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2e BATAILLE DE LA MARNE (15_18 Juillet 1918 ).

Merci à la personne qui nous a transmis ce texte extrait de "La Guerre racontée par nos Généraux", édité par la Librairie Schwarz, en 1921

Texte du Maréchal Fayolle

 

LA PRÉPARATION DE LA 2e BATAILLE DE LA MARNE

 

Comme la première bataille de la Marne, celle qu'on a appelée la deuxième bataille de la Marne a été une très grande et très belle victoire.

La première a marqué l'arrêt de l'offensive allemande en 1914 ; la deuxième a été le commencement de notre offensive victorieuse de 1918.

Ces deux batailles offrent de frappantes analogies ; elles sont l'une et l'autre à base de manœuvres et témoignent de la supériorité de la stratégie française, souple et adroite, sur la lourde science militaire allemande.

La deuxième bataille de la Marne n'est pas , en effet, simplement une bataille défensive-offensive, c'est-à-dire une bataille dans laquelle les armées françaises, après avoir arrêté l'ennemi sur une position choisie, ont pris à leur tour l'offensive pour le refouler et le battre ; elle est une bataille manœuvre, c'est-à-dire que le passage de la défensive à l'offensive a été déterminé par un événement préparé en dehors des limites premières du champ de bataille, événement qui voulait avoir et a eu une action prépondérante, décisive, et a entraîné le renversement de la situation.

Le 18 juillet, cet événement a été l'intervention inattendue d'une " masse de manœuvre " formée par deux armées, les VIe et Xe, sur le flanc droit et les derrières des Allemands d'abord victorieux.

Cette manœuvre rappelle bien celle de 1914 quand l'armée Maunoury vint se jeter, dans des conditions semblables, mais avec des forces et un degré de préparation beaucoup moindres, sur le flanc droit de l'armée d'aile du dispositif allemand, l'armée de von Kluck, en marche vers le sud, par l'est de Paris.

Aussi, pour bien comprendre la deuxième bataille de la Marne, est-il nécessaire d'étudier d'abord la partie défensive de cette bataille, du 15 au 17 juillet ; puis la partie offensive, à partir du 18.

ORGANISATION DE LA DÉFENSIVE

 

La deuxième bataille de la Marne est caractérisée par un fait initial essentiel, l'absence de surprise du côté français. La surprise est la première condition du succès et cette condition nécessaire a fait totalement défaut aux Allemands.

Le 21 mars (poche de Montdidier), la surprise avait été totale ; il en avait été de même le 11 avril (poche du Kemmel), puis le 27 mai (poche de Château-Thierry).

Déjà, le 9 juin (attaque du saillant de Compiègne), l'attaque avait été éventée et était attendue.

En juillet, aucune inconnue; le haut commandement français suit jour par jour les desseins de l'ennemi et ses préparatifs ; il a fait le dénombrement de ses divisions et connaît les limites assignées à l'attaque, à droite et à gauche. A peine hésite-t-il sur le jour choisi ; encore est-il pleinement renseigné la veille. Même l'heure du commencement de la préparation par l'artillerie ne lui échappe pas et c'est au point que la IVe armée pourra entamer son propre tir de contre-préparation avant celui de l'ennemi !

Bien plus, le bénéfice de la surprise passe de notre côté et, le 18 juillet, le débouché des Xe et VIe armées se fera en surprise totale, sur les derrières d'un ennemi qui ne songe qu'à poursuivre ses premiers succès au sud da la Marne.

Cet heureux résultat est la conséquence de l'étude approfondie de la situation de l'ennemi en particulier de ses réserves, à la suite des renseignements recueillis jour par jour.

Ces renseignements étaient fournis par :

1° Notre service de recherches ;

2° Les interrogatoires des prisonniers que ramenaient les coups de main multipliés sur tout le front, et l'examen des papiers trouvés sur eux ;·

3° Les rapports des prisonniers français ayant réussi à s'évader ;

4° Les reconnaissances incessantes de notre aviation, reconnaissances poursuivies de jour et de nuit.

Il est très intéressant de suivre pas a pas ce travail de coordination qui nous permet d'assister, jour par jour, à la conception du plan de la bataille dans l'esprit des chefs.

PRÉVISION DE L'ATTAQUE PROCHAINE (Fin de Juin)

 

A la fin de juin, on estimait au G. Q. G. français que, sur le front occidental, les Allemands disposaient de 75 divisions en réserve , dont une cinquantaine au moins pouvaient être considérées comme disponibles.

Pour le plus grand nombre, ces divisions se trouvaient réparties, à peu prés par parties égales, entre le groupe du Kronprinz bavarois qui faisait face aux Anglais, de la mer à la Somme, et le groupe du Kronprinz impérial qui faisait face au G. A. R. et au G. A. C. français, entre la Somme et l'Argonne.

Qu'en conclure, si ce n'est que l'attaque prochaine à laquelle on s'attend, parce que la situation générale y contraint les Allemands, pourra avoir lieu, soit sur le front anglais, entre la mer et la Somme, soit sur le front français, entre Somme et Argonne, soit sur les deux fronts à la fois et en combinaison ?

L'art va être de suivre avec la plus grande attention les préparatifs des Allemands sur l'un et l'autre front, et surtout le déplacement des réserves de l'un à l'autre groupe des deux Kronprinz. Il s'agit de lire et de voir clair dans le jeu de l'adversaire.

 

LES RENSEIGNEMENTS SE PRÉCISENT (1er Juillet)

 

Le 1er juillet, il apparaît comme à peu près certain que l'ennemi prépare une grande offensive en Champagne ; voilà un premier point.

Les jours suivants, les renseignements se précisent : l'attaque se produira à l'est de Reims, entre la Suippes et l'Argonne.

Bientôt, à la suite de la capture d'un officier de pionniers, on apprend que l'ennemi a l'intention de forcer le passage de la Marne, dans la région de Dormans ; les bateaux et le matériel nécessaires pour la construction de passerelles seraient déjà réunis et cachés dans les bois de la rive droite.

Reste à savoir ce que l'ennemi compte faire entre la Marne et Reims.

 

RENFORCEMENT DU FRONT FRANÇAIS (6 Juillet)

 

Le 6 juillet, on arrive à la persuasion que cette partie du front sera englobée dans l'attaque en préparation.

Ainsi, la prochaine offensive se produirait sur les deux flancs du saillant de Reims : d'une part, de la Marne à Reims, contre la droite de la VIe Armée et le front de la Ve ; d'autre part, de Reims à l'Argonne, contre la IVe armée. C'est un front de plus de 120 kilomètres !

Une offensive menée sur une pareille étendue exige au moins de 40 à 45 divisions en première ligne ; il en faut bien autant pour l'exploitation, la grosse masse des réserves allemandes se trouverait donc absorbée et on serait en droit de penser que les Allemands ne feront qu'une attaque unique. Cependant

une conclusion de cette importance mérite réflexion ; il faut avoir confirmation des renseignements recueillis, d'autant plus que les Anglais continuent à redouter une attaque dans les Flandres, non sans raison, semble-t-il, puisque plus de 35 divisions restent toujours massées sur leur front.

Toutefois, on ne saurait attendre plus longtemps pour prendre toute une série de précautions nécessaires. C'est ainsi que nos armées menacées se renforcent par quelques divisions intercalées sur leur front ; en même temps, les divisions de deuxième ligne se rapprochent et poussent leurs têtes jusqu'aux deuxièmes positions.

D'autre part , le G. Q. G. rassemble cinq divisions d'infanterie et le 1er corps de cavalerie dans la région au sud d'Epernay et les groupe auprès d'un Q. G. d'armée (IXe armée, général de Mitry, qui pourra en prendre le commandement, le cas échéant.

Enfin, de très puissants moyens en artillerie et en chars d'assaut commencent à être dirigés du côté du G.A.C. et la moitié de la division aérienne est appelée.

Entre le 7 et le 9 juillet, la situation continue à s'éclaircir. Nos observatoires - il y en a d'excellents sur la montagne de Reims et dans le massif des Monts de Moronvilliers - signalent un mouvement anormal de troupes et de convois chez l'ennemi ; de son côté, notre aviation relève en arrière du front un trafic intense sur les voies ferrées. Les déclarations de prisonniers confirment ces indications ; ils s'accordent à dire que l'attaque est imminente.

Entre temps, on arrive à savoir qu'il y aura dans l'attaque un secteur passif, s'étendant de part et d'autre de Reims. Quant aux limites de l'attaque, elles ne paraissent pas devoir dépasser, à l'ouest, Château-Thierry, à l'est, la Main de Massiges.

 

PLAN ALLEMAND

 

Dés lors, il semble bien que le plan des Allemands se dégage avec netteté.

Ils veulent encercler la montagne de Reims et, en même temps, s'ouvrir les passages de la Marne.

Dans ce but, l'attaque à l'est de Reims, en Champagne, aura pour objectif la Marne, vraisemblablement, de Condé à Châlons et même plus en amont.

Mais il est indispensable que les forces qui arriveront sur cette rivière ne soient pas arrêtées.

C'est pourquoi l'attaque à l'ouest de Reims ne se produira pas seulement entre cette dernière ville et la Marne, mais se prolongera plus à l'ouest jusqu'à Dormans et Château-Thierry, avec mission de franchir la rivière dans cette dernière région, de façon à pouvoir manœuvrer par les deux rives de la Marne, en direction d'Epernay.

Ainsi se trouve justifiée cette extraordinaire tentative de passage de vive force de la Marne, sous le feu d'une armée ennemie bordant la rive sud.

Une telle opération pouvait apparaître comme impossible. Vouloir jeter des ponts et construire des passerelles sous le feu des mitrailleuses, sous le feu des canons à tir rapide, n'était-ce pas folie ?

Mais, outre que les Allemands ont la fierté de ne pas reculer devant les actions de guerre les plus ardues, ils estiment avec raison que le terrain du combat, quelles que soient ces difficultés matérielles, ne vaut que par les défenseurs qui 1'occupent, et i1s espéraient bien supprimer ces derniers une fois de plus devant leur attaque, soit en écrasant nos troupes de la rive sud sous un feu porté au paroxysme de violence, soit en les annihilant au moyen d'obus toxiques.

Il faut ajouter que les boucles de la Marne, à Vincelles, Tréloup, Jaulgonne et Mont-Saint-Père, étaient de nature, par leur forme enveloppante, à favoriser la concentration de feux nécessaire à cette neutralisation.

En faisant converger leurs armées d'attaque vers la région Epernay, Châlons, les Allemands visaient à envelopper dans la Montagne de Reims la Ve armée française en totalité et la moitié au moins de la IVe armée, et à les obliger à mettre bas les armes.

Ainsi serait réalisée, mais sur une échelle plus grande encore, une manœuvre comparable à celle qui avait amené les désastres de Metz et de Sedan en 1870 et d'où sortirait sans doute la fin de la guerre. Aussi avaient-ils baptisé cette formidable attaque, qu'ils espéraient bien être la dernière, " le Friedensturm ".

Dans tous les cas, - et c'était à leurs yeux le moins qui pût arriver, - les chemins de Paris se trouveraient largement ouverts.

Un tel plan était certes grandiose, mais il avait le plus grand défaut ; il ne tenait qu'un compte tout à fait insuffisant de la valeur des armées françaises de 1918 et de la supériorité de leur haut commandement.

 

PLAN FRANÇAIS

 

Cependant, sur tout le front menacé, - c'est tout le front du G. A. C., avec ses trois armées : IVe, Ve et VIe - tout le monde se prépare à la bataille et les divisions, en réserve elles-mêmes, prennent leurs positions de combat. La seconde moitié de la division aérienne a été appelée ; cette division est répartie en deux groupements, l'un à Esternay, l'autre à Saint-Dizier ; elle est ainsi prête à agir rapidement sur un point quelconque du front.

Le plan du général commandant en chef les armées françaises s'est formé à mesure que les renseignements sur l'ennemi se précisaient.

Dès le 7 juillet, il l'a fait connaître aux armées intéressées. Ce plan, nous le savons déjà, comprend deux parties intimement liées : l'une défensive, l'autre offensive ; elles reposent l'une et l'autre sur une idée de manœuvre.

Pour la défensive, il compte que l'attaque sera arrêtée, grâce à la manœuvre qui consistera à évacuer la première position pour recevoir la bataille sur la position de résistance choisie.

Si un échec se produit sur quelque partie du front, l'armée tenue en réserve, la IXe, y parera, en même temps qu'interviendront les réserves particulières des armées encore disponibles.

Pour l'offensive, elle sera déclenchée en temps opportun par l'intervention, sur le flanc droit des Allemands, de la Xe armée qui, depuis les premiers jours de juin, se prépare à attaquer.

L'idée maîtresse du plan a été précisément de rattacher cette action offensive à la bataille défensive qu'on attend et prépare.

Cette entrée en scène de la Xe armée produira le renversement de la situation et, dès qu'elles le pourront, les trois armées engagées de front (IVe, Ve, VIe) passeront à leur tour à l'offensive. Notons ici que l'attaque allemande prévue n'intéresse que la droite de la VIe armée ; dans l'esprit du commandement français, la gauche de cette armée doit prendre part à l'offensive de la Xe armée. Cependant - et ici nous voyons apparaître les inconvénients inhérents à l'attitude défensive, qui reste subordonnée aux événements - encore faut-il que les prévisions que l'on fait se réalisent.

Quelles seront exactement les forces de l'attaque ? On l'ignore encore. Le Kronprinz impérial dispose de deux armées : la IIIe en Champagne, la Ire de part et d'autre de Reims.

Le front de ces deux armées s'étend précisément de l'Argonne à la Marne, à l'ouest de Dormans.

La IIIe a huit divisions en première ligne, la Ire onze, au total dix-neuf.

Si le Kronprinz parvient à grouper en arrière du front d'attaque une cinquantaine de divisions de réserve, cela fera soixante-dix. De notre côté, sur ce front, nous comptons également dix-neuf divisions, mais nous n'en avons que douze en réserve, soit au total une trentaine ; trente contre soixante-dix, c'est moins de la moitié !

Sera-t-il possible, dans ces conditions, de contenir l'attaque en Champagne, quelque succès que l'on attende de la manœuvre de dérobement préparée par l'évacuation de la première position ?

On ne sait encore rien au sujet du déploiement des réserves allemandes ; l'attaque sur le front anglais apparaît toujours comme possible et, dans ces conditions, les réserves du G. A. C. ne peuvent être augmentées.

Fort heureusement, à partir du 10 juillet, le voile se déchire. D'abord, il se confirme que l'attaque s'étendra de Jaulgonne, à l'est de Château-Thierry, jusqu'à la Main de Massiges, à l'ouest de l'Argonne, toujours avec une zone passive de part et d'autre de Reims. Dans l'esprit des Allemands, cette nouvelle bataille doit être décisive et amener la fin de la guerre.

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