie l'appui d'un barrage ininterrompu d'artillerie à mesure que celle-ci avançait à travers les lignes rouge, verte et bleue, puis, lorsqu'elle dut se battre à Cambrai. Un autre facteur-clé fut le rôle primordial joué par les unités de génie qui travaillèrent nuit et jour, souvent sous le tir nourri de l'ennemi. Ces unités construisirent des ponts, des pontons et des trottoirs flottants afin de permettre aux soldats de traverser des portions de canal remplies d'eau. Les chars du 7e bataillon britannique furent déployés en grand nombre (lors des attaques, on allouait quatre chars par unité d'infanterie); ils prouvèrent leur utilité non seulement en tirant du canon, mais aussi en écrasant des réseaux de fils barbelés et en projetant dans l'atmosphère d'épais nuages de fumée destinés à brouiller la vue de l'ennemi. Plusieurs journaux de guerre relatant les faits de cette bataille louèrent le travail des chars britanniques. Enfin, sans un système de communication de renseignements rapide et efficace, la coordination de tous ces éléments eut été impossible et eut conduit au désastre. Les unités de renseignement devaient donc relayer l'information nécessaire pour que les unités d'artillerie soient bien au courant de la position des unités d'infanterie qu'elles étaient chargées de soutenir. Par exemple, un bataillon d'infanterie qui s'avancerait au-delà de son objectif, sans que l'unité d'artillerie chargée de le soutenir ne soit correctement informée de sa position, courrait un réel danger.

Les objectifs de la bataille : les lignes rouge, verte et bleue; l'attaque vers Cambrai; la prise de Cambrai.

Les autorités militaires britanniques et canadiennes examinèrent soigneusement plusieurs scénarios pour traverser ce terrain marécageux, quasi impraticable, sillonné de canaux, et que l'ennemi pouvait surveiller facilement depuis ses postes d'observation surélevés. Elles en vinrent à établir la stratégie suivante :

les 1re et 4e divisions devaient rapidement franchir le canal du Nord, capturer le bois de Bourlon et les villages avoisinants, puis avancer en direction nord-ouest. Ensuite, la 3e division se joindrait à elles pour avancer jusqu'à la route Cambrai-Douai aux alentours du village de Tilloy. Les 3e et 4e divisions s'empareraient des têtes de pont sur le canal de l'Escaut près des villages de Ramillies et d'Eswars, au nord-est de Cambrai. La 1re division viendrait alors les rejoindre, traverserait leurs rangs et prendrait le village d'Abancourt à l'est du chemin de fer de Douai, pour ensuite avancer jusqu'à Fressies sur le canal de la Sensée. La mission de capturer la ville elle-même serait confiée à la 2e division. Ses troupes recevraient l'ordre de forcer un passage sur le canal de l'Escaut entre Morenchies et Ramillies et d'établir une ligne de front sur les hauteurs à l'est d'Escaudœuvres, où se ferait la jonction avec les Britanniques.

Par la suite, les troupes canadiennes et britanniques traverseraient ensemble le canal, établiraient des têtes de pont à Cambrai, prendraient la ville et ouvriraient le front vers l'est. Enfin, toute la zone située au nord-est de Cambrai longeant le canal de l'Escaut devrait être sécurisée jusqu'à Iwuy.

Les préparatifs

Le Corps d'armée canadien comptait, pour les opérations du canal du Nord et de Cambrai, un total de 118 194 soldats incluant les unités attachées. Les unités d'assaut direct constituaient moins de la moitié des 98 790 Canadiens de ce corps d'armée.

 

Une très grande proportion de l'effectif était donc affectée aux préparatifs. Les unités de génie, du renseignement, de transport et de construction, les unités médicales et vétérinaires étaient toutes engagées de façon importante dans la bataille. Elles fournissaient une panoplie de services essentiels tels l'érection de ponts, la transmission de renseignements, la construction et la réparation de chemins de fer et de lignes de communication, la livraison de matériel, le soin des blessés; elles s'occupent également des chevaux. Les soldats de ces unités accomplissaient leurs tâches sans faillir, même sous le tir des mitrailleuses et l'explosion des obus

Canal du Nord (1918)

Le 3 septembre 1918, le lendemain de la percée de la ligne Drocourt-Quéant par le Corps canadien, on émettait une directive concernant une grande offensive alliée sur tout le front, de la Meuse à la Manche, quatre grands coups devant être portés aux points stratégiques. Les quatre attaques successives contre l'ennemi devaient avoir lieu chacune à un jour d'intervalle. Le deuxième assaut, qui devait être lancé le 27 septembre, était une opération conjointe de la Première et de la Troisième armées britanniques en direction de Cambrai et visait à capturer la partie nord de la ligne Hindenburg. Le feld-maréchal Haig ordonna à la Première armée de s'emparer du bois de Bourlon et de couvrir le flanc gauche de la Troisième armée, dans son avance sur Cambrai, pour ensuite se rendre jusqu'à Valenciennes. La capture du bois de Bourlon était confiée au Corps d'armée canadien, qui devait par la suite former un flanc défensif au nord-est de Cambrai. Plus au sud, la Quatrième armée britannique, appuyée par la Première armée française, devait entrer en lice le 29 septembre, pour assaillir la position principale de la ligne Hindenburg.

Le premier obstacle que devaient surmonter les forces du général Currie était le canal du Nord. Parce que celui-ci était infranchissable dans le secteur nord du front canadien, sur la recommandation de Currie, la délimitation de la zone d'action du Corps fut prolongée de deux mille trois cent soixante-dix-sept mètres vers le sud. Currie prépara alors ses troupes à enclencher leur assaut initial à travers la région sèche entre Sains-lez-Marquion et Moeuvres. L'opération était compliquée, car elle posait le difficile problème du déplacement de tout le Corps à travers une étroite ouverture avant qu'il pût déployer ses quatre divisions sur un front qui devait s'étendre rapidement sur une longueur de plus de dix mille mètres.

Au crépuscule du 26 septembre, les Canadiens se mirent à avancer. À minuit, ils étaient assemblés près de la partie sèche du canal, serrés les uns contre les autres pour se réchauffer, et ils étaient à la belle étoile pour la plupart. Le temps passa, mais il n'y avait aucun signe de contre-préparation de la part de l'ennemi. Tout à coup, comme l'aube pointait, un barrage d'ouverture illumina le ciel, forçant subitement l'ennemi à passer à l'action. Avant que l'ennemi puisse réagir, les premiers groupes d'hommes avaient déjà traversé le canal, et déployaient leur formation à partir de la tête de pont. Quoi qu'il en soit, les troupes d'appui subirent des pertes, car l'ennemi, conscient du danger qui le menaçait, avait soumis le lit du canal à un bombardement violent. Les résultats rendent justice aux qualités de général de Currie. Il réussit à s'emparer du canal à un coût relativement peu élevé, mais, réussite encore plus importante, le bois de Bourlon, objectif primordial, était également tombé aux mains des Alliés.

L'assaut

À 5 h 20 (heure H), le 27 septembre, un barrage d'artillerie balaya les positions ennemies et les troupes de la 1re division s'élancèrent. Aux premières lueurs du jour, elles réussirent à traverser le passage à sec du canal du Nord et à s'avancer jusqu'à la ligne verte. Passant à travers leurs rangs, les troupes de la 4e division réussirent vers 9 h 45 à pénétrer dans la partie sud du village de Bourlon, non sans avoir perdu beaucoup d'hommes. À 14 h, la 4e division traversa la ligne bleue et atteignit son objectif soit la capture du bois de Bourlon. Laissant la 15e brigade d'infanterie occuper le territoire conquis à la ligne bleue, les brigades des 1re et 4e divisions canadiennes et de la 11e division britannique poursuivirent l'attaque. En fin d'après midi, elles pilonnèrent la ligne Marcoing des Allemands. Les dernières résistances ennemies vaincues, la victoire fut assurée à 20h.

Succès : 1re division (major-général MacDonnell) et 4e division (major-général Watson) : assaut du 27 septembre

 

L'attaque qui permit de franchir le canal du Nord est commémorée aujourd'hui par le Mémorial du bois de Bourlon, érigé sur un terrain donné par le comte de Franqueville, alors maire de Bourlon. Ce grand bloc de pierre, élevé sur le sommet d'une colline et accessible par un escalier de pierres bordé de terrasses, porte l'inscription suivante:

LE 27 SEPT. 1918 L'ARMÉE CANADIENNE FRANCHIT LE CANAL DU NORD ET CONQUIT CETTE HAUTEUR. ELLE PRIT CAMBRAI, DENAIN, VALENCIENNES & MONS: PUIS AVANÇA JUSQU'AU RHIN AVEC LES ALLIÉS VICTORIEUX

Des tilleuls centenaires forment une arche au-dessus de l'escalier. Ce sont les mêmes arbres qui étaient là à l'époque et qui ont été déchiquetés par les obus, mais qui sont redevenus robustes avec le temps. Les terrasses sont plantées d'une grande variété de conifères et de plantes se plaisant à l'ombre. Le mémorial est situé au-delà du village de Bourlon, juste au sud de la route Arras-Cambrai, à trois kilomètres de Marquion.

Après que les troupes canadiennes eurent franchi le Canal-du-Nord lors de l'assaut initial, elles se regroupèrent sur le flanc est du canal pour déployer leur front à la vitesse de l'éclair, le faisant passer de 2 600 à 15 000 mètres. Ils purent ainsi encercler et capturer le Bois de Bourlon, un bosquet d'une grande importance stratégique, truffé de nids de mitrailleuses allemands. Après cet exploit, les soldats bénéficièrent d'une courte pause avant de se lancer vers Cambrai. Cette scène fut photographiée lors d'une accalmie durant la bataille.

Photo

Revers : 1re division et 3e division (major-général Loomis), et 4e division, lors des opérations du 28 septembre au 1er octobre.

Le succès indéniable de la première journée d'opérations ne laissait rien présager des revers qui attendaient les troupes canadiennes durant les quatre jours suivants. Après avoir atteint avec brio le premier objectif de la bataille, les 1re et 4e divisions s'apprêtaient à avancer sur Cambrai, appuyées par la 3e division. C'est alors qu'elles se butèrent à des réseaux de barbelés face à la route de Douai, réseaux qui n'avaient pas été repérés au préalable. Après avoir subi de lourdes pertes, les troupes continuèrent à avancer péniblement en direction de leur objectif intermédiaire : capturer les ponts sur le canal de l'Escaut et établir un front uni jusqu'au canal de la Sensée. L'ordre fut donc donné aux troupes épuisées de faire halte et de se réorganiser avant de tenter l'approche sur Cambrai.

Succès : 2e division (major-général Burstall) et 3e division, les 8 et 9 octobre. N'ayant pas réussi à établir le contact prévu avec les troupes britanniques, la 2e division canadienne se lança seule à l'attaque, à 1 h 30, le 8 octobre. Elle franchit rapidement un pont construit à la hâte sur le canal de l'Escaut, atteignant ainsi son objectif de forcer un passage vers Cambrai. La 3e division établit peu après une série de postes en bordure est de Cambrai; c'est alors seulement que les troupes britanniques purent rejoindre leurs confrères de la 2e division au nord-est de Cambrai.

Revers de la 2e division à la fin de la bataille. Malgré son succès final, la 2e division devint la proie de raids ennemis imprévus lors de son avance au nord-est de Cambrai. En effet, alors que les troupes tentaient de nettoyer cette région, elles subirent un tir nourri de l'ennemi et durent se creuser des abris. L'unité du Canadian Light Horse, faisant lui aussi partie des opérations, perdit plusieurs hommes et 47 chevaux sous le tir convergent des mitrailleuses allemandes près d' Iwuy et de Naves. Malgré ces pertes, la ville de Cambrai fut enfin reconquise par les alliés et les territoires avoisinants sécurisés. À 17 h, le 11 octobre 1918, le général Currie passa le commandement de ses troupes au 22e corps d'armée britannique. La bataille était terminée. Lors des opérations sur le canal du Nord et Cambrai, les Canadiens perdirent 20 pour 100 de leur effectif, soit 13 672 hommes.

Les Canadiens ont ensuite poursuivi leur route pour aller libérer Cambrai. (Ici la Grand Place….)

Cambrai en 1919

Après avoir quitté le front d'Amiens, le Corps libéra cinquante-quatre villes et villages étalés sur plus de trois cents kilomètres carrés en terre française. Au cours de ses rudes combats, le Corps a perdu plus de vingt mille hommes.

Les Canadiens firent leur entrée dans Mons la nuit du 10 au 11 novembre.

L'évolution dans la façon de combattre

Remarques de Bill Rawling. La bataille, qui commença avec la traversée du canal du Nord le 27 septembre 1918 et se termina avec la prise de la ville de Cambrai le 10 octobre, est un excellent exemple de la complexité qu’a prise la guerre au début du XXe siècle. Elle sera la dernière bataille impliquant toutes les formations importantes du corps d’armée canadien. Cette bataille est aussi exemplaire de la façon de faire de ce même corps d’armée, qui n’existait que depuis trois ans, mais qui avait remporté des victoires spectaculaires à la crête de Vimy et à la côte 70. Néophyte à la guerre industrielle, l’armée canadienne fit un apprentissage accéléré – à un prix qu’il est souvent difficile d’imaginer. En 1915, ayant envoyé une division de quelque 18 000 soldats sur le front ouest pour appuyer l’Empire britannique, le Canada perdit le tiers de ces hommes en une semaine, en grande partie lorsque les bataillons canadiens lancèrent leurs contre-attaques, massés en rangs comme sur le terrain de parade. Évidemment, la tactique de la fin du XIXe siècle était à réviser.

Les Cent Jours (comme on a appelé depuis cette période) furent moins coûteux que les batailles de 1915 et 1916, mais coûtèrent tout de même cher. Par contre, ce qui avait changé, c’est la façon d’appréhender cette guerre. Le major-général Arthur Currie et ses officiers d’état-major étaient prêts à dépenser des quantités prodigieuses de munitions pour diminuer les pertes des soldats. Ils cherchaient à vaincre l’ennemi, mais pas à n’importe quel prix: commandants de bataillon de brigade n’hésitaient pas à discuter les ordres s’ils les jugeaient trop onéreux en vie humaine, et ils n’hésitaient pas à dénoncer les pertes énormes et inutiles subies dans une opération particulière.

Étudier la bataille de canal du Nord/Cambrai et les autres engagements des Cent Jours nous permet de tirer une leçon qui va bien au-delà de la tactique et de la technique et se situe plutôt au niveau de la morale. Il arriva un moment où les membres du corps d’armée canadien cessèrent d’être des hommes à sacrifier et devinrent des techniciens, cherchant à se servir de leurs connaissances pour vaincre l’armée allemande; ils devinrent une ressource qu’il fallait protéger et non plus gaspiller.

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