Journée du 28 juin 2008, Château-Thierry

Journée du 15 juillet 2008, Dormans

Journée du 16 juillet 2008, Ville-en-Tardenois

Journée du 17 juillet 2008, Souain

Journée du 18 juillet 2008, Epernay

ATTAQUE ALLEMANDE DU 15 JUILLET 1918

Merci à la personne qui nous a transmis ce texte extrait de "La Guerre racontée par nos Généraux", édité par la Librairie Schwarz, en 1921

Texte du Maréchal Fayolle

 

LA 4ème ARMÉE DANS LA 4ème BATAILLE DE CHAMPAGNE

 

Nous avons vu que l'attaque était attendue, soit pour le 14, soit pour le 15, au plus tard.

La nuit du 13 au 14 s'écoula sans incident, mais,. au cours de la journée du 14, les indices d'attaque imminente se multiplièrent, au point que des observateurs purent signaler devant le front de la Ve armée un " véritable fourmillement d'infanterie ".

Dès le commencement de la nuit du 14 au 15, à la IVe armée, toute incertitude disparaissait et on arrivait même à connaître l'heure du commencement de la préparation de l'attaque par l'artillerie et la durée de cette préparation.

En effet, un coup de main exécuté à 8 heures du soir par le 366e régiment d'infanterie (4e corps) ramenait 27 prisonniers.

De leur interrogatoire, il résultait que le jour fixé était le 15, que la préparation commencerait à minuit 10 et durerait de trois à quatre heures.

Ces renseignements furent aussitôt transmis aux trois armées du G. A. C., avec ordre d'entamer aussitôt les tirs de contre-préparation.

De fait, le feu de nos batteries s'alluma sur tout le front, entre 11 heures et 11 heures et demie, écrasant l'infanterie allemande massée dans la zone de départ, avant même que sa propre artillerie ne fût entrée en action.

On devine la stupéfaction des troupes et du commandement allemands ! Visiblement, l'attaque était éventée et il n'y avait aucun effet de surprise à escompter.

Mais il était trop tard, même pour décommander l'attaque, et force était de laisser aller les choses suivant le plan minutieusement réglé d'avance.

L'artillerie allemande ouvrit donc le feu à son tour à minuit 10 ; son tir était dirigé sur notre première position, mais il s'étendait au delà jusqu'à la deuxième et battait plus en arrière les points de passage obligés, tels que ponts et carrefours de route.

Au feu des canons se joignit bientôt celui des minenwerfer. En somme, l'ennemi exécutait une préparation de peu de durée, mais d'une grande violence, pareille à celles qui, depuis le 21 mars, lui avaient assuré le succès dans toutes les attaques antérieures.

Le premier soin du commandement français fut de s'assurer que les zones d'attaque étaient bien celles qui étaient prévues. Dès minuit 40, le général Gouraud faisait connaître que le feu de l'artillerie ennemie ne s'étendait pas, à l'est, au delà de la Main de Massiges et ne dépassait pas, à l'ouest, le fort de la Pompelle. A la Ve armée, le saillant de Reims restait indemne, mais le feu reprenait à partir de Vrigny et allait de l'Ardre à la Marne. A la VIe armée; il se prolongeait le long de la Marne jusqu'à Château-Thierry.

Tous nos renseignements antérieurs Se trouvaient ainsi recoupés et confirmés.

La bataille défensive allait donc se livrer dans les conditions prévues, sur une étendue de 90 kilomètres, de l'Argonne à Château-Thierry, avec une zone passive de 25 kilomètres environ, de part et d'autre du saillant de Reims.

Le débouché de l'infanterie ennemie commença à partir de 4 h. 1/4.

 

L'ÉCHEC ALLEMAND SUR LE FRONT DE LA IVe ARMÉE

 

A la IVe armée sa progression fut très lente. Non seulement le rassemblement des troupes d'assaut et leur sortie des tranchées de départ avaient été entravés par le feu de notre artillerie, mais quand les Allemands arrivèrent sur nos premières lignes, au lieu de les trouver remplies de morts et de blessés, avec les survivants terrés, à moitié asphyxiés, dans les abris ; au lieu d'y faire, suivant leur habitude, des prisonniers par milliers, ils constatèrent avec stupéfaction qu'elles étaient vides ; et cependant ils restaient toujours sous le feu de nos canons qui avaient suivi leur progression en raccourcissant le tir d'après les signaux de nos guetteurs Quand, continuant leur marche, ils atteignirent la parallèle des réduits de la première position, ils furent enfin accueillis par le tir des mitrailleuses des gros d'avant-postes qui se repliaient méthodiquement devant eux.

Ce n'est qu'entre 7 et 8 heures - qu'ils parvinrent à aborder notre position de résistance; il leur avait fallu quatre heures pour parcourir de 2 à 3 kilomètres ! Non seulement leur élan était brisé, mais ils avaient déjà subi de lourdes pertes et voici qu'ils sont accablés par un feu effroyable, arrêtés en face de tranchées dont ils ne soupçonnaient pas l'occupation et que leur préparation d'artillerie a laissées intactes.

Aussi toutes les attaques tentées contre notre position de résistance restent-elles infructueuses et partout le 21e corps et le 4e maintiennent l'intégrité de leur front.

Il faut ajouter que les réserves qui suivent les troupes d'assaut ne peuvent progresser que sous le feu de notre artillerie qui est restée maîtresse de son tir. Dans la certitude d'un succès initial qui pour eux ne faisait aucun doute, les Allemands ont, en effet, prévu pour leurs divisions de deuxième et de troisième lignes la marche vers le sud en descendant à découvert les pentes méridionales du massif de Moronvilliers, sans prendre même la peine de le contourner, et leurs colonnes sont dispersées dès leur apparition par le feu de nos canons qui tirent à vues directes.

En résumé, l'attaque allemande a cette fois subi un véritable désastre et, dès 11 heures, une accalmie se produit sur le front de la IVe armée qui recueille ainsi sans tarder le bénéfice d'une magnifique manœuvre de dérobement.

On ne peut lui faire qu'un reproche, c'est d'avoir dépassé le but. En détruisant comme elle l'avait fait les abris de la première position avant de l'abandonner et en " ypéritant " ses tranchées, la IVe armée avait, en effet, rendu plus difficile l'offensive qu'elle devait prendre au moment où se produirait la réaction des VIe et Xe armées.

 

L'AVANCE ALLEMANDE SUR LE FRONT DES Ve ET VIe ARMÉES

 

A la Ve armée, la situation était moins favorable et l'attaque allemande avait progressé beaucoup plus rapidement.

Vers 9 heures, le 2e corps italien et le 5e corps français étaient refoulés ; ils perdaient la position de résistance et étaient rejetés sur la deuxième.

C'était surtout sur sa gauche que le 5e corps était menacé ; la 8e division, qui s'y trouvait, était en effet réduite à cinq bataillons, par suite de la disparition de quatre bataillons qui avaient été imprudemment laissés sur la première position, et elle était attaquée par les deux rives de la Marne, d'ouest en est, en direction d'Epernay en même temps que de front.

Notons en passant que la perte de ces quatre bataillons, la moitié de la division, nous montre clairement les inconvénients tant de fois signalés de l'occupation en force de la première position, et ce qui serait arrivé sur tout le front attaqué si la manœuvre de dérobement n'avait sauvé la situation.

A la VIe armée, les choses allaient plus mal encore.

Comme il était facile de le prévoir, l'ennemi avait soumis les abords sud de la Marne à un bombardement d'une extrême violence, puis il avait fait passer en barque, en pleine nuit, des fractions avancées qui avaient, sans trop de peine, refoulé nos avant-postes et gagné assez de terrain pour couvrir la construction des passerelles et des ponts de bateaux.

C'est surtout de part et d'autre de Dormans, entre Sarzy et Verneuil, en face du 3e corps, que l'opération avait réussi.

Dès 6 heures, la position de résistance qui, nous l'avons vu, n'était qu'à 1.500 mètres de la rivière et avait sans doute beaucoup souffert du tir de préparation de l'ennemi, était enlevée et, à 9 heures, les Allemands arrivaient devant la deuxième position.

Une poche se creusait ainsi, sur la rive gauche de la Marne, au sud de Dormans, profonde de 5 à 6 kilomètres, large d'une quinzaine.

La rapidité avec laquelle ce résultat avait été obtenu permettait de craindre que l'ennemi n'arrivât à séparer les Ve et VIe armées.

Pour parer à ce grave danger, le général en chef, se rendant compte que la situation ne présentait pas de risques à la IVe armée, mettait aussitôt trois divisions d'infanterie et une division de cavalerie à la disposition du général Maistre pour venir au secours de la droite de la VIe armée et de la gauche de la Ve.

Cependant l'ennemi poursuivait avec la plus grande énergie ses attaques. A gauche, à la VIe armée, elles étaient contenues par la 3e D. U. S. et, de ce côté, la poche était limitée en flanc, mais, à l'est, sur le front de la Ve armée, elle s'étendait jusqu'à l'Ardre et au delà, et son front atteignait bientôt une trentaine de kilomètres.

Le général en chef n'avait plus à sa disposition que deux divisions, l'une au sud de la Marne, l'autre au nord, le 22e corps britannique ne devant arriver avec deux divisions que le lendemain 16. Dans ces conditions, la question se posait de savoir s'il fallait laisser le G. A. R. continuer ses préparatifs de contre-offensive ou puiser dans les réserves qui devaient alimenter cette contre-offensive pour limiter d'abord les progrès de l'ennemi au sud de la Marne.

Considérant qu'il importait avant tout et â tout prix, dans l'intérêt même de la contre-offensive, d'assurer la liaison entre la VIe et la Ve armée, le général en chef se décidait pour la deuxième solution, sauf à revenir à la première dès que la continuité du front serait assurée, et il donnait, entre 9 heures et 10 heures, des ordres en conséquence au G. A. R.

En même temps, il prescrivait au général Maistre d'organiser pour le 16, avec toutes les forces disponibles, une contre-attaque sur la partie de la poche qui paraissait la plus dangereuse, celle qui s'étendait au sud de Dormans. Le général Foch agissait de son côté. Assuré, à la suite d'une conférence avec le maréchal Haig, à Monchy-le-Châtel, d'avoir l'appui de deux nouvelles divisions britanniques, il demandait, à midi et demi, au général Pétain de reprendre sans tarder les préparatifs de contre-offensive du G. A. R. et il en était aussitôt décidé ainsi. Par le fait, ces préparatifs n'avaient pas cessé, le contre-ordre n'ayant duré que de 9 heures à 1 heure, et une seule division avait été dérivée du côté du G. A. C.

Dans la soirée du 15, la situation n'empirait pas sensiblement. A la IVe armée, toutes les tentatives de l'ennemi pour franchir la position de résistance étaient restées sans résultat.

A la Ve armée, la position de résistance était perdue sur toute son étendue, mais la deuxième position était intacte.

A la VIe armée , il en était de même. De ce côté sur le flanc gauche de la poche, le long de la vallée du Surmelin, une contre-attaque locale menée par la 3e D. U. S. et au cours de laquelle elle avait fait 400 prisonniers, limitait net les progrès de l'ennemi.

Dans ces conditions, il était permis d'espérer que la contre-attaque d'ensemble prévue pour le lendemain 16 stabiliserait définitivement la situation. Cette contre-attaque, organisée par le général Maistre et le général Degoutte, avait été confiée au général Lebrun, commandant le 3e corps, et devait être exécutée avec trois divisions en première ligne et une en deuxième.

 

L'ATTAQUE ALLEMANDE EST ENRAYÉE SUR TOUT LE FRONT

 

La nuit du 15 au 16 se passa dans un calme relatif, mais la lutte reprenait dés les premières heures du jour.

A la IVe armée les efforts de l'ennemi restent toujours impuissants ; même, à la droite, le 8e corps réoccupe les réduits de la première position.

A la Ve armée . l'ennemi continue à progresser. Au sud de l'Ardre, il enlève le bois de Courton et le village de Nanteuil ; plus au sud, il s'avance de 2 à 3 kilomètres et occupe Tincourt; cependant, nulle part la deuxième position n'est entamée.

A la VIe armée la contre~attaque du général Lebrun, exécutée vers midi ne donne que peu de résultats, par suite de la fatigue des troupes et des difficultés du terrain ; néanmoins, elle contribue à en imposer à l'ennemi.

Dès le milieu de ce jour, le général en chef juge que l'attaque allemande n'ira pas plus loin et il pense aussitôt à organiser le passage de la défensive à l'offensive sur le front du C. A. C.; il importe, en effet, que ce changement d'attitude se produise en même temps que débouchera, le 18, la contre-offensive du G. A. R. entre Aisne et Marne.

Nous avons vu que la moitié gauche de la VIe armée, au nord de la Marne, de Château-Thierry à l'Ourcq, était impliquée dans cette contre-offensive, en union avec la Xe armée, tandis que la moitié de droite, de Château-Thierry à Vassieux, combattait défensivement avec ses 38e et 3e corps.

Il fallait, avant tout, séparer nettement le commandement et l'unifier sur les deux théâtres d'opérations.

Dans ce but, le général en chef décidait que le général de Mitry, commandant la IXe armée, prendrait le commandement des 38e et 3e corps et serait rattaché au G. A. C., tandis que le reste de la VIe armée, au nord de la Marne, resterait, avec le général Degoutte, rattaché au G. A. R.

La journée du 17 n'apporta pas de modification sensible sur le front défensif, mais, dans l'ensemble, il apparut nettement que l'ennemi ne persisterait pas dans ses projets d'attaque.

Le général Maistre en profita pour organiser et préparer le passage à l'offensive de ses trois armées.

La IVe armée devait reconquérir sa première position ;

La Ve, réoccuper tout le terrain perdu depuis le 15; ·

La IXe, rejeter au delà de la Marne les troupes allemandes qui avaient réussi à franchir la rivière.

Toutefois, il devint bientôt manifeste que l'attaque sur le front du G. A. C. n'irait pas sans difficultés, tant à cause de l'usure et de la fatigue des troupes résultant de trois journées de bataille que par suite de l'absence de réserves fraîches.

Aussi le général Pétain demandait-il instamment, dans la soirée, l'envoi de nouvelles divisions britanniques.

Fort heureusement, la contre-offensive, avec les VIe et Xe armées, allait le lendemain dénouer la situation.

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