Journée du 22 mars 2008, Montdidier (80)

L'ATTAQUE ALLEMANDE EN PICARDIE DE MARS 1918 (3)

Merci à la personne qui nous a transmis ce texte extrait de "La Guerre racontée par nos Généraux", édité par la Librairie Schwarz, en 1921

Texte du Maréchal Fayolle

LA CHUTE DE CHAUNY (24 mars1918) ET DE NOYON (25 mars1918)

 

Le 13 février 1918, à Hambourg, Ludendorff exposait à l'empereur le projet d'offensive gigantesque et, selon lui, décisive, qu'il avait conçu pour le printemps contre les armées franco-britanniques.

" Il ne faut pas croire, disait-il, que notre offensive va se développer comme celle de Galicie ou d'Italie; ce sera une lutte gigantesque, qui commencera sur un point, se continuera ailleurs et demandera beaucoup de temps, un combat qui sera pénible, mais qui se terminera par la victoire... " Et il ajoutait que " 1'armée allemande abordait la plus grande tâche de son histoire. "

Le secteur d'attaque avait été choisi à la liaison des armées alliées, de manière à couper l'armée française du gros des forces britanniques, en poussant celles-ci à la côte.

C'est pourquoi le haut commandement allemand avait prévu une zone d'attaque entre Arras et Cambrai (plus exactement entre Croisilles et Moeuvres) et une autre entre Cambrai et l'Oise (de façon plus précise; entre Villers-Guislain et la Fère). Cette large offensive menée par les XVIIe, Ile et XVIIIe armées, devait être accompagnée d'attaques de diversion vers le Nord et vers le Sud-Est jusqu'à Verdun.

Les Allemands mirent sept jours à réunir par des marches de nuit les 50 divisions d'attaque nécessaires, et la préparation par l'artillerie et par les gaz toxiques commencée le 20 mars à 4 heures, ne dura que quelques heures pour réaliser un effet de surprise.

A 9 heures, l'infanterie sortait de ses tranchées et s'avançait sous la protection d'un barrage roulant et d'un brouillard épais.

La surprise n'est pas complète à vrai dire car le général Gough commandant la Ve armée britannique avait été prévenu de l'attaque par deux déserteurs; mais dès le début, il apparaît que cette Ve armée, qui s'étend entre la région de Combles et celle de Coucy-le-Château va être submergée par les IIe et XVIIIe armées allemandes; elle combattra à un contre six et c'est ce qui explique le vide qui se créera à sa droite, quand, en reculant, ses troupes trop largement étalées se resserreront instinctivement sur leur centre.

A l'aile gauche, la IIIe armée britannique (général Byng) soutient bien le choc et ne recule que lentement, mais le 22 déjà, la Ve armée a dépensé toutes ses réserves et perdu, à droite, le contact avec l'armée française.

Dès la veille, le général Pétain avait sur la demande du Maréchal Douglas Haig jeté le 5e corps d'armée dans la région au Nord-Ouest de Chauny et renforcé d'une division la droite de la Ve armée britannique.

Mais la situation s'aggraveˇla retraite de cette armée continue; le 23 elle est rejetée derrière la Somme et le vide s'augmente à sa droite.

Il faut à tout prix rétablir la liaison en comblant cette brêche, qui ira jusqu'à 6 kilomètres et dont l'ennemi pourrait jouer pour lancer un corps de cavalerie comme coin entre les armées alliées. S'il en était ainsi, la rupture entre Britanniques et Français serait consommée et la victoire finale bien compromise.

Mais l'éventualité ne se produira pas : le général Pétain va jeter, entre Oise et Somme, toutes ses disponibilités pour rétablir la continuité du front, et le 26 mars, dans une conférence tenue à Doullens, le général Foch recevra la mission de coordonner action des armées alliées sur le front Ouest. Ce sera un pas décisif vers l'unité de commandement d'où sortira bientôt la victoire.

En attendant, toutes les voies et tous les moyens de transport sont utilisés pour transports des renforts. Des courants sont établis aussi bien de l'Est vers l'Ouest que du Nord vers le Sud : les bataillons débarquent et se jettent dans la fournaise à l'aile ouverte sans se soucier du mélange des unités. Il ne s'agit pas de manoeuvre savante : faut avant tout arrêter l'ennemi et s'élever vers le Nord à la recherche de la droite anglaise.

La cavalerie joue, pendant tout ce temps, un rôle de couverture avec un grand esprit de sacrifice : elle se porte aux grandes allures toujours plus loin en avant et sur le flanc de l'aile découverte, met pied à terre pour jeter aux endroits dangereux des lignes de tirailleurs. Puis elle va plus loin quand elle est relevée par les bataillons qui débarquent.

Tel est le glorieux incident que représente notre croquis dans la journée du 24 mars. Le lendemain Noyon tombera; mais ce sera de ce côté le dernier progrès des Allemands. Vers l'Ouest ils avanceront encore jusqu'à Montdidier et Moreuil dans la dernière partie du mois, parce qu'il nous faut le temps matériel nécessaire pour jeter au Nord de l'Oise d'abord la IIIe Armée, puis à sa gauche la Ire mais déjà le danger est conjuré; le plan allemand a échoué : l'ennemi ne réussira plus la rupture qu'il avait projetée. D'ailleurs, la XVIIIe Armée allemande, à l'aile gauche de l'attaque, a montré quelque indiscipline; ses troupes se sont fréquemment attardées au pillage des dépôts de vivres laissés sur place par les Anglais et les progrès en ont été ralentis d'autant.

Dès le 5 avril, le général Foch donnait des ordres pour un plan d'attaque par les Français dans la région de Montdidier et par les Anglais des deux côtés de la Somme; mais, le 9, il fallait faire face à la nouvelle offensive que les Allemands, poursuivant leur plan, venaient de déclencher dans les Flandres. Ce sera d'ailleurs un nouvel échec pour ces derniers.

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