Journée du 16 juillet 2008, Ville-en-Tardenois

Journée du 18 juillet 2008, Epernay

LES ITALIENS DANS LA BATAILLE DE LA MARNE

Un énorme travail de traduction a été réalisé par Monsieur Angelo ZAMBON, avec l'aide du Colonel MAGLIOCCHETTI, Attaché Militaire Italien à Paris. Ils ont travaillé à partir de l'ouvrage officiel suivant :

MINISTERO DELLA DIFESA, STATO MAGGIORE ESERCITO UFFICIO STORICO, L'ESERCITO ITALIANO NELLA GRANDE GUERRA, ( 1915-1918 ), VOLUME VII, LE OPERAZIONI FUORI DEL TERRITORIO NAZIONALE, Tomo 2°, SOLDATI D' ITALIA IN TERRA DI FRANCIA, NARRAZIONE, ROMA, ISTITUTO POLIGRAFICO DELLO STATO, 1951

Merci, à tous deux, pour ce travail .....

2e CA ITALIEN EN LIGNE ENTRE VRIGNY ET LA POTERNE

 

Sur la base des ordres émanant de la 5ème armée la 3ème division se déplaça, entre le 9 et le 10 juin, de la zone au Nord de Châlons à celle d'Epernay. Les troupes à cheval , les convois de ravitaillement et les véhicules exécutèrent le déplacement les 9 et 10 avec leurs propres moyens, sur trois itinéraires distincts et en deux étapes; les troupes à pied, par contre, furent transportées par camions la nuit du 10. Le 9 les commandants de régiment, de bataillon et de groupe exécutèrent les reconnaissances des positions auxquelles étaient destinés les détachements respectifs. Les nuits du 11, 12 et 13 la division italienne prit la relève de la 28ème division française et des troupes de la 154ème division qui la renforçait.

Le secteur assumé, dénommé de Nanteuil, s'étendait du bois de Vrigny ( à droite) , où était fixée la liaison avec la 2ème division coloniale (IC.A.C.F.) à l'Ardre ( à gauche) , où le secteur se soudait à la 19ème division anglaise (VC. A.F.). Le secteur était réparti en trois sous secteurs; en chacun d'eux se rangea un des régiments : 75ème, 76ème, et 90ème d'infanterie, prenant position avec deux bataillons en première ligne et en gardant un de renfort. Le 89ème d'infanterie et le commandement de la brigade Salerno constituèrent la réserve de la division.

Le Général Pittaluga, à 8 heures le 12 juin, assuma le commandement des troupes en ligne et, le même jour, à 12 heures, le Général Albricci prit le commandement du secteur.

La 8ème division, entre-temps, était remplacée (dans les nuits du 12, 13 et 14), dans le secteur de l'Aire par la 157ème division française et se déplaçait, cantonnant, dans la zone autour d'Auzéville.

Par la suite elle aussi se transféra dans la zone d'Epernay. Le mouvement, exécuté avec des camions pour les troupes à pied et avec ses propres moyens par les troupes montées, pour les convois de ravitaillement par véhicule, commença le 14 et se termina le 18 juin. Dans les nuits du 17,18 et 19 les infanteries de la division entrèrent en ligne, à gauche de la 3ème division, remplaçant, entre le bois de Bligny et le village de Champlat l'infanterie de la 19ème division anglaise et un bataillon de troupes à l'aile droite du V corps (général Pellé), avec lequel, par la suite, ils restèrent en liaison. La 8ème division plaça cinq bataillons en première ligne, quatre de renfort, et un régiment (le 20ème) en réserve.

Le général Beruto assuma le commandement du secteur le 19 juin, à 8 heures, et à la même date et heure le général Albricci étendit aussi son commandement à la zone occupée par la 8ème division. En conformité aux dispositions prises par le commandant de la 5ème armée et à la suite des accords entre les généraux Pellé et Albricci, dans la nuit du 20, un bataillon du 19ème régiment d'infanterie remplaça un bataillon français à Champlat, étendant ainsi l'occupation de l'aile gauche de la 8ème division jusqu'au fossé au nord-ouest du village.

Tout le secteur occupé par le IIème corps, était d'environ 12 km., ainsi délimité :

à l'est , par la ligne : sentier qui de la cote. 211 (nord-ouest de Vrigny) va au carrefour de la cote 202 - carrefour de la Carbonnerie - sentier qui de la Carbonnerie va au carrefour de la cote 172 en passant par la ferme de Rupion - par la ferme Heurtebise - sentier qui de la ferme Heurtebise va à la cote 257 (500m à l'ouest de la maison de fermiers d'Ecueil) - marge sud-est du bois de Pourcy - cote 224 (300m au nord de la maison de fermiers de Courtagnon) - limite sud du bois de Mouchenot - petit chemin, qui de la cote 233 va à la route de Nogent-Cadran- étang du Pt.L. Maupas - Mutigny - Mareuil sur Marne;

à l'ouest de la ligne: butée du fossé nord-ouest de Champlat - La Neuville-aux-Larris - carrefour 1 km. au nord-est de Charmoise - marge ouest des bois de Nanteuil et de Fleury - Fleury-la-Rivière - Raday - route de Raday à Cumières.

En profondeur le territoire attribué à nos troupes s'étendait jusqu'au sud de la Marne; par conséquent, en plus de la tâche principale de la défense des lignes occupées par les divisions, le corps d'armée avait aussi celle de pourvoir à la défense éventuelle des ponts sur la Marne et sur le canal d'Ay pour la partie comprise entre Cumières et Ay.

Dans l'ensemble, donc, le IIème corps avait été désigné pour défendre une partie de la front orientale de la poche de Château-Tierry, que l'offensive allemande de mai-juin avait créée entre Reims et Soissons, dans les positions françaises; sur ce front les Allemands barraient, à la hauteur de Bligny, front au nord-ouest, la vallée de l'Ardre. Cette vallée destinée à devenir le théâtre de sanglants combats dans lesquels la valeur de nos troupes devait s'affirmer, est comprise entre deux chaînes vallonnées d'aspect très doux qui se détachent de la montagne de Reims, d'un relief modeste qui s'élève, entre Marne et Vesle, au Sud de la ville historique.

La vallée se déroule du sud-est au nord-ouest, plutôt profonde dans sa première partie, large et plutôt plate après Sarcy. Sur son fond il y a une bonne route qui, à travers les nombreux villages qui la peuplent, relie Fismes, dans la vallée de la Vesle, avec Epernay sur Marne. Tandis que le fond de la vallée était généralement cultivé de céréales, les côtes étaient en général couvertes, en bas, de vignobles et, en haut, de-ci de-là couronnées de bois, plus ou moins denses, d'arbres de haute futaie.

Les positions confiées au IIème corps défendaient l'entrée à Epernay, couvraient le flanc sud-occidental de Reims et les communications Epernay-Reims et Epernay-Châlons. Positions sans doute très importantes et que, non à tort, le général Albricci déclara "une des portes sacrées de la France", mais qui dans l'ensemble n'étaient pas trop favorables pour l'efficacité des lignes. A droite (Vrigny) s'appuyaient aux défenses de Reims, qui, attaquées de près par les Allemands sur deux côtés, étaient, pour cette raison, particulièrement sensibles à un éventuel recul dans la vallée de l'Ardre qui, en découvrant le flanc occidental, en aurait irrémédiablement compromis la défense Ces positions étaient de faible profondeur, car elles avaient dans le dos, et à distance rapprochée, la Marne, obstacle naturel imposant et voie de communication très importante vers Châlons d'une part et Paris de l'autre; ayant, enfin, un point naturellement faible : la liaison avec le Vème corps, rendue encore plus délicate étant établie dans la zone comprenant les voies d'accès les plus faciles d'accès au noeud routier et ferroviaire d'Epernay.

Comme nous l'avons dit, les lignes confiées aux troupes italiennes étaient celles sur lesquelles, à l'ouest de Reims, les Franco-Anglais s'étaient arrêtés à la fin de l'offensive allemande de mai-juin; elles avaient donc sur quelques parties un tracé peu favorable et, sur toute leur longueur, une consistance médiocre à cause d'une absence presque totale de travaux.

Selon les plans de défense et les consignes reçues, l'aménagement du secteur aurait du comprendre: une " première position" ou " position de résistance", précédée pour quelques portions par une " ligne d'observation" (avant-postes); une " position intermédiaire" ou " des réduits", destinée à protéger aussi le déploiement d'artilleries et, finalement, une " deuxième position" et une "troisième position". Les différentes positions auraient du être reliées entre elles par des transversales (bretelles), qui, en cas de rupture du front, devaient servir à créer des compartiments étanches capables de contenir les infiltrations ennemies.

Puisque , presque rien n'existait d'une telle organisation , le commandement du corps d'armée, aussitôt assumé le commandement du secteur confié, donna des ordres et des instructions à propos des critères de défense à adopter et des travaux à effectuer pour être au plus tôt en mesure de résister victorieusement à l'offensive que certainement l'ennemi n'allait pas tarder à lancer pour tirer avantage des succès déjà obtenus vers Château-Thierry dans la bataille précédente.

Le général Albricci, le 16 juin, ayant posé tout d'abord que la tâche confiée aux troupes en ligne était celle de barrer le passage à l'ennemi en défendant jusqu'à l'extrême limite la première position et en portant tous les efforts pour la reprendre, dans le cas ou on aurait été obligés de l'évacuer complètement ou en partie, ordonnait que l'installation de défense fût pour le moment organisée sur deux zones :

première zone - à défendre à outrance - devait être précédée par une ligne de surveillance et devait comprendre dans son tracé le bois de Vrigny, la falaise qui descend vers Ste Euphraise, le bois de la Vallotte (saillant ouest), la pointe nord du bois de Dix-Hommes, le village de Bligny, la falaise qui monte à la Montagne et la Montagne de Bligny, la pente occidentale du bois "des Eclisses" et le village de Champlat.

deuxième zone, plus en arrière (à occuper seulement dans le cas où l'on fût obligé d'abandonner la première, suite à un ordre supérieur), de cette zone devaient faire partie les positions suivantes: bois d'Ecueil, la partie nord-occidentale du bois de Pourcy, l'éperon au nord de Pourcy (versant occidental du ruisseau qui descend à Pourcy), éperon de Bullin et de la cote. 265 du bois de Courton.

Il était ordonné la constitution de zones ou bandes profondes, avec des éléments détachés, disposés, dans chaque bande, grossièrement en échiquier, sur deux ou plusieurs lignes irrégulières, adaptées aux formes du terrain, de façon qu'elles puissent réciproquement se soutenir avec le feu. Les différents éléments de la défense devaient être tous entourés d'une bande continue de fil de fer barbelé, si possible multiple, qui devait couvrir tout le système.

Aux travaux sur la première zone étaient affectées des troupes de ligne, à la seconde les régiments de réserve; les routes étaient confiées à l'oeuvre du commandement du génie du corps d'armée. Les bois devaient être organisés de façon à constituer des obstacles actifs là où, pour leur conformation, il était possible de les utiliser comme tels (angles creux, débouchés de layons, etc.); pour le reste, comme obstacles absolument passifs, en faisant des enchevêtrements de barbelés avec des abattages très denses. Le commandement du corps d'armée donnait enfin des ordres pour la disposition de l'artillerie, pour l'organisation du tir antiaérien, même des mitrailleuses, et pour la suite des travaux et leur camouflage.

Désirant une efficacité maximale pour l'aménagement des deux bandes de défense, il suspendait en un premier temps (16 juin) les travaux pour la création des "bretelles".

Ensuite, le 20 juin, il déterminait que, dans un deuxième temps, c'est-à-dire quand les commandants de division auraient jugé suffisante la consistance atteinte par la première et la deuxième ligne, il fallait actualiser l'organisation du terrain intermédiaire aux lignes zones, pour protéger l'artillerie, préparer des points de départ pour les contre-attaques des réserves et créer des compartiments étanches, qui pourraient servir à retenir l'ennemi, au moins jusqu'à l'arrivée des réserves.

Avec ces travaux il fallait aussi effectuer ceux nécessaires pour créer, après la deuxième, un bout de la troisième zone en raccordement avec le barrage défensif existant dans le territoire du premier corps colonial.

Les travaux sur les trois principales zones de résistance devaient avoir une consistance supérieure de celles de la zone intermédiaire; les organisations de défense des bords des bois de Rouvroy, du Petit-Champ, de l'Aulnay et de la Passe devaient mettre les garnisons respectives en mesure d'exercer une très efficace action de feu sur l'ennemi qui aurait réussi à remonter la vallée de l'Ardre.

Le 18 juin le commandement du IIème corps partageait le front qui lui avait été assigné et la zone située derrière en un territoire de corps d'armée et en deux secteurs de divisions. Il divisait ces derniers en deux sous-secteurs (premier, ou de droite, deuxième ou de gauche); il définissait les limites des territoires et des secteurs, et donnait les ordres pour l'implantation et le fonctionnement des différents services.

A la suite d'un ordre du commandement de l'armée le IIème corps avait assumé aussi, dès le 16 juin, la défense immédiate des passages sur la Marne compris entre le pont de barques à sud de Ay (inclus) et les ponts de Cumières (exclus). Le 19 juin il avait dû, même, étendre sa compétence aux ports de Cumières.

La défense des ports avait été, au commencement et provisoirement, confiée au I/20ème d'infanterie, aux compagnies de mitrailleuses du corps d'armée 1618ème et 1619ème et à des patrouilles de cavaliers du régiment Lodi. La défense, ensuite, avait été confiée au bataillon complémentaire de la brigade Napoli, à laquelle avaient été laissés en renfort les compagnies de mitrailleuses du corps d'armée et 200 sapeurs du 64ème régiment de marche avaient été affectés aux travaux pour préparer la défense.

Le 22 juin le commandant du IIème corps diffusait son " Plan de défense dans lequel, en cas de repli à sud de la Marne, étaient affectés aux différentes unités et aux différents commandements les itinéraires pour rejoindre le fleuve et les passages sur le fleuve (ponts et passerelles, permanents et occasionnels); étaient données aussi les dispositions pour effectuer le repli, pour la destruction de ponts et passerelles et, enfin, l'organisation initiale de la défense sur la rive gauche.

Sur la base de ces instructions et ordres les commandements des unités veillèrent à leur tour à dresser leurs plans respectifs. Puisque selon les prescriptions de l'armée les ponts devaient être surveillés en permanence et les défenses des différents passages toujours munis d'une garnison, le IIème corps, n'ayant pas d'autres troupes disponibles finit par confier la surveillance et la défense au 64ème régiment. de marche et passa sous sa dépendance les deux compagnies de mitrailleuses du corps d'armée. En même temps, cependant, il demanda au commandement d'armée l'octroi de mitrailleuses de position, de façon à assurer une défense plus efficace et avoir une plus grande disponibilité des troupes mobiles. 48 armes de position furent obtenues, 12 furent envoyées à la défense des positions sur la Marne en remplacement des compagnies des corps d'armée, qui rejoignirent les troupes en réserve dans le bois de Sarbruge; les autres furent reparties parmi les divisions pour leur emploi en ligne dans la défense des fortifications et dans la création de nids intermédiaires.

On augmenta ainsi la puissance de feu des secteurs, lesquels avaient déjà reçu un renforcement considérable d'engins d'artillerie.

En fait, depuis que la 3ème division avait pris en charge la défense du secteur de Nanteuil, avaient été mis à la disposition du commandement d'artillerie du corps d'armée cinq groupes d'artillerie lourde française (24 de 105, trente six de 155) et avaient été laissés, provisoirement sur place trois brigades d'artillerie anglaise : 41ème, 94ème, 95ème (30 canons de 75, 10 de 112, 4 de 120 et 4 de 150). Peu après ces brigades avaient été remplacées par des groupes d'artillerie de campagne français, à traction mécanique et les groupes d'artillerie lourde avaient été portés à six. Après l'entrée en ligne la 8ème division, le C.A. avait eu à sa disposition aussi une section de la 8ème batterie du IV groupe du 85ème régiment d'artillerie lourde de 145, et deux autres groupes de campagne.

Comme nous l'avons indiqué, le critère défensif adopté par le commandement du IIème corps dans ses premières instructions fut celui de la défense à outrance de la "première " position; ce concept, qui venait des ordres préexistants de la 5ème armée, a été confirmé, plusieurs fois, par la suite, par l'armée même. Le 25 juin, en fait, en diffusant une circulaire du général Pétain (commandant des armées), relative à la définition des différentes positions défensives et à la mise au point des fonctions respectives, la 5ème armée pensait que du contenu de la circulaire même il apparaissait clairement qu'il fallait l'interpréter comme applicable exclusivement aux fronts déjà stabilisés définitivement, et ajoutait que, pour ce qui se référait au territoire de sa compétence, elle se réservait d'expliquer, au moment opportun, ce qui aurait dû être la "position de résistance" mais, en attendant, il n'y avait pas " un pouce de terrain à perdre ".

Mais, puisque les corps d'armée, face à une offensive ennemie de grande envergure, n'auraient pas pu défendre une zone d'une profondeur non définie, et précisait qu'eux étaient responsables de la bande de terrain jusqu'à la position Reuil - Pourcy - Chamery - Villers - Allerand - Rilly - Verzenay, sur laquelle il les obligeait de tenir des garnisons de sécurité qui devaient en garantir la possession jusqu'à l'arrivée des divisions de renfort. Par la suite, le 28 juin, envoyant une autre circulaire du même général Pétain concernant le déploiement d'artillerie, il écrivait : " Pour l'heure il s'agit de ne perdre aucune parcelle de terrain, exception faite, bien entendu, pour celui qui n'est tenu que par des postes de surveillance".

De ces principes directeurs s'inspira aussi le plan de défense diffusé par l'armée le même jour 28 juin. Sur la base des prescriptions qu'il contenait le territoire occupé par les troupes dépendantes devait être défendu, coûte que coûte; chaque partie éventuellement perdue devait être reconquise par des contre-attaques immédiates. La lutte devait être conduite sur les positions successives de façon que chacune eût la possibilité de devenir le point de départ de la contre-offensive, dès que l'action ennemie montrât de s'être épuisée contre les organisations de défense d'en face. A la défense coûte que coûte de la première position, donc, furent orientés, même par la suite, les études, les ordres et directives des commandements, ainsi que l'activité de travail des troupes et l 'emploi des réserves.

Le " Plan de défense" que le général Albricci envoya aux détachements dépendants le 8 juillet était aussi basé sur cette prémisse. Ledit plan, qui était, du reste, en parfaite harmonie avec les instructions données le 16 et le 20 juin prévoyait que l'organisation de la défense du corps d'armée comprendrait : une " ligne de surveillance" tenue par des petits postes avec la tâche de prévenir les troupes de la première position des intentions de l'ennemi et de déjouer les attaques par surprise de ses patrouilles; une " première position" : bois de Vrigny - côte qui descend vers Ste Euphraise - bois de la Vallotte (saillant ouest)- Montagne de Bligny - pente occidentale du bois de Pargny - bois des Grands - Savarts - Onrezy - marge nord-ouest du bois de Commetreuil - bois de Hyermont - Moulin Chaumuzy - flancs nord du bois "des Eclisses", qui devait servir de protection à l'artillerie, comme ligne de départ pour les contre-attaques des réserves et, avec des "bretelles", à même de créer les compartiments étanches; une " deuxième position : bois de Maître Jean - pentes occidentales du Pâtis d'Ecueil - moulin de l'Ardre - éperon de Ballin - bois de Courton, à faire tenir par les régiments de réserve et par les troupes supplémentaires.; enfin, " une troisième position" : Sermiers - Courtagnon - Cormoyeux - Romery - pentes occidentales du bois de St Marc, sur laquelle le combat et la défense devaient être portés seulement en cas extrême.

En même temps que l'organisation de la défense avançait, les études et la préparation d'une action offensive étaient menées. Dès le 8 juin, en effet, en conformité avec les directives données à ce propos par le général Foch, le général Pétain avait invité le commandement de la 5ème armée à préparer une offensive en direction générale de Fismes, dans le but de gagner du terrain au nord-ouest de la Montagne de Reims, reportant le front sur la ligne : Germigny - Treslon - Lagery - Aougny - Passy - Grigny. Le général Micheler, commandant de l'armée, avait prévu le plan d'une attaque entre Vesle et Marne, à laquelle auraient dû participer le Vème corps d'armée français, le IIème italien ainsi que le Ier colonial. Mais le projet, jugé trop vaste par rapport aux moyens dont l'armée aurait pu disposer, n'avait pas été approuvé complètement par les autorités supérieures. Le Général Buat qui succéda à Micheler, avait repris les études en les orientant vers une action moins importante.

Le nouveau projet avait été approuvé et le commencement de l'attaque prévu à une date à préciser entre le 25 et le 30 juin. Mais par la suite le général Buat était averti qu'il n'aurait pas pu avoir en temps utile les renforts qu'il avait demandés. Le commandant de la 5 armée dressa, alors, un nouveau plan encore plus réduit, visant, seulement à supprimer le saillant de la ligne de l'ennemi entre le bois de Trotte et celui "des Eclisses" (ordre d'opérations du 26 juin).

Cette opération aurait dû se développer avec deux attaques simultanées et convergeant au sud de Ville-en-Tardenois : l'une effectué par le IIème corps, à droite, en direction générale Champlat, Ville-en-Tardenois, et l'autre par le Vème corps, à gauche, avec direction générale vers le Haut Plateau de côte 250 et, ensuite, vers le nord-nord-est. L'attaque ainsi réalisée aurait réduit l'extension du front de l'armée, supprimé le saillant de la Montagne de Bligny, point faible de notre occupation, et permis l'observation sur les arrières ennemies dans la région Romigny, Ville-en-Tardenois et privé l'adversaire de l'excellent observatoire de côte 250 et, enfin, augmenté la profondeur entre la gauche du déploiement de l'armée et de la Marne.

Dans une note du 28 juin, l'armée mit aussi à l'étude deux opérations particulières à effectuer l'une après l'autre; la première devait commencer 3 ou 4 jours après la conquête des objectifs indiqués dans l'ordre du 26 juin, l'autre à 2 ou 3 jours d'intervalle. Les deux offensives auraient dû viser : l'une confiée au IIème corps d'armée italien et au Ier corps d'armée colonial français, à gagner du terrain devant le haut-plateau de la côte 240, l'autre à effectuer par le Ier corps d'armée colonial français, à dégager les limites occidentales de Reims.

Les études pour des attaques en direction de Aubilly et de Ville en Tardenois avaient déjà commencé de la part de notre IIème corps dés le 19 juin. En effet, à cette date le général Albricci, dès que la 8ème division était montée en ligne dans la vallée de l'Ardre, avait ordonné aux deux divisions de préparer les plans respectifs pour améliorer la situation en face du bois de Benuil et de celui entre La-Croix-Ferlin et les Houleux, pour la 3ème division, et pour l'occupation des pentes descendantes vers Ville-en-Tardenois et Chambrecy, pour la 8ème division.

Les opérations maintenant, décidées par le commandant de l'armée trouvèrent les commandements italiens déjà prêts et il fut possible de les étudier dans les plus menus détails. Les reconnaissances faites, les ordres de détail sont donnés aux différents commandements, sont désignés les emplacements pour l'artillerie affectée en renfort et pour les mitrailleuses, sont préparés les tirs des artilleries, sont placés les hommes et des moyens.

Les préparatifs sont conduits avec la plus grande ardeur et discrétion, presque jusqu'à la veille de la quatrième bataille en Champagne, c'est-à-dire jusqu'à ce que les indices toujours plus convaincants et sûrs d'une prochaine attaque de l'ennemi rendirent nécessaire de consacrer , pour le moment, toutes les énergies au système de défense.

 

 

 

 

LES COMBATS A LA MONTAGNE DE BLIGNY

(23 JUIN - 3 JUILLET)

 

PREMIERS INDICES D'UNE OFFENSIVE ENNEMIE

 

Sur la rive gauche de l'Ardre, à environ une douzaine de kilomètres de sa source, s'élève une hauteur qui, en face du village de Bligny sur la rive opposée, porte le nom de Montagne de Bligny. En réalité il s'agit d'une colline avec une altitude maximum de 197 m., d'un aspect allongé, dernière ramification de la Montagne de Reims en direction de Sarcy. Une colline de faible relief parcourue par la route carrossable Bligny- Chambrecy - Ville-en-Tardenois, qui la sépare du bois " des Eclisses".

Deux vallées la côtoient confluant à Sarcy : celle de l'Ardre à l'est, celle du ruisseau de Ville à l'ouest. A proximité de la côte 197 les deux vallées atteignent 100 mètres, environ, au dessus du niveau de la mer, la Montagne de Bligny s'élève, donc, sur le terrain environnant à, à peine, quatre-vingt-dix mètres. Malgré sa modeste hauteur, la cote représentait un point assez important de notre occupation, tant parce qu'elle constituait un saillant de notre ligne vers l'ennemi, que parce que, dominant les deux versants de l'Ardre, elle aurait été, dans les mains de l'adversaire, un excellent observatoire.

Lorsque nos troupes remplacèrent les troupes britanniques, la ligne avancée sur la Montagne de Bligny était constituée de quelques trous individuels pour tireurs, à peine ébauchés et n'étaient pas protégés de barbelés Cette ligne une direction approximative est-ouest, se déroulait le long du sommet arrondi de la hauteur. Les nôtres avaient tenté d'améliorer cette situation, mais ils n'avaient pu faire que peu de chose ou rien, étant neutralisés par le feu continu de l'ennemi. Des positions environnantes, en effet, les Allemands frappaient aisément non seulement l'étroit sommet de la hauteur, mais aussi les revers de nos occupations discontinues avancées, qu'ils pouvaient surveiller très facilement puisque la côte n'offrait aucune couverture excepté un petit fourré d'arbres au sud du sommet et deux petits bosquets sur le versant occidental.

Dans la nuit du 23 juin, à environ à une heure, le feu de l'artillerie allemande se déchaîna à l'improviste sur toutes les positions que le 51ème régiment d'infanterie tenait entre le bois "les Eclisses" et la vallée de l'Ardre, battant avec une particulière violence, la Montagne de Bligny. Peu après le tir fut allongé et de forts détachements ennemis avancèrent à l'attaque de la côte l'investissant en même temps du nord-ouest, de l'ouest et du nord, pendant que de grosses patrouilles attaquaient le reste du front.

L'attaque, bien qu'inattendue, ne surprit pas les nôtres, qui réagirent tout de suite par le feu des mitrailleuses, des fusils, des grenades à main et avec le barrage d'artillerie.

Toutefois, la 9ème compagnie du 51ème d'infanterie, qui tenait le sommet, tant à cause de la violence du choc de l'ennemi, qu'à cause des pertes subies en officiers et troupe, se retira sur les versant sud-est. Le commandement du 51ème raccourcit alors le barrage, jusqu'à le transformer en tir de destruction sur les positions perdues. Peu après le feu de l'artillerie est allongé à nouveau, la 8ème compagnie pour le versant est, appuyée par l'action de deux pelotons de la 6ème sur le versant sud-est se ruât à la contre-attaque; la lutte continua acharnée jusqu'à l'aube. Au matin du 23, les anciennes positions, déjà occupées par la 9ème compagnie, étaient de nouveau dans nos mains, défendues par la 8ème Compagnie, par deux pelotons de la 6ème et de quelques rescapés de la 9ème; l'ennemi avait réussi à maintenir sur la côte quelques groupes.

Des interrogatoires concordants des prisonniers on réussit à préciser que l'attaque, qui devait être une surprise, tendait à profiter de la situation encore rudimentaire de nos travaux pour s'emparer de la Montagne de Bligny et du bois "des Eclisses". Le premier objectif avait été attaqué par le 351ème régiment allemand avec les bataillons et les compagnies côte à côte et échelonnés en profondeur; le deuxième devait être conquis par le 106ème régiment d'infanterie. Tandis que le bataillon du premier échelon du 361ème régiment avait réussi à porter son attaque jusqu'à nos positions, l'action des détachements restants avait été paralysée avant, et brisée après, par la prompte et efficace intervention de nos batteries de campagne et celles de moyen calibre.

A la tombée de la nuit deux compagnies du détachement d'assaut étaient rapprochées de la ligne de la brigade Alpes, afin qu'elles fussent employées à refouler les éléments allemands restés cachés près de nos lignes et pour déjouer des retours offensifs éventuels de l'ennemi, que les mouvements remarqués dans les lignes adverses faisaient croire comme probables. Vers 23 heures, en effet, après un bref mais violent feu d'artillerie contre nos défenses du bois "Les Eclisses" et sur la Montagne de Bligny, se lance une nouvelle attaque particulièrement acharnée contre la partie de notre ligne qui sillonne le flanc oriental de la montagne, descend à l'Ardre.

La 7ème compagnie du 51ème régiment, qui défend les positions, voit tomber trois de ses quatre officiers et perd du terrain bien qu'opposant une défense acharnée. La prompte arrivée de la 3ème compagnie du régiment, appuyée par une compagnie du détachement d'assaut, réussit à rétablir la situation, même si quelque groupes ennemis restent nichés dans quelques postes avancés, l'adversaire laisse entre nos mains des prisonniers et du matériel.

Les nuits suivantes, de part et d'autre, se développe une vive activité de patrouilles, les nôtres essayent de chasser les infiltrations d'ennemis, tandis que les adversaires cherchent d'affermir et élargir les zones qu'ils occupent. L'artillerie de chaque adversaire se maintient en activité, prête à repousser chaque mouvement de l'infanterie adverse.

La nuit du 29 juin, vers 1 heure, l'ennemi lance une nouvelle attaque contre nos lignes entre la lisière nord-ouest du bois "des Eclisses" et la Montagne de Bligny. La prompte réaction des 5ème et 6ème compagnies du 51ème régiment, qui défendent la ligne, déjoua la tentative. A 4 heures, nouvelle attaque par des détachements encore plus nombreux. La bataille est très violente et se termine par la reconquête, par les nôtres, des positions avancées tombées, dans un premier temps, aux mains de l'ennemi, qui, à la fin, ne garde qu'un des petits bosquets du versant occidental de la Montagne de Bligny.

Pour empêcher que l'occupation ennemie ne se stabilise, et pour relâcher la pression adverse et permettre, ainsi, aux nôtres de s'occuper de l'organisation de la défense de la position, le commandement du IIème corps donne l'ordre à la 8ème division d'effectuer une attaque pour réoccuper complètement la montagne de Bligny. L'action est tentée aux premières heures du 3 juillet. Le Ier détachement "arditi" du 51ème régiment, le IIème et le IIIème du 52ème et la 2ème compagnie du détachement d'assaut, renforcés par des sections lance-flammes constituent la première vague d'assaut; le IIème et le IIIème bataillon du 52ème sont prêts à défendre les positions dès que la reconquête sera réalisée; deux compagnies du Ier bataillon du 51ème sont rapprochées des positions de départ, afin d'en assurer la défense quand elles seront dégarnies des détachements destinés à l'attaque.

A droite et au centre l'action, la première vague réussit pleinement, les positions occupées par les Allemands sont atteintes et dépassées; sur la gauche, par contre, l'ennemi, s'étant aperçu à temps de notre tentative, réussit à arrêter l'assaut par le feu des mitrailleuses qui embusquées et bien cachées, prennent en enfilade les attaquants. Les détachements de renfort, envoyés pour soutenir l'action sont eux aussi arrêtés par le feu.

A trois heures les Allemands lancent une première contre-attaque, à laquelle ils en font suivre d'autres à brefs intervalles conduites avec des forces toujours croissantes. Les nôtres tiennent tant qu'ils peuvent, mais, à la fin, ils sont forcés de céder et de se replier sur les positions de départ. L'ennemi ne ralentit pas sa pression: à 5h.5 - à 5h.17 - à 6h.10 il essaye avec une violence désespérée de faire irruption dans nos positions, mais chaque effort échoue. Le calme revient, enfin, brisé seulement par le crépitement furieux de quelque mitrailleuse.

Le commandement du IIème corps d'armée, en prévision de l'offensive en projet, qui, sous peu, devra être menée avec le concours du Vème corps, estime opportun de suspendre, pour le moment, toute attaque partielle dans le secteur de Bligny; l'adversaire, qui prépare à son tour celle qui sera, ensuite, sa dernière bataille d'attaque considère qu'il vaut mieux donner au secteur un aspect de tranquillité, peut-être avec l'espoir d'assoupir, ainsi, la vigilance de nos troupes et faciliter la surprise sur laquelle il compte pour le bon résultat de la "Friedensturm". Le secteur, par conséquent, bénéficie d'une apparence de complète tranquillité.

Les prisonniers pris pendant les événements relatés, avaient déclaré, au cours des interrogatoires, avoir entendu parler d'un projet d'attaque vers Reims. Des prisonniers capturés en d'autres secteurs et des français évadés ont su que l'ennemi avait remis en état des tronçons entiers de voie ferrée; avait créé de nombreux dépôts de munitions pour l'artillerie et les liquides spéciaux, ils avait augmenté considérablement le nombre des pièces de gros calibre et sur voie ferrée. D'autres sources et de nombreux indices confirment que l'ennemi était en train de préparer un nouveau et important effort, dont le point d'application, a été facile à deviner, serait en Champagne.

Du reste, cette intuition se transforma bientôt en certitude absolue et le 5 juillet, le général Pétain pouvait écrire aux commandements des groupes d'armées du nord et de l'est qu'on attendait "une attaque entre Aisne et Marne visant à faire tomber Reims et à placer la voie ferrée Epernay-Châlons sous le canon ennemi", et par conséquent il leur ordonnait de "articuler leurs réserves de façon à assurer d'abord l'intégrité de la position de résistance et à pouvoir ensuite riposter sur tout le front des armées attaquées".

Sur le front du IIème corps d'armée, entre-temps, des indices ultérieurs qui confirmaient la prochaine offensive allemande ne manquèrent pas. L'activité de l'artillerie ennemie, qui avait été très intense pendant la première moitié de juin, avait, dans son ensemble, remarquablement diminué dans la deuxième quinzaine et s'était encore réduite les premiers jours de juillet, tout en maintenant assez actifs les tirs contre nos avions et nos ballons d'observation.

Même l'activité des patrouilles de l'ennemi s'était ralentie, et se montrait, pourtant, assez vigilante pour empêcher la capture de prisonniers de notre part. On ne notait plus aucun mouvement de jour à l'arrière, d'où, au contraire, la nuit arrivait la rumeur distincte d'un trafic intense. L'aviation adverse, tandis qu'elle se montrait particulièrement agressive pour empêcher les reconnaissances de nos avions, se bornait à survoler nos premières lignes. Des tirs de harcèlement de notre artillerie avaient, ici ou là, provoqué des explosions de dépôts de munitions en confirmant ainsi l'existence et la quantité.

Dans cette situation le nouveau commandant de la 5ème armée, le général Berthelot, pour obéir aux principes de la défense élastique voulue par le général Pétain, publiait, le 7 juillet, de nouvelles directives à propos de la conduite de la défense dans le territoire de sa compétence. Compte tenu que le front de la 5ème armée pouvait désormais être considéré comme stabilisé après une situation de combat il fallait préparer une parfaite organisation défensive, le général Berthelot ordonnait que, tout en restant inchangée la mission générale confiée à l'armée, la tâche de chaque corps d'armée et la conduite qu'ils devaient tenir en cas d'attaque devaient être orientées selon les normes suivantes :

La première ligne "Marne-Bligny-côte 240 à l'ouest de Vrigny", qui selon les prescriptions en vigueur aurait dû être protégée à outrance, devait, dorénavant, être considérée ligne d'avant-postes et en tant que telle tenue seulement par un minimum de forces.

Comme position de résistance à défendre à tout prix et dont les portions éventuellement perdues devaient être reconquises par des contre-attaques immédiates, établissait la ligne suivante, déjà considérée comme "intermédiaire" : "La-Neuville-aux-Larris- lisière ouest du Bois de Courton - Chaumuzy - marge nord-ouest du Bois de Reims- bretelle( à définir)) reliant le Bois de Reims avec la première ligne dans la région de Ste -Euphraise - actuelle première ligne le long des flancs de côte 240". Devant la position de résistance, le bois "des Eclisses" devait être considéré comme un pivot et comme tel occupé et défendu jusqu'au dernier homme, même si encerclé. Derrière la position de résistance, une deuxième position, qui était celle déjà établie comme telle, devait servir comme position d'arrêt et base de départ pour les contre-attaques menées par les réserves de l'armée.

Quant à la répartition des forces, le général Berthelot ordonnait qu'en première ligne devaient être laissés des avant-poste d'une force suffisante pour surveiller l'ennemi et arrêter les attaques partielles; avant-postes qu'on devait faire replier toutefois sur la ligne de résistance en cas d'attaque générale ou sur ordre du commandant de la division. Une garnison spéciale aurait défendu par contre la fortification du bois "des Eclisses". A la défense de la position de résistance aurait concouru le gros des forces d'infanterie; sur la deuxième position on aurait maintenu un noyau spécial, capable d'arrêter l'ennemi, qui aurait réussi à rompre la position de résistance, pendant le temps nécessaire aux réserves d'armée pour accourir et rétablir la situation.

Toute l'artillerie devaient être déplacée derrière la ligne de résistance. Aux commandants de corps d'armée était laissé le soin d'établir dans quels cas devaient être donnés les ordres pour le repliement des avant-postes sur la ligne de résistance. Pour être, toutefois, en mesure de récupérer la première position, dans le cas où l'attaque ennemie qui se serait déjà prononcée ne devait par la suite se développer, l'armée disposait que sur de telle position fussent laissés des détachements de surveillance assez forts pour pouvoir repousser les patrouilles ennemies et signaler l'éventuel regroupement de détachements adversaires devant nos barbelés.

Dans la transmission au IIème corps des ordres précédents , le général Berthelot communiquait que derrière le corps d'armée avait été amenée la 120ème division française, laquelle, dans le cas d'une attaque allemande en forces , aurait été employée à renforcer les troupes italiennes destinées à tenir la deuxième position et à exécuter les contre-attaques nécessaires pour reprendre le terrain éventuellement perdu.

Enfin, à titre de renseignement, il conseillait l'échelonnement en profondeur dans le secteur de chaque division italienne : deux ou trois bataillons sur la première position (ou des avant-postes), y compris la garnison du bois "des Eclisses", sept ou huit bataillons sur la position de résistance; deux ou trois bataillons en deuxième position; ensuite il plaçait directement la 120ème division directement aux ordres du IIème corps d'armée, avec la tâche de défendre avec des détachements italiens la deuxième position.

Pour consolider encore plus la solidarité entre les armées alliées, le général Berthelot ajoutait qu'il estimait avantageux que les bataillons italiens affectés à la deuxième position fussent placés sous les ordres du commandant de la 120ème division (général Mordacq) et deux ou trois bataillons de la 120ème fussent placés aux ordres des commandants de la 3ème et de la 8ème division pour combattre aux côtés des camarades italiens.

Le 8 juillet, le commandement de la 5ème armée communiquait un ordre récapitulatif des différents ordres déjà donnés au sujet du dispositif des corps d'armée dépendants et l'emploi des unités respectives, et décidait que le déploiement prévu fût assumé dans la nuit du 8 au 9 juillet. Le général Albricci recevait les ordres émanant de l'armée le 7 juillet, pendant que chez son commandement était en cours la communication du plan de défense auquel nous avons fait allusion dans le chapitre précèdent. En conséquence le 8 juillet il communiquait aux unités dépendantes que le plan, en harmonie avec les nouveaux ordres des autorités supérieures, aurait dû subir des modifications en ce qui concerne les définitions des positions et l'emploi des forces.

Le même jour il ordonnait que la 8ème division laisse seulement quatre compagnies sur la première ligne qui de l'Ardre, par la Montagne de Bligny, rejoignait le bois "des Eclisses" et quatre compagnies du bois "des Eclisses" , Champlat. Il fixait la force de défense au bois "des Eclisses" en deux bataillons : un de la 8ème division et un de la 120ème division. La 3ème division à son tour devait réduire l'occupation de la ligne avancée seulement à trois bataillons. Il ordonnait que cette ligne ne devait être renforcée en aucun cas; les troupes sur place devaient la défendre à outrance.

Mais aucune contre-attaque ne devait avoir lieu en cas de perte de quelques tronçons de la ligne; exception faite pour le bois "des Eclisses" qui devait constituer une fortification confiée à un commandement unique, responsable de la défense à tout prix, même s'il était encerclé. Il déterminait la position de résistance comme ci-après : bois de Vrigny - région St. Euphraise - lisière nord-ouest du bois de Reims - Chaumuzy - lisière occidentale du bois de Courton - La Neuville-aux-Larris.

Chaque division devait défendre jusqu'à la fin la même position dans les limites du son secteur, engageant graduellement toutes ses forces (neuf bataillons italiens et un français, cédé par la 120éme division). La 120ème division, destinée à tenir la deuxième position et à effectuer les contre-attaques, engageait à sa volonté un bataillon du 52ème et deux du 75ème avec le commandement du régiment, un bataillon du 75ème, le détachement d'assaut et les compagnies mitrailleuses du C.d'A.

Suite à l'ordre du commandement du Corps d'armée, la 3ème, la 8ème et la 120ème division publièrent les dispositions de leur propre compétence. Dans la nuit du 9, furent exécutés les mouvements pour faire assumer à l'infanterie le nouvel échelonnement, et commencèrent ceux de l'artillerie lourde, à laquelle, sur la base des premiers projets avait été donné un déploiement nettement offensif, et ceux pour placer au revers de la deuxième position les batteries du régiment d'artillerie de la 120ème division française.

Le général Albricci, auquel n'avait pas échappé le grand avantage que l'ennemi aurait eu en s'emparant de l'éperon de la Montagne de Bligny - bois des Eclisses - ensellement au nord du bois de Courton, pour pénétrer ensuite, sans aucun doute, dans le bassin Chaumuzy - Marfaux, le 9 juillet attirait l'attention sur de telles possibilités et ordonnait à la 3ème division de tenir prêtes les forces nécessaires pour équiper, face à l'Ardre, l'éperon sur lequel s'élève le bois du Petit-Champ et en garantir la possession sans se laisser déplacer des autres positions, et la 8ème fût en mesure, en n'importe quelle éventualité, de tenir le bois de Courton en se reliant par Espilly à la deuxième position, et en maintenant, sur la gauche, un étroit contact avec le Vème corps français. Avec ces précautions le corps d'armée se mettait en condition de pouvoir constituer, en cas de nécessité, une nouvelle ligne intégrale et puissante dans l'attente des contre-attaques qui auraient beau jeu en partant du demi-cercle bois de Courton - Pourcy - bois du Petit Champ.

Sur ordre de la 5ème armée, dans le but de bloquer l'offensive allemande qui semblait être imminente, et surtout pour contrôler le dispositif défensif préparé et permettre aux commandements et aux détachements de se rendre compte des rôles respectifs et des secteurs d'action, pendant la nuit du 10, avant minuit toute la défense était mise en état d'alerte. L'attaque ne se confirmant pas, ni d'autres indices qui pouvaient la faire présumer imminente, et à 4 heures le 10 juillet les troupes reprirent la "situation de demi-repos".

Le général Berthelot, même dans l'ardeur des préparatifs pour une bataille défensive, n'avait pourtant pas abandonné, ses projets offensifs; le 8 juillet, en effet, il écrivait que les mesures prises pour affronter l'attaque imminente et la valeur des troupes donnaient la certitude que l'attaque adverse serait sans faute arrêtée. Un tel arrêt, ajoutait-il, offrirait l'occasion propice pour passer à une offensive immédiate contre l'ennemi fatigué et désorganisé. Les trois corps d'armée devaient donc se tenir prêts à l'attaque avec tous leurs moyens et engins pour rejoindre, selon l'ordre de l'armée, la ligne : Moulin-le-Comte - Forzy - Aouguy - signal de St Antoine et bois des Limons - Lhéry - bois Terre - Rouge et Tramery - le col au Sud de Treslon - Janvry - Gueux - Thillois - St Brice.

Afin que cette offensive pût, au moment opportun, avoir un commencement immédiat et sans hésitations, il ordonnait à tous les corps d'armée de donner les ordres nécessaires. Le général Albricci, considérant qu'il n'était pas possible de prévoir le déplacement et la situation des forces au moment de passer à une telle contre-offensive, se bornait à communiquer aux commandements les intentions de l'armée, à préciser les limites du secteur dans lequel le corps d'armée aurait opéré et les objectifs à atteindre. Il ordonnait aux troupes et aux commandements de se tenir prêts à l'offensive en tenant compte que son intention était d'avancer avec deux divisions en premier échelon et la troisième en deuxième échelon. Il indiquait, enfin, les routes qu'il avait mises à disposition des deux divisions avancées.

Le 9 juillet, le commandant de la 5ème armée communiquait que, si l'ennemi n'avait pas attaqué avant, il comptait exécuter, vers le 25 juillet, l'opération préparée sur Ville-en-Tardenois.

Le général Albricci, pour compléter les ordres déjà donnés à ce propos en juin, donnait des instructions orales particulières à la 8ème division, la plus intéressée à une telle action, ordonnant au général Beruto de faire exécuter une manoeuvre synthétique avec les cadres, afin d'orienter encore mieux les commandements; le 12 juillet il promulguait les prédispositions à adopter pour faire face pendant l'offensive aux attaques éventuelles. Le même jour, le 12, pour garantir le réapprovisionnement des munitions à l'artillerie pendant un éventuel long et intense bombardement, le commandant du IIème corps demanda et obtint que la dotation des projectiles fût portée de trois à quatre journées de feu. Le matin du 13 juillet le commandant de la 5ème armée en colloque avec le général Albricci, disposa que la densité des troupes sur les lignes avancées fût fortement réduite, tout à l'avantage d'une plus grande disponibilité de moyens pour la défense de la position de résistance et pour que le barrage de l'artillerie fût prédisposé de façon qu'il pût, au commencement de l'attaque allemande, battre les barbelés de la ligne avancée et puis suivre le progrès de l'ennemi jusqu'à se fixer devant la position de résistance.

Le général Albricci, dans une réunion tenue le jour même à Hautvillers, donna verbalement aux commandements les dispositions nécessaires, auxquelles il fit suivre, en confirmation, copie de l'ordre reçu du général Berthelot. Les commandements de la 3ème et de la 8ème division donnèrent leurs propres ordres; celui de la 3ème division disposa, entre autre, qu'afin de réduire au minimum les dommages du bombardement ennemi, la défense à outrance fût reculée sur la ligne: bois de Vrigny - bretelle qui, du bois de Vrigny par le bois des Grands-Savarts, se raccordait à la ligne à l'ouest de Onrézy - bord nord du bois de Commetreuil - bois de Hyermont - Moulin de Chaumuzy.

En outre il ordonna que sur la ligne la plus avancée (bois de Vrigny - bois Ste. Euphraise - Croix - Ferlin) fussent déplacés des groupes de guetteurs avec fonction de pure observation et pour celle de Bligny - Bois de la Vallotte - Ste Euphraise, qu'il appela "de première résistance", demeurassent 4 compagnies. La 8ème division réduisit la garnison de la ligne des avant-postes à trois compagnies seulement. Le jour après il donna des ordres pour le repli, en cas d'attaque, des avant-postes sur la ligne de résistance et pour l'exécution du tir de contre-préparation. La nuit du 14, les dispositions données furent actualisées et les batteries lourdes, qui étaient toujours placées devant la 2ème position furent repliées derrière la même position.

En conformité à un ordre analogue de l'armée, furent rétablies les mesures d'alarme dans l'attente de l'attaque ennemie, que des informations diverses donnaient comme certaine dans la nuit. A propos des tirs d'artillerie, le commandant du 2ème corps le 14 juillet disposa qu'au commencement du bombardement ennemi devait être effectuée la préparation d'une contre offensive complète, d'une durée de 25 minutes, pendant laquelle l'infanterie devait obligatoirement dégager la ligne de surveillance; à la fin cette contre-préparation le tir devait être transporté sur les lignes de vigilance et exécuté par brèves rafales, et, autant que possible, suivant les indications des observateurs spéciaux situés près de la ligne de résistance principale.

Dés qu'étaient repérée l'infanterie ennemie avançant à l'attaque, ou le brouillard artificiel qui en général les devançait, le barrage devait être intensifié, et ensuite raccourci graduellement, jusqu'au devant de notre ligne de résistance, suivant à vue la progression de l'infanterie adverse, ou, si cela n'était pas possible sur la base de critères à fixer précédemment. et basés sur la vitesse normale de progression de la troupe. La demande de ce barrage et de son successif raccourcissement aurait été faite par le signal habituel conventionnel.

Avec une note datée du 14 juillet, la 5ème armée, modifie partiellement ce qu'elle avait ordonné le 7 juillet, définissant les différentes positions défensives de la façon suivante :

- première position ou position d'avant-postes ou position avancée : l'ancienne première position; position intermédiaire ou de résistance : les Mesneux- carrefour - de la Chapelle de St. Lié (ouest de Ville-Dommange) - bois de Reims - Chaumuzy - lisière ouest du bois de Courton - La Neuville-aux-Larris - lisière nord ouest du bois de Rodemat..

- deuxième position ou position de barrage : Chamery - Pourcy - raccourci du bois de Courton - bois de Nanteuil...

- troisième position ou position en arrière : Sermiers - Cormoyeux - Romery - bois de St. Marc....

Il précisait, en outre, que sur la position avancée étaient laissées, en permanence, des forces minimes, exception faite pour les points déjà connus, qui devaient être défendus à outrance; que le corps d'armée coloniale et le IIème corps devaient prendre les accords opportuns à propos de la garnison italo-française à laisser dans le centre de résistance de la côte 240 (Vrigny), situé à la limite entre les deux corps d'armée. "Aucune contre-attaque locale", concluait la note "ne sera déclenchée pour reprendre des éléments de la position avancée. C'est à la contre-offensive menée après l'arrêt de l'ennemi sur la position de résistance qu'il appartiendra de dégager les centres de résistance avancés qui auront poursuivi la lutte en avant de cette position".

Le soir, le IIème corps d'armée décidait que sur les positions de surveillance restassent, même pendant le bombardement, et jusqu'à l'attaque de l'infanterie adverse, quelques petits noyaux munis de fusils et pistolets mitrailleurs avec la tâche d'accueillir avec le feu les premières vagues ennemies et en ralentir l'attaque. Ces patrouilles choisies, autant que possible constituées de volontaires, commandées par des sous-officiers et aussi par quelques officiers, en se retirant auraient lancé des fusées pour avertir que le barrage devait être raccourci.

Les commandements de la 3ème et de la 8ème division se hâtaient de diffuser les nouvelles instructions sur les éléments à laisser sur la ligne de surveillance et leur attitude en cas d'attaque en forces. Entre-temps, dans l'après-midi le général Crépy, commandant l'artillerie de l'armée, dans une conférence tenue au siège du commandement d'artillerie du IIème corps, en présence des généraux commandant l'artillerie des corps d'armée, avait donné les dispositions et les directives pour l'emploi de l'artillerie et contrôlé les plans des tirs de barrage et en particulier ceux préparés pour le feu sur les tronçons de conjonction des corps d'armée.

Dans cette réunion était fixée en principe la règle qu'à cause de la disponibilité limitée de moyens, pendant la préparation et le développement de l'action, les tirs de contrebatterie ne devaient pas s'effectuer de la part des artilleries de corps d'armée et que, pendant la contre-préparation toutes les bouches à feu lourdes devaient être employées en superposition aux barrages des artilleries de campagne.

 

LE 2e CORPS D'ARMEE ITALIEN AVANT L'OFFENSIVE ALLEMANDE DE 15 JUILLET

OFFENSIVE ALLEMANDE A L'EST ET A L'OUEST DE REIMS ET SUR LA MARNE ( 15 17 juillet )

LA CONTRE-OFFENSIVE FRANÇAISE ( 18 juillet - 7 août )

Aussi tôt terminée la bataille sur la Lys ( avril 1918), le Commandement Suprême allemand avait ordonné au prince héritier Rupprecht, commandant le groupe d'armées des Flandres, de préparer la reprise des opérations. Hindenburg était, en effet, plus que jamais convaincu qu'une victoire sur les ctes de la Manche aurait eu des conséquences décisives pour la guerre, mais il n'ignorait pas que pour battre l'Angleterre dans les Flandres il était nécessaire d'attirer sur un autre partie du front les forces françaises de réserve, qui auraient pu, comme en avril, accourir et sauver, encore une fois, les Anglais de la défaite.

D'un autre cté l'offensive entre Noyon et Reims ( mai - juin ), si elle avait permis aux Allemands de remporter un remarquable succès local, elle n'avait pas atteint le but que le Commandement Suprème allemand espérait : c'est-à-dire, séparer les deux alliés : des nombreuses réserves françaises étaient, en effet, restées dans les Flandres et en des localités aptes pour un transport rapide. En conséquence, avant de reprendre les opérations contre les Anglais au nord, on considéra nécessaire une nouvelle offensive à caractère de diversion; pour la réaliser le secteur à ouest de Reims parût le plus apte. Le choix de ce secteur offrait non seulement la certitude qu'un succès allemand à sud de la Marne, menaçant Paris d'une part et tout le déploiement des armées de l'est d'autre part, auraient contraint le Commandement Suprème français à jeter dans la lutte tous les moyens disponibles, mais il y avait aussi la nécessité de sortir de la situation critique dans laquelle les troupes allemandes se trouvaient entre Reims et Soissons.

Pendant les études de cette attaque, conçue à l'origine comme principalement une diversion, acquit toujours plus d'importance et d'ampleur, s'étendant aussi à l'est de Reims et faisant surgir l'espoir qu'elle pouvait rapporter des succès même plus importants de ceux prévus au commencement.

L'organisation de l'action et sa direction furent confiées au Kronprinz Impérial, commandant le groupe d'armées formé avec les 3ème, 1ère, 7ème, et 18ème armées, auxquelles, après, s'ajouta la 9ème. Les dites armées étaient rangées, front au sud, d'Avocourt (est) à Moreuil. Leur occupation avait, d'Avocourt jusqu'à Reims, un cours presque rectiligne et direction est-ouest; il passait ensuite au nord de Reims, ceinturant la ville de trois ctés; se dirigeait ensuite, avec un tracé tout saillants et rentrants, vers sud-ouest jusqu'à la Marne près de Verneuil; il suivait, ensuite, les sinuosités du fleuve jusqu'à Château-Thierry d'où, avec un tracé sud-nord, avançait jusqu'à l'Aisne, qu'il coupait une dizaine de km. à ouest de Soissons, pour se courber, tout de suite après, au nord-ouest et rejoindre Moreuil.

Entre Reims et Soissons la ligne allemande formait, donc, une poche d'environ soixante km. d'ouverture et une profondeur d'environ trente cinq km. Cette poche était non seulement sous la menace continuelle d'une attaque française qui viserait à en fermer l'ouverture, mais présentait aussi l'inconvénient d'être desservie par la seule voie ferrée, à rendement plutt faible, Laon-Soissons.

Avec cette action destinée à l'éliminer, le Kronprinz Impérial décidait d'engager les 7ème, 1ère et 3ème armées. La 7ème armée devait percer, par surprise, les positions adversaires entre Chambrecy et Gland et s'emparer des ponts d'Epernay et des hauteurs sud-ouest de la ville. Son flanc droit aurait été garanti par une percée jusqu'à la ligne : Gland - St Eugène - Orbais - les hauteurs de Brugny au sud; pour la défense du flanc gauche de l'attaque l'aile gauche de l'armée devait pousser au nord de la Marne le plus loin possible et, au moins, jusqu'à la ligne Mancy - Chonilly - Ay - Dizy - Magenta - Hautvillers - Nanteuil-la-Fosse - Chaumuzy - Chambrecy.

A la première armée ( à l'est de la 7ème ) avait été assignée la tâche de rompre les résistances ennemies entre Prunay et Aubérive et, prenant garde vers la Montagne de Reims, franchir la Marne entre Condé et Châlons-sur-Marne. Le contact avec la 7ème armée devait se réaliser en avançant au delà de la ligne Bouzy-Condé en direction d'Epernay.

A la 3ème armée ( aile gauche extrême du groupe d'armées ) était confiée la protection du flanc gauche de l'attaque, elle devait y veiller en s'emparant, dans un premier temps, de la ligne : hauteurs à est de St. Étienne - pentes sud-est de la cote 182 ( entre les rus de Suippes - Châlons et Suippes - Somme - Suippes ) - hauteurs à l'est de Perthes. Ensuite, avec la progression de l'attaque de la 1ère armée, la 3ème aurait rejoint la ligne Courtisols - Tilloy et Bellay - Somme - Tourbe assurant ainsi le passage de la Marne à l'aile est de la 1ère armée.

Dès que les autres armées auraient rejoint les positions que leurs avaient été indiquées, l'aile gauche de la 7ème devait s'unir à l'avancée générale et s'emparer de la ligne: Verdon - hauteurs de la Chapelle - hauteurs de Beaunay - hauteurs à sud-ouest de Bergères.

L'opération ainsi conçue excluait l'attaque directe de Reims, qui serait tombée en vertu de la manoeuvre tournante de la 7ème et de la 1ère armée, et requérait que la droite du front d'attaque de la 7ème armée abordât le passage de la Marne en présence, et à brève distance de l'ennemi.

Pour la réussite de son plan le Commandement allemand comptait beaucoup sur la surprise et sur l'irrésistible rapidité de la progression de ses troupes : les premiers deux jours et la nuit intermédiaire étaient donc considérés décisifs pour le bon résultat des opérations.

Le début de l'attaque, prévu tout d'abord pour le 10 juillet, fût, ensuite, renvoyé au 15 du même mois. A cette date l'importance des forces destinées à l'attaque était dans l'ensemble de 50 divisions réparties dans le territoire de 12 corps d'armée. De ces divisions 29 étaient placées en première ligne (cinq d'entre elles toutefois : la 33ème du XVIème corps, la 238ème du VII; la 242ème du VII et la 213ème du XV et la 86ème du VI devaient entrer en action en un deuxième temps), 10 étaient de deuxième échelon et 11 de troisième.

L'artillerie était représentée par un bloc de 1656 batteries ( 1047 de campagne et 609 lourdes ) et de 2214 lance-mines.

Comme nous avons eu l'occasion de dire, le Commandement Suprème français eut à temps connaissance des desseins offensifs allemands; bientt il fût en mesure de connaître non seulement le front choisi pour l'attaque, mais aussi le jour où elle devait avoir lieu et même l'heure exacte du commencement.

Le groupe des armées du centre ( 4ème, 5ème et 6ème armées) sous le commandement du général Maistre, en ligne, sur le front menacé, fût, donc, rapidement renforcé avec des divisions, d'autres secteurs, tandis que furent prises toutes les mesures propres à contenir le choc imminent. Tirant ensuite avantage des préparatifs en cours déjà depuis un certain temps dans la 10ème et la 6ème armée pour une attaque entre Aisne et Marne , destinée à réduire la poche de Château-Thierry, fût prise la décision de répondre à l'offensive allemande avec une contre-offensive en direction de Fère-en-Tardenois, laquelle, en plus des avantages qu'elle pouvait apporter directement, aurait neutralisé l'offensive allemande à l'ouest de Reims, consentant par conséquence à consacrer à la défense à l'est de Reims toutes les forces de la région de Châlons.

Le 12 juillet le général Pétain affectait à la 10ème armée la tâche de rompre le front allemand à sud de l'Aisne, en direction d'Oulchy-le-Château, et à la 6ème ( qui pour la contre-offensive serait passée sous le commandement du G.A.R. ) celui d'appuyer la 10ème attaquant en direction du haut plateau de Breny, Armentières. Les deux armées reçurent l'ordre d'être prêtes à entrer en action le matin du 18 juillet.

Les forces réunies pour la bataille de défense entre Argonnes et Château-Thierry s'élevèrent au total à 49 divisions dont 33 en premier et deuxième échelon, affectées aux armées en ligne: 4ème et 5ème et l'aile droite de la 6ème ( IIIème et XXXVIIIème Corps d'Armée ), et 16 en réserve générale. L'artillerie possède 380 batteries de campagne, 385 lourdes , longues et courtes, 60 pièces lourdes de grande puissance ou sur chemin de fer, 18 batteries de tranchée et 11 antichars. A la contre-offensive entre Marne et Aisne furent destinées 27 divisions appartenant à la 10ème armée et à l'aile gauche de la 6ème.

La nuit du 14 au 15 juillet, à 23h.30 la bataille commence avec le tir de contre-préparation déclenché de front par toutes les bouches-à-feu du groupe des armées du centre français. La surprise, sur laquelle le Commandement allemand comptait énormément, a échoué ! Vers le 0h.10, le 15 juillet, l'artillerie allemande entre en action. A 1 heure, leur tir atteint le maximum d'intensité. Autour de Reims, du Fort de la Pompelle à Vrigny, la préparation est, dans l'ensemble, plutt faible, mais de Vrigny à la Marne d'une part et de l'ouest de la Pompelle jusqu'à Massige de l'autre, le bombardement s'abat avec une très grande violence sur les premières lignes, tandis que de puissantes concentrations enveloppent de fer, de feu et de gaz toxiques les batteries, et que des tirs d'interdiction se déversent sur les routes carrossables, sur les arrières, dans la région d'Epernay, et sur les ponts de la Marne.

Presque en même temps commence, pour les troupes du génie de la 7ème armée allemande, le transport sur le bord de la Marne des pontons destinés au passage des troupes d'assaut et .à la construction de ponts sur le fleuve. Entre 4h.45 et 5h.30 commence l'attaque précédée par le barrage mobile réglé à temps. Des vagues clairsemées, renforcées de mitrailleuses légères et, parfois, de lance-flammes précèdent des petites colonnes suivies d'autres plus importantes.

Les troupes avancées de la défense réagissent avec énergie, mais, malgré cela, sont mises en déroute sous la violence de l'assaut. De l'est de Reims et jusqu'à Massiges ( front du 1er C.A. colonial de la 5ème armée, et du IVème, XXIème et partie du VIIIème C.A. de la 4ème armée) les Allemands, vers 7h.30 sont déjà au contact des positions de résistance de leurs adversaires, et tentent, à plusieurs reprises, de passer. Quelques avantages partiels sont, toutefois, annulés par les rapides contre-attaques, qui aboutissent partout à l'arrêt de la progression.

A l'ouest de Reims entre Vrigny et Gland ( front du IIème corps italien et du 5ème français de la Vème armée, du IIIème corps et de l'aile droite du XXXVIIIème de la VIème armée ) l'attaque allemande remporte des succès. Ayant dépassé, avec élan, les positions avancées, l'attaque s'abattit avec violence contre les positions de résistance. Les troupes qui les défendent, surtout celles de la Vème armée, ont essuyé des pertes considérables pendant le bombardement, toutefois elles se battent avec ténacité, mais sont obligées, à la fin, de céder du terrain sous la poussée formidable .

La position de résistance est rompue en plusieurs endroits et puis dépassée; les troupes allemandes pénètrent toujours plus en profondeur et sont menaçantes pour l'organisation de la défense. A la limite, vers Reims la 3ème division italienne maintient solidement, à droite, dans le bois de Vrigny, le contact avec le 1er corps colonial, mais à gauche elle est obligée de reculer pour s'appuyer à la deuxième position sur laquelle sont disposés les rescapés de la 8ème division italienne, très éprouvée, et la 120ème division française.

Plus à l'ouest, les 40ème et 8ème divisions françaises du Vème corps perdent du terrain et sont contraints à la défense désespérée de la deuxième position qui, en quelques tronçons, est elle aussi touchée par l'ennemi.

Sur le front du IIIème corps, la 51ème division, durement éprouvée, recule sur la ligne Comblizy - Chapelle-Monthodon contraignant sa voisine, la 125ème, qui court le risque d'être enveloppée par l'est, à replier son aile droite vers St. Agnan.

Sur le front du XXXVIIIème corps, l'attaque allemande, qui se déploie seulement dans le secteur compris entre Gland et Mézy-Moulins est contenu devant les positions par les troupes de la 3ème division américaine.

Dans l'ensemble les Allemands réussissent, dans la journée, à se créer sur la Marne une tête de pont, qui, entre Gland et Vrigny mesure 35 km., et a, dans le secteur du Vème corps, en direction d'Epernay, une profondeur d'environ 6 km. "Les résultats ne correspondent pas à nos grandes espérances; mais nous attendons du mieux le jour suivant", écrit le général Hindenburg.

Du cté français les pertes subies furent considérables surtout pour les divisions en ligne à l'ouest de Reims, lesquelles eurent leurs rangs décimés : la 8ème division italienne, la 40ème, la 8ème 1a 51ème et même 125ème françaises avaient été réduites à quelques restes sanglants; quelques unes furent éloignées du camp de bataille sans tarder. Même les réserves d'armée et une bonne partie de la réserve générale avaient été jetées dans la fournaise.

Au cours de la bataille le général Pétain avait même considéré la possibilité de différer l'offensive du groupe d'armées de réserve et d'utiliser, dans le secteur attaqué, quelques unes des divisions de ce groupe. L'intervention du général Foch évita la réalisation de ce projet et la 168ème division seulement fut soustraite aux réserves de l'aile gauche de la 6e armée.

Le soir du 15 juillet, le haut commandement français, outre la 168ème division, disposait encore, pour faire front aux nécessités de la défense, encore de 6 divisions fraîches. Le général Pétain considérait encore, avec une certaine inquiétude, les progrès réalisés par l'ennemi au sud de la Marne; en outre, il ne se cachait pas le danger qu'une ultérieure avancée allemande dans la même direction aurait pu représenter; néanmoins au général Foch, qui insistait sur l'opportunité de réaliser au plus tt l'offensive entre Aisne et Marne, il répondait que, très probablement, les journées du 16 et 17 auraient été suffisantes au G.A.C. pour repousser l'attaque et que, par conséquent, la contre-offensive aurait pu commencer, comme prévu, le 18 juillet.

Le Commandement Suprême allemand ordonne au groupe d'armées du Kronprinz Impérial de persister, le 16, dans l'attaque. Toutefois, puisqu'il doit commencer l'envoi déjà préparé de batteries lourdes, de détachements lance-flammes etc... au groupe d'armées du Komprinz Rupprecht pour l'offensive dans les Flandres, il est décidé que l'attaque aura moins d'intensité sur le front de la 3ème armée, laquelle devra s'engager seulement avec l'aile gauche: le centre de gravité de l'action est déplacée, en ce secteur, vers la 1ère armée.

A la 7ème armée, par contre, reste confié le rle de contraindre l'adversaire à renoncer à la position de Reims. " Il importe, surtout, conclut l'ordre du Commandement Suprême, gagner du terrain en direction de Mourmelon-le-Petit et de Mourmelon-le-Grand et réaliser, même à plus petite échelle, les concepts stratégiques initiaux Conformément à ces ordres, le 16 juillet, on note une série d'attaques sur le front de la 4ème armée française, ordres qui, dans l'ensemble, ne modifient pas sensiblement la situation respective des deux belligérants. L'action se développe, par contre, particulièrement violente à l'ouest de Reims, sur le front de la 5ème armée française, où les Allemands réussissent à progresser en direction de Nanteuil-la-fosse, dans le secteur défendu par 120éme division française, et encore plus à cheval de la Marne, en direction d'Epernay où, entamée la seconde position, ils avancent jusqu'à la lisière ouest de Venteuil et occupent la Cave et Montvoisin.

A l'aile droite de la 5éme armée, la 3éme division italienne résiste vaillamment à la poussée de l'ennemi sur ses positions entre Vrigny et le sud de Courmas. A l'extrême gauche du secteur attaqué, en face de la 3éme division américaine, les Allemands ont renoncé à agir, quittent Mézy et replient leur 10éme division sur la rive droite de la Marne; plus à l'est ils s'opposent avec efficacité aux contre-attaques que l'aile droite du IIéme corps d'armée français réalise pour les repousser au nord du fleuve.

Le résultat des combats de la journée confirme pour le Commandement Suprème allemand l'impression que son plan a déjà raté et que ni à l'est de Reims ni au sud de la Marne il n'y a plus à espérer dans une nouvelle avancée; mais le Commandement croit encore possible de progresser dans la zone montagneuse au nord du fleuve. "La destinée de Reims, écrit le général Hindenburg, semble suspendu à un fil, le reste de l'opération peut être dès maintenant considéré comme raté, Reims au moins doit tomber. La ville est un objectif militaire de grande importance pour nous, telle qui vaut l'enjeu : et sa chute ne sera pas exempte d'un grand effet sur l'adversaire".

Les ordres pour le 17 juillet prévoient, en conséquence, que la 3ème armée, la 1ère et les unités de la 7ème passées à sud de la Marne renoncent aux attaques et assument une attitude défensive; les détachements, par contre , de la 7ème armée, qui sont au nord du fleuve, doivent continuer l'offensive.

A son tour le général Pétain, même ayant encore des préoccupations au sujet de la situation dans la région de la Marne, estime que la bataille défensive, désormais, dans l'ensemble, présente une tournure pleinement favorable aux armes françaises.

Il télégraphie donc au commandant du G.A.C. que l'échec subi par les Allemands sur le front de la 4ème armée doit permettre non seulement de renforcer la 5ème armée de façon qu'elle puisse prendre l'offensive et reconquérir ce qu'elle a perdu, mais aussi d'affecter des unités fraîches à la 6ème armée. Et puis dans le but que cette dernière puisse se dédier en plein à la préparation de l'offensive qu'elle doit conduire en concomitance avec la 10ème, ordonne que le commandement de la 9ème armée entre en ligne engageant dans ses propres dépendances les deux corps d'armée à droite de la 6ème (IIIème et XXXVIIIème) engagés dans l'attaque allemande.

La journée du 17 est caractérisée par une suite d'attaques et contre-attaques violentes sur le front de la 5ème armée française qui se concluent en laissant presque inchangée la situation générale. Mais la situation allemande devient d'heure en heure plus précaire et intenable : en effet, si les troupes impériales au sud de la Marne réussissent, au prix de graves pertes, à se maintenir sur les positions conquises, elles sont ,toutefois, dangereusement adossées au fleuve, que chaque contre-attaque peut être pour elles fatale. D'un autre cté, les tirs toujours plus intenses et efficaces de l'artillerie et des avions sur les ponts jetés à travers la Marne, rendent les provisions de munitions et les ravitaillements des vivres toujours plus difficiles et aléatoires.

Dans la zone montagneuse les avantages obtenus sont minimes : il est évident que de ce cté est nécessaire une nouvelle préparation appropriée, si on veut atteindre les objectifs pour lesquels on combat désormais sans interruption depuis trois jours.

Le Commandement Suprème allemand ordonne, donc, de procéder au retrait systématique des troupes employées au sud de la Marne. Un tel repli doit être réalisé dans la nuit du 21 juillet. "De tout ce que nous espérions atteindre, il reste bien peu : l'entreprise semble ratée et ne nous apporte aucun avantage positif par rapport au front français. Mais avec cela il n'est pas dit qu'il n'en découle pas une utilité pour notre attaque dans les Flandres"... Ainsi le général Hindenburg commente la décision prise.

Le général Pétain, entre-temps, avait diffusé les ordres afin que le lendemain commence la contre-offensive projetée de la 10ème et 6ème armée et afin que les 4ème, 5ème, et 9ème reprennent leurs contre-attaques pour reconquérir le terrain perdu.

Commence ainsi, le 18 juillet, la deuxième bataille de la Marne, dans laquelle cinq armées s'engagent saisissant tout le front entre Oise et Argonnes. L'initiative des opérations passe dès ce moment à Foch, qui la gardera jusqu'à la fin de la campagne. Tandis que la 6ème et la 10ème armée avancent victorieuses vers l'est, au sud les 4ème, 5ème et 9ème gagnent elles aussi du terrain, nonobstant la résistance tenace et valeureuse des troupes allemandes.

La lutte se prolonge pendant plusieurs jours, mais, à la fin, le Commandement Suprème allemand décide de retirer ses troupes sur la ligne Aisne-Vesle.

Le mouvement de recul commençait le 27 juillet. Le 4 août était atteint le nouveau déploiement. Le 7 août la deuxième bataille de la Marne était terminée; le Commandement Suprème allemand avait été obligé d'y engager et de d'y épuiser une grande partie des forces qu'il avait préparées pour l'attaque dans les Flandres. Sur les champs de Picardie tonne déjà la préparation d'une nouvelle offensive alliée.

 

 

LE II CORPS D'ARMÉE DANS LA BATAILLE ( 15-24 JUILLET 1918 )

DANS LA VALLÉE DE L'ARDRE A LA VEILLE DE L'OFFENSIVE ALLEMANDE

Le 15 juillet au déclenchement de l'offensive allemande, le déploiement des troupes du IIème corps italien dans la vallée de l'Ardre était le suivant :

3ème division - Sur la ligne de première résistance se trouvaient quatre compagnies des Ier et IIIème bataillons du 90ème d'infanterie et IIème et Ier du 75ème : sur la ligne de surveillance en face, des petits groupes de vedettes.

La ligne de résistance était défendue sur le tronçon compris entre le bois de Vrigny (point de contact avec la 2ème division du 1er corps colonial français) et Onrézy du 2ème bataillon du 89ème d'infanterie, du 1er bataillon (moins une compagnie en avant-postes), du 90ème, du 3ème bataillon du 89ème, renforcés par quatre compagnies de mitrailleuses : deux de division (2073ème et 2209ème) et deux de brigade (2086ème et 2092ème) ; entre Onrézy et bois de Commetreuil par le 3ème bataillon (moins une compagnie en avant postes), du 90ème d'infanterie et entre le bois de Commetreuil et le moulin de Chaumuzy, des 2ème et 1er bataillons (moins une compagnie chacun en avant-postes) du 75ème infanterie, plus la 1715éme compagnie de mitrailleuse du III/75 et deux compagnies de mitrailleuses de brigade (2133ème et 2139ème).

Dans l'ensemble, donc, la ligne de résistance était tenue par six bataillons (deux pour chacun des régiments 75ème; 89ème; et 90ème) plus sept compagnies de mitrailleuses. Sur un embranchement de la ligne de résistance qui, se détache de la précédante entre Onrézy et Courmas, rejoint à l'est la chapelle de Ste Lie, longeant la lisière nord des bois de Fourches et de Ruez, il y avait, en outre, un bataillon du 86ème régiment d'infanterie français (1er bataillon) et deux compagnies de mitrailleuses divisionnaires italiennes (1095ème et 2224ème).

Dans le bois du Petit-Champs la division avait, en plus, en réserve le 3ème bataillon du 75ème d'infanterie (moins la 1715e compagnie de mitrailleuses) et le 2ème du 90ème. Le LXème bataillon du génie avait ses compagnies placées, pour divers travaux, dans le bois de Courtagnon, à Commetreuil et dans le bois des Grands Savarts.

Le commandement de la division était à Courtagnon.

8ème division - Sur la ligne des avant-postes, sur le tronçon qui de l'Ardre par la Montagne de Bligny arrivait jusqu'au bois "des Eclisses", étaient placées deux compagnies du 1er bataillon et 2 du 2ème bataillon du 20ème; dans le tronçon entre le bois "des Eclisses" et Champlat il y avait 2 pelotons du 1er bataillon et une section de mitrailleuses du 2ème bataillon plus une compagnie et une section de mitrailleuses du 3ème bataillon tous du 19ème. Le bois "des Eclisses", considéré comme une fortification de la défense était défendu par le 1er bataillon du 408ème régiment d'infanterie française et par le 2ème bataillon du 51ème, tous deux dépendants du Commandant de ce dernier.

Sur la ligne de résistance étaient placés : le 3ème bataillon du 20ème d'infanterie, entre le moulin de Chaumuzy sur l'Ardre et le bois "des Eclisses"(frontière nord); au dos de ce bataillon, le premier bataillon du 20ème (moins les deux compagnies fusils en avant poste) défendait la bretelle Chaumuzy - bois "des Eclisses"; le 1er bataillon du 51ème renforcé par deux compagnies de mitrailleuses divisionnaires (2207ème et 2074ème) et par deux de brigade (997ème et 1411ème) était rangé entre l'ensellement (sud-est) du bois "des Eclisses" et le bois de Courton; le 1er et le 2ème du 19ème (moins les quatre pelotons et la section de mitrailleuses en avant-postes) renforcés par deux compagnies de mitrailleurs de brigade (2100ème et 8080ème), tenaient la ligne de la lisière nord-ouest du bois de Courton jusqu'au village de La-Neuville-aux-Larris, où ils trouvaient la liaison avec les Sénégalais de la 40ème division du Vème corps d'armée française.

Dans le bois de Courton, en réserve de sous-secteur, se trouvait le 3ème bataillon du 19ème d'infanterie (moins la 9ème compagnie qui était en avant-postes). En résumé, la 8ème division avait sur la ligne de résistance, y compris la fortification du bois " des Eclisses" et la réserve de sous-secteur huit bataillons d'infanterie, renforcés par six compagnies de mitrailleurs de brigade et de division.

Sur la ligne secondaire bois de Courton - moulin de Voipreux étaient installées les armes de deux compagnies mitrailleuses divisionnaires (2075ème et 2208ème). Le 3ème bataillon du 51ème, posté dans la partie nord-est du bois de Courton et le 2ème bataillon du 20ème (deux compagnies) déplacé à Marfaux, constituaient la réserve divisionnaire.

Les compagnies du XXVème bataillon de génie sapeurs étaient réparties pour exécuter des travaux dans la zone de Nanteuil, Nappes-la-Fosse, bois de Courton, Chaumuzy.

Le commandement de la division était à Nanteuil-la-Fosse.

120ème division - La 120ème division française avait rangés, pour la défense de la deuxième position, sept bataillons: du bois d'Ecueil à la rivière de l'Ardre les bataillons 2ème et 3ème du 76ème italien (sous-secteur d'Ecueil) et les 2ème et 3ème bataillon du 86ème français (sous secteur de Pourcy), et de l'Ardre à la limite ouest du bois de Nanteuil les 2ème et 3ème bataillons du 408ème français et 1er bataillon du 52ème italien (sous-secteur de Courton). Dans la réserve divisionnaire elle avait laissé le 38ème d'infanterie en déplaçant le 1er bataillon dans le bois d'Ecueil, le 3ème dans le bois de Pourcy et le 2ème dans le bois de Fleury à l'extrême gauche du secteur.

Les compagnies du Génie étaient ainsi déplacées: la 26/LVIème (moins une section) à Pourcy , la 26/IIIème (moins une section) dans le bois de Courton à disposition, pour les travaux sur la deuxième position, respectivement du 86ème et du 408ème régiment d'infanterie. La compagnie 8ème/XXII et les deux sections susdites dans le bois de St Quentin (1 km. au sud de Nanteuil), en réserve de la division.

L'organisation défensive de la deuxième position, actualisée par la 120ème division était constituée d'une ligne de postes de combats, rapprochés entre eux , autant qu'il avait été retenu nécessaire pour empêcher toute infiltration ennemie; cette occupation avait été doublée en correspondance des points retenus plus favorables aux infiltrations. Les troupes qui la défendaient avaient l'ordre de résister sur place, sans prévoir aucun repli. A portée immédiate de la ligne étaient prédisposés des renforts partiels, prêts soit à renforcer les points qui pendant la lutte couraient le risque d'être rompus, soit à fermer les éventuelles brèches. D'autres troupes, plus en arrière, étaient destinées aux contre-attaques ou aux retours offensifs à exécuter, sur ordre du commandant de la division, sur le devant de la seconde position ou, si nécessaire, sur elle.

Le commandement de la division était fixé à Nanteuil-la-Fosse.

La réserve du corps d'armée était représentée par le Commandement du 52ème régiment d'infanterie avec les 2ème et 3ème bataillons du IIème détachement d'assaut, de 4 compagnies mitrailleuses de corps d'armée déplacées dans le bois de Courton et du premier bataillon du 76ème dans la vallée de l'Ardre entre Courtagnon et Pourcy. Le commandement du corps d'armée était à Hautvillers.

Les batteries lourdes du IIème corps d'armée et celles qui avaient été mises à sa disposition avaient été placées dans les regroupements suivants :

9ème regroupement P.C. italien :

XIVème groupe ( trois batteries de 105 )

XVIIIème groupe ( deux batteries de 149 )

regroupement A.L.C. :

VIIème groupe du 108ème A.L. ( trois batteries de 155)

VIIème groupe du 109ème A.L. ( trois batteries de 155)

IIIème groupe du 330ème A.L. ( trois batteries de 155)

IIIème groupe du 342ème A.L. ( trois batteries de 155)

regroupement A.L.L. :

Ier groupe du 107ème A.L. ( trois batteries de 105)

Ier groupe du 109ème A.L.. ( trois batteries de 105)

Ier groupe du 341ème A.L. ( trois batteries de 120)

IIIème groupe du 105ème A.L. ( trois batteries de 155) ;

regroupement A.L.A.

un groupe ( trois batteries de 155);

un groupe ( deux batteries de 145);

une section de 16 marine.

En ce qui concerne l'artillerie de campagne, nos divisions en plus de leur régiment respectif disposaient aussi de deux groupes français de 75 à remorquage automobile (8ème division: Ier et IIème groupe du 228ème régiment d'artillerie de campagne; 3ème division : IIIème groupe du 228ème régiment d'artillerie de campagne et Ier groupe du 212ème régiment d'artillerie de campagne).

Dans l'ensemble, donc, le corps d'armée à la veille de la bataille disposait de 134 bouches à feu lourdes et 164 pièces de 75, y compris les 36 pièces du régiment de la 120ème division d'infanterie.

Dans un premier temps toute l'artillerie du IIème corps avaient été placée avec des critères nettement offensif; par la suite, toutefois, avec les ordres en date 7 juillet de la 5ème armée, elles furent, en grande partie, reculée pour satisfaire aux nécessités de la défense à outrance sur la position choisie de résistance; successivement, suite aux directives données par le général Berthelot le 13 juillet, toutes les batteries lourdes qui étaient encore placées entre la position de résistance et la deuxième position reçurent l'ordre de se replier derrière cette dernière.

Ces derniers déplacements accomplis dans la nuit du 14, tout juste à la veille de l'offensive allemande, concernèrent quatre batteries et parmi elles celles des obusiers de 149 lesquels, qui ayant une portée plutt courte, avaient été jusqu'alors placées le plus en avant possible. Mais pour pallier cet inconvénient nos artilleurs se dépensant sans compter firent une nouvelle implantation.

L'artillerie de campagne de la 3ème et de la 8ème division, qui était pour la plus part en position à 2500-3000 mètres environ derrière la première ligne, a été laissée dans leurs emplacements. Ainsi, pendant la bataille il a été possible d'avoir un appui plus efficace pour l'infanterie, mais on sacrifia aussi plusieurs batteries. Le 53ème régiment d'artillerie de la 120ème division était complètement en batterie derrière la deuxième position.

A propos de la dépendance de l'artillerie, celle de campagne fût laissée aux ordres directs des commandants d'artillerie de division et l'artillerie lourde aux ordres du commandement d'artillerie de corps d'armée; l'artillerie lourde courte fût aussi subordonnée aux divisions de façon à pouvoir accéder rapidement à leurs demandes; pratiquement elle finit par être complètement absorbée par les divisions.

Des appuis feux réciproques furent prévus et préparés entre regroupements, divisions et corps d'armée voisins; afin de les faciliter des communications téléphoniques directes furent établies et les commandements intéressés se communiquèrent leurs plans de feux respectifs.

Le service d'observation, étant donné la pénurie de bons observatoires terrestres, qui par suite furent augmentés en en créant des nouveaux se basa largement sur les moyens de l'aviation et spécialement sur les avions des escadrilles affectées aux spécialistes d'artillerie. Pour l'emploi, des plans détaillés avaient étés créées et rédigés.

Pour battre, en simultanéité, avec un grand nombre de bouches à feu de tous les calibres et avec des données de tir préalablement calculées, des lieux déterminés d'une importance particulière comme dépts de munitions, Postes de commandement, dépts, stocks, renforts, etc.. un plan de tir avait été préparé, sur lequel les zones désignées étaient baptisées avec des lettres conventionnelles.

Un plan de destruction prévoyait la destruction systématique des batteries ennemies exactement repérées; tandis qu'un autre en prévoyait la surveillance et la neutralisation de la part de l'artillerie lourde. Dans celui de la contre-préparation, qui concernait seulement l'artillerie lourde, avaient été désignées, comme objectifs normaux, quelque zones d'une particulière importance, les positions de batteries, etc...

A la veille, toutefois, de la bataille les objectifs normaux de la contre-préparation furent modifiés, négligeant tous ceux non immédiats; le tir de contrebatterie fut supprimé aussi. L'artillerie lourde, en conséquence, fut toute destinée à l'interdiction proche et les batteries de campagne au barrage .Le commandement du IIème corps de son cté prescrit comme norme que, quand l'artillerie de campagne aurait porté le feu sur le devant de la position principale, l'artillerie lourde devait établir trois barrages sur les directions les plus probables de l'attaque ennemie : Ville-en-Tardenois - Chambrecy, celui de - Champlat - Chantereine - Ferme; le long de la vallée de l'Ardre; le long de la vallée du Noron et le bassin de Courmas, réglant le feu sur la base de ce qu'elle aurait pu voir directement du déroulement de la lutte et sur les informations qu'elles auraient reçues.

Afin de faciliter un prompt repérage d'objectifs imprévus qui auraient pu se dévoiler pendant la bataille et la rapide concentration du feu sur eux, une carte "des points de référence" fut préparée, dans laquelle les points opportunément choisis furent numérotés de 1 à 100 et après unis dans le sens du front avec 10 lignes brisées, dont chacune touchait 10 points désignés avec les nombres progressifs de la même dizaine.

A l'artillerie de la 3ème division fut confiée particulièrement la mission de battre le terrain face aux positions occupées par la 8ème division, et celui à l'ouest des mêmes positions. Ensuite, conformément au plan avancé par le général Albricci dans son ordre du 9 juillet, cette artillerie fût mise en mesure de battre aussi la cuvette entre le bois "des Eclisses" et de Courton.

A l'artillerie de la 120ème division fût assignée la tâche de participer dans un premier temps au barrage devant la position de résistance (Ier et IIIème groupe dans le secteur de la 3ème division; IIème groupe en soutien de la 8e division) et ensuite à la défense de la deuxième position.

De la configuration du terrain on déduisit que l'adversaire aurait pu employer utilement les chars d'assaut tant dans la vallée de l'Ardre que dans celle du Noron, quelques pièces de campagne furent préalablement chargées de l'éventuel tir antichar et des observateurs spéciaux furent désignés pour la surveillance des directions les plus probables pour l'emploi des chars.

Si tout le front de la 5ème armée n'était pas complètement au point en fait d'organisation défensive, celui du IIème corps, malgré l'activité que le commandement et que les troupes exerçaient était bien loin d'avoir atteint, au moment de l'attaque ennemie, la consistance désirée.

Malheureusement cette insuffisance était sensible particulièrement sur le front de la 8ème division, destinée à subir le coup le plus dur.

Assumant la défense de leur secteur respectif, nos divisions n'avaient presque rien trouvé comme infrastructure : la 8ème division, entrée en ligne une semaine après la 3éme, avait été, qui plus est, souvent détournée du travail à cause de l'activité ennemie sur son front, cette activité l'avait obligée à des alarmes plus fréquentes et aux combats sur la Montagne de Bligny, auxquels on a déjà fait allusion.

La préparation de l'offensive voulue par le commandement de la 5e armée, avait exigé beaucoup de reconnaissances, la construction d'abris spéciaux pour l'artillerie, mitrailleuses, etc... et sûrement n'avait pas été utile à la progression rapide de l'aménagement défensif.

Avoir déplacée plus en arrière, au dernier moment, la ligne de résistance, y compris une partie de la position auparavant considérée comme intermédiaire et par conséquent à peine ébauchée avait contribué à réduire l'efficacité déjà faible de l'ensemble.

Sur le front de la 3ème division, le calme plus grand, avait permis d'étendre des barbelés tant le long de la position des avant-postes, que devant la position de résistance et, en grande partie, aussi devant les lignes secondaires. Dans les portions boisées avaient été créées, dans des angles morts, de vastes zones d'obstacles passifs et de difficultés. Toutes les lignes avaient été organisées en fortifications avec des rideaux intermédiaires d'éléments détachés pour tireurs et emplacements défensifs.

Mais l'état des excavations était tel qu'elles n'offraient qu'une protection relative. Le cours du tracé avait été établi de façon à obtenir un bon soutien avec les armes automatiques; soutien qui avait été particulièrement étudié dans les zones plus épaisses du bois, où la visibilité moins importante avait obligé à une densité supérieure de moyens et à la création de positions spéciales avancées. Chemins, observatoires, postes de commandement et différents abris à l'essai avaient été achevés, d'autres étaient en construction.

Par contre, l'organisation défensive de la lisière ouest et sud du bois des Petits-Champs était à l'état de simple projet.

Cette organisation, en continuation de celle du bois de Dix-Hommes, déjà en exécution avancée, devait former une bretelle de jonction entre la position de résistance et la deuxième position. Cette bretelle aurait dû permettre la défense de la vallée de l'Ardre avec le front au fond de la vallée.

Dans le territoire de la 8ème division, pour les raisons exposées, les travaux, quand bien même menés avec des critères analogues et le maximum d'ardeur consenti par les circonstances, étaient bien moins avancés et consistants.

Devant les avant-postes, sur un bref tronçon adossé à l'Ardre, et devant les pentes sud de la Montagne de Bligny jusqu'à Champlat la construction d'une bande de fil de fer barbelé ou de chevaux de Frise, même doublé en certains points était en cours d'achèvement. Devant la position de résistance les fils de fer barbelé manquaient tout à fait entre le bois "des Eclisses" et l'Ardre et étaient très insuffisants entre le bois et La Nouvelle.

Éléments détachés de tranchée et petits emplacements pour mitrailleuses, très sommaires, constituaient la position avancée et celle de résistance, bien que la première fût incontestablement la plus consistante, car sur elle avait été prévue la résistance à outrance, dans un premier temps. Les deux lignes serpentaient distantes entre elles entre l'Ardre et le bois "des Eclisses", elles s'identifiaient avec la fortification du bois "des Eclisses", elles se séparaient à nouveau pour se diriger, avec un trajet parallèle, mais très peu éloignées entre elles, une sur Champlat, l'autre sur La Neuville.

Même les travaux pour la défense de la fortification "des Eclisses" étaient plutt sommaires : ils consistaient, en effet, seulement en quelques éléments de tranchée et quelques affûts pour mitrailleuses. Le fil de fer barbelé, en partie constitué de chevaux de Frise, n'était pas continu.

Une ligne le long de la lisière nord-est du bois de Courton, en face de la vallée de l'Ardre, qui aurait dû raccorder le vallonnement existant entre le bois de Courton et celui "des Eclisses" avec la deuxième position, était à peine marquée par tronçons; dans les mêmes conditions étaient deux autres bretelles qui auraient dû servir à barrer la vallée de l'Ardre, front nord-ouest. Quelques postes de commandement, divers observatoires et quelques entrées de galeries creusées dans les pentes de la Montagne de Bligny complétaient l'aménagement en ce secteur.

Sur la deuxième position la 120ème, à son tour, avait préparé les positions de feu destinés à constituer la ligne des postes de combat, avait complété et serré les fils de fer barbelés sur la plus grande partie du front, tout en laissant les passages nécessaires pour les contre-attaques et avait commencé la construction d'abris pour les troupes en ligne, pour les commandements et pour les réserves.

Dans l'ensemble, toutefois, même les travaux pour l'organisation de la deuxième position étaient bien loin d'avoir atteint le degré nécessaire d'efficacité.

Sur l'arrière de toutes les lignes, pour faciliter les déplacements des réserves et les mouvements des troupes, en général, des itinéraires faits exprès, qui opportunément tiraient profit de la couverture offerte par le terrain, avaient été reconnus et marqués, tandis qu'étaient réalisés différents travaux pour masquer les communications découvertes.

Les positions avancées et arrières avaient été soigneusement reconnues par les officiers de tous grades; les troupes avaient réalisé, même la nuit, de nombreux exercices d'occupation soudaine des différentes tranchées pour s'entraîner à des déplacements rapides et surs dans toutes les éventualité.

Le réseau téléphonique avait été refait presque entièrement car celui qui était sur place, étendu pour la plus grande partie le long des routes, offrait de trop faibles probabilités d'échapper à un bombardement intense.

A la veille de la bataille tous les moyens de communication disponibles fonctionnaient: téléphones, télégraphes, géotéléphone, radio, pigeons voyageurs, héliographes et estafettes. En prévision de la bataille imminente, le corps d'armée mit à la disposition de chaque division d'abord un et puis deux pelotons de cavalerie du groupe d'escadron Lodi; un peloton fut assigné au commandement de défense de la Marne; et un peloton fût donné en renfort aux CC pour le service de police; le commandement du groupe et les quelques disponibilités, restant à Cumières à la disposition du commandement du C.d'A.

Ces détachements de cavalerie furent largement utilisés pendant la bataille, employant les cavaliers comme estafettes, et représentèrent un précieux et souvent l'unique moyen de communication.

Le IIème corps avait en face l'aile gauche de la 7ème armée allemande et précisément (de nord-est à sud-ouest) : le VIème corps d'armée de réserve (Borne) et à la gauche du LXVème (Schmettow). Le corps Borne avec la 86ème division (341ème - 343ème - et 344ème régiment) occupait le front sur le tronçon entre Vrigny (à l'est) et Bligny; celui de Schmettow poussait sa droite jusqu'à Anthenay et avait en premier échelon, la 123ème division saxonne (106ème - 178ème - et 351ème régiments); à gauche la 22ème division.(82ème - 83ème - et 167ème) au centre et la 195ème (6ème - 8ème - et 14ème régiment Jäger). A droite; en deuxième ligne, la 12ème division bavaroise et la 103ème.

Des divisions citées, la 86ème faisait face à notre 3ème, tandis que la 8ème avait en face la 123ème division saxonne et une partie de la 22ème.

L'artillerie à disposition des deux corps d'armées allemands étaient les suivantes :

 

Btr campagne

Btr lourde et très lourde

Lance-mines lourds

Lance-mines moyens

Lance-mines légers

VIème corps

Borne

21

7

-

7

18

LXVème corps

Schmettow

138

71

43

102

108

TOTAL

159

78

43

109

126

A ces pièces il faudrait rajouter celles du XVème C.A. (Ilse) de la 1ère armée qui, tout en faisant face à Reims, avait toutefois une bonne possibilité de feu sur les positions tenues par le IIème corps.

A la 22ème et 123ème divisions avaient été assignées, pour l'attaque, quelques sections de chars d'assaut. Les ordres de la 7ème armée (général Von Boehn) concernant l'offensive, établissaient que le VIème corps devait participer à l'action générale dès que les résistances ennemies auraient affaibli; le LXVème corps, par contre, devait rejoindre au plus tt la ligne Bligny - Nanteuil-la-Fosse - Ay.

A son tour la 86ème division (groupe Borne) avait pris des dispositions afin qu'après avoir paralysé la résistance de l'ennemi devant son front, son aile droite (344ème d'infanterie) cherche le combat avec la 123ème division du groupe Schmettow, à travers la zone boisée de Bouilly, le centre (343ème) suivait le mouvement du 344ème et l'aile gauche (341ème) se dirige en direction sud-est, rejoignant, par la cote 209 et la Chapelle St Lié, la crête des hauteurs, d'où l'artillerie aurait pu battre la plaine de Reims.

 

Le général Von Schmettow avait ordonné à son groupe d'assurer le flanc gauche du groupe voisin Conta (IVème C.d'A.) conquérant la zone boisée au nord-ouest d'Epernay et de barrer pour la défense de Reims, la route d'Epernay. Pour atteindre ce but son aile droite devait au plus tt dépasser la route Epernay-Reims. En particulier, la 123ème division devait assurer le flanc gauche de la 7ème armée et protéger la 22ème division pendant l'occupation du bois de Courton; la 2ème division devait occuper rapidement la dorsale montagneuse à l'ouest de Belval de façon à faciliter l'avance de la 195ème et avancer avec rapidité dans le bois de Nanteuil et de Courton, afin de pouvoir, ensuite, depuis les dites positions, barrer par le feu la route Epernay-Reims; à la 195ème division avait été confiée la conquête du bois de Rodemat et de la cote, prédominante, 263 à l'ouest de Fleury la Rivière.

 

L'OFFENSIVE ALLEMANDE DE 15 JUILLET

LA BATAILLE DÉFENSIVE

Sur la base des informations qui donnaient pour certaine l'attaque allemande dans la nuit du 15, le commandement d'artillerie du IIème Corps d'armée avait prévu que le tir de contre-préparation commence à 1 heure, pendant la nuit du 14 au 15 toutefois, de nouvelles précisions conseillèrent d'anticiper le début du feu, qui fût par conséquent fixé à 0h.40. Mais, vers 23h.30, la 5ème armée communiquait que des prisonniers capturés sur le front de la 4ème armée avaient assuré que l'attaque serait lancée à l'aube du 15, et que l'artillerie allemande commencerait la préparation à 24 heures. Il était ordonné, alors, que la contre-préparation commençât immédiatement. Peu après, donc, le feu de nos batteries se déclenchait avec violence, s'associant au grondement épouvantable de l'artillerie du groupe des armées du centre.

A 0h10 l'artillerie allemande commençait aussi les tirs. Des coups de tous calibres, surtout de 105 et 210, obus explosifs et toxiques s'abattent sur les avant-postes et sur les batteries de campagne. En ligne on a la nette sensation que, tandis qu'une énorme masse de feu se déverse sans cesse sur la même cible, le terrain est graduellement et systématiquement battu tant dans le sens normal que dans celui qui est parallèle au front.

Les effets du feu se révèlent tout de suite très néfastes (meurtriers), surtout sur le front de la 8ème division et autant sur les avant-postes que sur la position de résistance; la proximité des deux lignes les implique toutes deux dans le même tir, tandis que le manque d'abris adéquats augmente les pertes, même les réserves sont décimées et atteintes par le ratissage systématique de l'artillerie adverse. Nos batteries éprouvent rapidement les effets du bombardement et accusent de fortes pertes en hommes, chevaux et pièces; les projectiles à liquides spéciaux sont tellement nombreux qu'on déplore des cas de suffocation même parmi les militaires qui portent les masques.

Bientt les liaisons téléphoniques sont interrompues et les responsables cherchent en vain à les rétablir; la violence et la fréquence des explosions est telle que les géotéléphones ne peuvent être utilisés; les moyens optiques même, si les appareils ne sont pas endommagés, n'arrivent, à travers le brouillard, la fumée et la poussière, ni à transmettre ni a recevoir; les antennes des stations des radiotélégraphes abattues sont plusieurs fois remises en marche; mais, à la fin, il faut renoncer aussi à ce moyen.

L'intensité du bombardement oblige les commandants et les troupes à se servir exclusivement des estafettes, à pied ou à cheval, qui s'acquittent de leur tâche au milieu de très graves difficultés et au prix de beaucoup de sang. Toute communication directe avec la ligne avancée est très vite rendue presque impossible, tandis que le brouillard épais qui plane partout ne permet pas la vision directe du champ de bataille; les observateurs d'artillerie, ainsi aveuglés, remplissent avec grande difficulté leur fonction.

Nos batteries intensifient la contre-préparation. Tandis que celles de campagne martèlent le terrain au contact immédiat des fils de fer barbelés de nos lignes de surveillance, les batteries lourdes du groupement A.L.C. renforcent le barrage selon les accords pris avec le commandement de la division; le 9ème groupement exécute des tirs d'interdiction aux débouchés de la vallée du ru Parisis, au sud du bois "des Éclisses", le groupement A.L.L. renforce avec son groupe de 120 le barrage devant la cte 240 du bois de Vrigny avec celui de 155 et avec les deux de 105 barre les vallées de l'Ardre et du Noron dans la zone Mézy Prémecy, Bouleuse, Poilly, tandis que le groupement A.L.A. bat sur les nids de batteries et les localités de rassemblement des troupes allemandes dans le ravin de Treslon, à Tramery, à Faverolles et dans la zone entre Chambrecy et Ville-en-Tardenois.

L'artillerie du Ier Corps colonial, moins soumise au bombardement allemand, appuie la contre-préparation sur le front de la 3ème division. Les pièces ennemies très dangereuses, qui s'installent entre la cte 240 de Vrigny et Ormes, sont attaquées par une concentration du groupe de 120. Des batteries ennemies, qu'un avion signale aux premières lueurs de l'aube, en batterie entre Sarcy et Ville-en-Tardenois, sont neutralisées par le groupement A.L.A.

Front de la 8ème division

Vers 4 heures, précédées par un "barrage roulant", l'infanterie allemande attaque avec une violence particulière le front de la 5ème armée dans le tronçon compris entre la Montagne de Bligny et la Marne : les premiers qui subissent le choc ennemi sont la gauche du IIème Corps (8ème division) et l'ensemble du Vème Corps français.

De nombreuses patrouilles d'assaut, suivies à courte distance d'innombrables petites colonnes en file indienne, qui ont en tête mitrailleuses et pièces légères, donnent l'assaut à la fortification du bois "des Éclisses"; les allemands trouvent les défenses accessoires détruites par les tirs de l'artillerie et la garnison très éprouvée à cause des pertes subies, ils réussissent, avec une relative rapidité, à s'infiltrer entre le 2ème bataillon du 51ème et le 1er bataillon du 408ème R.I. français tombant ainsi au dos de la défense du bois.

Le commandant de la fortification, blessé, est dégagé près du commandement du 51ème. Dans le bois la lutte se fractionne avec rapidité en des combats isolés; des groupes italiens et français résistent bien qu'encerclés, mais sont peu à peu dominés par la supériorité de l'adversaire, soutenu par l'intervention des chars d'assaut.

Quelques minutes après 4 heures, les premiers éléments ennemis se montrent déjà sur la lisière est du bois " des Éclisses" qui, à 6h.30 est complètement dépassé et encerclé : quelques rescapés français réussissent, toujours en combattant, à s'ouvrir à grand peine un passage et à se replier sur Chaumuzy, et traversant l'Ardre à rejoindre les lignes de la 3ème division tandis que les soldats italiens du IIème Bataillon du 51ème régiment se replient en partie sur le 20ème d'infanterie, et en partie sur le Ier bataillon du 51ème régiment. A l'intérieur du bois divers éléments résistent encore et le crépitement de leur armes s'entendra distinctement jusqu'à la fin de l'après-midi.

Ayant dépassé la défense du bois "des Éclisses", l'ennemi tombe sur le flanc gauche et au dos des lignes du 20ème d'infanterie dans la vallée de l'Ardre. La situation devient, de ce cté, rapidement critique. Les IIIème et Ier bataillons ainsi que les compagnies avancées du Ier et IIème bataillons attaqués par des forces supérieures se replient sur la droite de leur position tout en opposant une résistance acharnée jusqu'à 7h.30 environ. Décimés par le feu, accablés par le nombre, les survivants du IIIème bataillon, après avoir disputé le débouché ouest du village de Chaumuzy, vers 8h.30, se replie vers le point de liaison avec la 3ème division, dont il suivront, ensuite, les vicissitudes.

D'autres éléments du 20ème d'infanterie, par contre, réussissent à rompre le cercle qui désormais les enveloppe de tous ctés et se faufilent le long de l'Ardre vers Marfaux où ils se relient au IIème bataillon du régiment. Le commandant du 20ème régiment à 7h.30, attaqué directement par un char d'assaut réussit, avec difficulté, à échapper à l'étreinte de l'ennemi et à se replier sur Marfaux.

Les choses ne vont pas mieux vers la crête entre le bois "des Éclisses" et celui de Courton, vraie porte d'accès à la vallée de l'Ardre; le Ier bataillon du 51ème est obligé de faire face de plusieurs ctés à un ennemi toujours plus nombreux et impétueux. A cause du fléchissement de la fortification du bois "des Éclisses", ce bataillon se retrouve avec la droite à découvert et menacée d'encerclement par un ennemi qui déferle au delà de l'orée du bois. Tandis qu'il se défend comme il le peut de ce cté, il pourvoit à constituer une nouvelle ligne qui maintienne à gauche la liaison avec le 1er bataillon du 19ème d'infanterie, se soude à droite à celle que le IIIème bataillon du 51ème (originairement en réserve) a constitué à l'orée nord du bois de Courton, le long de la route qui mène à Nappes. L'occupation du 1/51ème assume ainsi trois fronts qui regardent respectivement le bois "des Éclisses", la vallée de l'Ardre et le ru Parisis (vers Champlat).

Dans une telle situation le bataillon lutte désespérément contre l'adversaire qui le presse de tous les ctés et résiste aussi à l'action des chars d'assaut jusqu'à 6h.30 environ, mais est enfin obligé de céder du terrain et à se replier dans le bois de Courton, mouvement que les deux compagnies de mitrailleuses en position le long de la route Nappes/Chaumuzy sont obligées de suivre pour ne pas être prises à revers par l'ennemi.

Simultanément à l'attaque du bois "des Éclisses" plus au sud s'amorce l'attaque contre la ligne de surveillance entre Champlat et la ferme Chantereine, occupée par les quatre pelotons et par les sections de mitrailleuses du Ier et IIème Bataillons du 19ème régiment, et là se trouvent également la 9ème compagnie et une section de mitrailleuses du III/19ème.

Les Allemands, ayant surmonté la résistance héroïque de ces éléments, qui se sacrifient sur place, pointent avec décision sur la position de résistance (orée du bois de Courton) attaquant le Ier bataillon du 19ème. La lutte s'enflamme, violente et désespérée de chaque cté, mais ici aussi, la supériorité numérique permet à l'ennemi d'obtenir quelques avantages à l'aile gauche du détachement, avantage dont il profite immédiatement pour s'enfoncer entre le Ier et le IIème bataillon du 19éme.

Le commandant du Régiment se rend compte du péril que court la ligne et tandis qu'il informe le commandant du IIème bataillon de parer au danger qui le menace à droite ordonne au IIIème/19ème (réduit à deux seules compagnies de fusiliers et deux sections de mitrailleuses) de lancer sans faute la contre-attaque. Le bataillon se lance avec courage; il réussit dans un premier temps à endiguer l'attaque de l'ennemi, mais, ensuite, il est obligé de s'accrocher au terrain entre La Neuville et les Haies pour soutenir le choc toujours plus impétueux des assaillants.

Entre-temps le IIème/19ème pressé, toujours sur la droite, est attaqué aussi de front et sur le flanc gauche avec menace d'encerclement de ce cté; au nord le I/19ème subit un sort analogue. L'absence de communications, le terrain brisé et couvert, les multiples pertes font en sorte que la lutte prend bien vite même en ce secteur les caractéristiques d'une série de combats détachés de pelotons et groupes isolés : combats dans lesquels assaillants et attaqués rivalisent en bravoure et ténacité; le nombre finit par s'imposer : vers 7 heures, le commandement du 19ème et les restes de ses bataillons, avec lesquels sont entremêlés des éléments d'artillerie du 10ème se replient sur la deuxième position.

L'adversaire exerce maintenant son effort plus déterminé et impétueux sur le IIème/51ème qui, attaqué de plusieurs ctés, menacé d'encerclement, se défend au prix de très lourdes pertes entre Nappes et Espilly jusque vers 8 heures et ensuite toujours combattant, se replie lui aussi sur la deuxième position. Désormais l'ennemi déferle partout dans la vallée de l'Ardre, appuyé par des chars d'assaut et des automitrailleuses.

Les deux compagnies du IIème bataillon du 20ème d'infanterie qui sont à Marfaux, renforcées par des éléments du régiment, eux-mêmes, repliés de Chaumuzy et par divers éléments rescapés, français et italiens, se rangent entre Marfaux et Espilly, pour s'opposer aux allemands qui avancent le long de la rive gauche de l'Ardre. Il s'agit de quelques unités bouleversées par leurs grandes pertes, qui combattent depuis plusieurs heures et qui, toutefois, animées par un très haut esprit, réussissent à tenir la ligne jusque vers 10 heures; mais, enfin, les rares survivants sont obligés de se replier lentement sur la deuxième position.

A 6h.15, le commandement du Corps d'armée qui, à cause de l'interruption des diverses liaisons n'avait eu jusqu'alors que des nouvelles fragmentaires et contradictoires, comprend la situation et sachant que les bataillons de réserve de la 8ème division avaient été eux aussi impliqués dans le combat, met à la disposition du général Beruto les deux bataillons (IIème et IIIème) du 52ème d'infanterie, réserve du Corps d'armée, avec l'ordre de les employer contre-offensivement.

Le commandant de la 8ème division, à son tour, assigne les deux bataillons l'un au sous-secteur de gauche, l'autre à celui de droite , afin qu'ils soient employés dans la contre-attaque. Le commandement de la Brigade Brescia reçoit, néanmoins, cet ordre seulement après 9 heures à Courton-Ruines où il s'est déplacé : sans communication tant avec les détachements avancés qu'avec le bataillon même du 52ème(II) renonce à l'employer, d'autant plus que la situation est désormais telle que l'intervention est déconseillée.

Des motifs analogues font que le commandement du sous-secteur de droite aussi estime inutile toute action du bataillon placé sous ses ordres. Les deux bataillons du 52ème trouveront ensuite un emploi sur la deuxième position, en ligne avec la 120ème division française.

En généreuse compétition avec l'infanterie, les artilleries italienne et française de la division combattent et se sacrifient. Nonobstant les tirs rendus très difficiles à cause de la complète destruction de toutes liaisons et des difficultés d'observation directe, elles se prodiguent jusqu'à l'extrême pour donner leur appui à l'infanterie. Les batteries du 10ème d'artillerie tirent dans la journée plus de 25.000 obus, dont 3.000 à gaz; le 228ème français "porté" consomme aussi tous ses projectiles. La réaction de l'adversaire est telle que plusieurs pièces de l'un et l'autre régiments sont détruites, presque tous les chevaux de trait sont tués et beaucoup de tracteurs sont irrémédiablement touchés.

En conséquence des progrès allemands dans la zone au sud de l'Ardre, la 8ème division perd aussi l'appui de son artillerie, obligée de se replier en faisant sauter les bouches à feu qui ne peuvent être remorquées en arrière. Les artilleurs restés sans pièces ne renoncent pas à la lutte et, mêlés à l'infanterie, en partagent le sacrifice héroïque. Dans l'ensemble, la 8ème division, si elle ne réussit pas à repousser ou à contenir la charge de l'ennemi supérieur en nombre, en ralentit, toutefois, jusqu'à ses extrêmes possibilités, la fougue irrésistible et la brise avant qu'elle ne s'abatte sur la deuxième position. Les troupes, néanmoins, sont désormais épuisées et désorganisées; le commandement du Corps d'armée, en conséquence, ordonne que les rescapés de la 8ème division soient rassemblés dans la zone de St Imoges pour se réorganiser et se mettre rapidement en mesure d'être employés à nouveau.

Le commandement de la division, à 18 heures, est transféré à Champillon. Reste sur le champ de bataille, à disposition de la 120ème division française le régiment le moins éprouvé, bien qu'il ait subi lui aussi beaucoup de pertes : le 52ème d'infanterie, lequel a son Ier bataillon sur la deuxième position à gauche du 408ème et les IIème et IIIème bataillons en réserve dans le bois de Courton. Avec les rescapés du 10ème d'artillerie de campagne et du 208ème "porté" sont constitués deux groupes : un italien (commandement du II/10ème et sept pièces que le régiment a pu sauver) et un français; ces groupes, placés en position arrière de la deuxième position, et sous la dépendance de la 120ème division française, participeront à toutes les opérations suivantes.

Front de la 3ème division

La 3ème division ne sert pas dans un premier temps de cible à de vraies et dangereuses attaques. Toutefois après 6h.30 sa situation devient inquiétante à la suite des progrès que l'ennemi, qui a dépassé la défense du bois "des Éclisses", a remporté et est en train de remporter dans la vallée de l'Ardre. Le commandement du Corps d'armée ordonne à la troisième division de soutenir la 8ème avec le feu de son artillerie et d'équiper au plus tt, avec l'infanterie, l'orée du bois du Petit Champ réalisant ainsi les dispositions données le 9 juillet.

Mais même avant de recevoir un tel ordre le général Pittaluga, avisé des événements arrivés à sa gauche, attire à 6 heures environ, l'attention du Commandant du 75ème d'infanterie sur la situation qui se profile de ce cté là et, peu après, il place à sa disposition les IIIème bataillons du 75ème et le IIème du 90ème de sa réserve, car, en cas de besoin, il s'en sert pour défendre la lisière ouest du bois. En même temps il ordonne que le Ier bataillon du 75ème (aile extrême gauche du déploiement divisionnaire) s'il ne réussit à maintenir ses positions dans la vallée de l'Ardre, se replie aux limites ouest des bois d'Hyermont et de Rouvroy.

Le commandement de la division, n'ayant pas à portée de main d'autres troupes disponibles, constitue une nouvelle réserve avec le LXème bataillon génie, auquel il ordonne de se rassembler à la Maisonnette avec deux compagnies mitrailleuses divisionnaires (2095 et 224) qu'il déplace auprès de Courtagnon.

A 7 heures le général Pittaluga ordonne au commandant de la brigade Naples, général Maggia, qui se trouve à Pourcy, d'assumer le commandement de l'aile gauche du déploiement (75ème et IIème bataillon du 90ème). Le général Maggia, en exécution de cet ordre, se rend avant tout à Cuitron, mais ensuite informé que Marfaux est aux mains de l'ennemi, déplace son commandement à la Maisonnette. Entre-temps le Ier bataillon du 75ème, qui a cherché en vain la liaison avec la 8ème division décide de replier sa compagnie de l'extrême gauche vers le bois de Hyermont, front de l'Ardre, envoyant une patrouille sur la rive gauche de la rivière avec la mission de rechercher la liaison.

Peu après 9 heures se précise une forte pression ennemie sur les bataillons du 75ème. Des pelotons ennemis avec mitrailleuses rejoignent le cté du bois de Rouvroy, tandis que des patrouilles de cavalerie sont signalées près de Marfaux. Vers 10 heures, les Allemands commencent à remonter le bois du Petit-Champ pressant de près tant le Ier bataillon du 75ème, qui, entre-temps, s'est replié sur le bois de Hyermont, que le IIIème bataillon du même régiment qui, à son tour, s'est retiré le long des pentes sud-ouest du bois. Le commandant du 75ème, devant la gravité des pertes que son régiment subit et de peur d'être encerclé par l'ennemi, ordonne vers 11 heures le repli en direction de la Ferme d'Ecueil, et ordonne que la 8ème batterie du 10ème d'artillerie, placée en position avancée dans le bois de Rouvroy et dans l'impossibilité de se replier, fasse sauter ses pièces.

A l'aile droite de la division, la brigade Salerno (89ème et 90ème) a repoussé, dans un premier temps, quelques patrouilles ennemies, qui s'étaient approchées de ses avant-postes; successivement, vers 8 heures, le 90ème d'infanterie a fait retirer sur la position de résistance la compagnie avancée du 3ème bataillon, se limitant à laisser en avant-postes quelques patrouilles dans le bois de la Vallotte et près de Ste Euphraise, et un peloton sur la route de Reims.

Peu après 9 heures, d'importantes patrouilles ennemies, dont la force d'ensemble est évaluée à environ un bataillon, attaquent la gauche du Ier bataillon. du 89ème chargé de la défense du bois de Vrigny. Quelques infiltrations ennemies se vérifient de ce cté, mais une rapide contre-attaque rétablit la situation. Le commandant de la brigade, général Giri, qui entre-temps a reçu la nouvelle que l'ennemi se rapproche dans le bois d'Hyermont, ordonne au 90ème d'infanterie d'assurer à tout prix la liaison avec le 75ème.

A cette fin le commandant du 90ème , envoie des patrouilles sur sa gauche mais vers 11 heures elles lui apprennent que le 75ème s'est replié sur des positions plus en arrière. Pour couvrir le flanc exposé, le commandant place le troisième détachement sapeurs, avec front à l'ouest vers le bois de Rouvroy et demande au commandement de brigade l'autorisation de se replier avec toute sa gauche, autorisation que le général Giri n'accorde pas, car il est informé que le 75ème régiment a reçu l'ordre de reprendre les positions primitives.

A l'extrême droite, entre-temps, les forces ennemies sont en train de s'entasser et à plusieurs reprises tentent de pénétrer dans le bois de Vrigny. A 14 heures, s'annonce une attaque particulièrement violente sur le front occupé par le IIème bataillon du 89ème qui réussit toutefois promptement et de façon sanglante à briser la tentative adverse.

Toutefois, bien que la 3ème division maintienne intégralement la majeure partie de sa ligne, la situation dans son secteur devient d'heure en heure plus difficile. Le repli du 75ème régiment, créant un vide entre les positions tenues par la brigade Salerno et la deuxième position, a, en effet, mis en péril le déploiement des troupes sur la ligne de résistance et d'une partie de l'artillerie divisionnaire. Le Ier groupe du 4ème régiment d'artillerie de campagne et le IIIème du 228ème ont déjà été contraint de se replier, se transférant : le premier près de Courtagnon, le deuxième dans la zone à deux km. au nord de Nanteuil.

Le groupe du 228ème passe sous la dépendance de la 120ème division. Le commandement du deuxième Corps, mis au courant des événements par le général Pittaluga, ordonne à la 3ème division de contre-attaquer dans la vallée de l'Ardre et à la 120ème d'appuyer l'action avec son aile droite par le bois de Pourcy.

Mais le 75ème, qui s'est replié à travers le terrain brisé et couvert, de façon épaisse, par le bois du Petit-Champ a ses détachements entremêlés et épuisés par la fatigue et les pertes, ne peut pas développer l'attaque, qui, entre autre, ne s'annonce pas facile, car l'ennemi s'est déjà établi avec des forces considérables sur la lisière du bois.

Le général Pittaluga, alors, avec l'autorisation du général Albricci, décide de replier les détachements de gauche de la Salerno, les faisant occuper la chaîne vallonnée à l'est du vallon de Courmas, les soudant avec la Napoli sur la deuxième position. A 14 heures environ, le commandement de la 3ème division donne les ordres pour la réalisation du mouvement. La conversion difficile , pivot à droite, est exécutée avec ordre nonobstant le tir violent de l'adversaire qui s'est aperçu du mouvement. Le 75ème, qui entre-temps a été réorganisé, est conduit en ligne entre le 90ème (à droite) et le 76ème sur la deuxième position (à gauche); le LXème bataillon de génie est placé en réserve du régiment, derrière sa gauche (bois de Maître Jean).

A 16 heures, le nouveau déploiement était le suivant: de la lisière du bois de Vrigny par celle des Grands Savarts jusqu'à Ourézy tenaient la ligne, du nord au sud, le IIème bataillon du 89ème, le Ier du 90ème et le IIIème du 89ème , de Ourézy jusqu'à la hauteur de Courmas étaient disposés le IIIème et le IIème bataillon du 90ème, de Courmas à la deuxième position se trouvait le 75ème infanterie avec LXème bataillon de génie en réserve. A disposition de la Brigade Napoli la division mettait aussi le Ier bataillon du 86ème régiment français, placé dans le bois de Fourches. La crise était, donc, surmontée et la ligne rétablie sur des positions nouvelles, favorables pour une défense efficace.

Les IIème et du IIIème groupes du 4ème d'artillerie s'étaient déplacés et avaient pris position près de la ferme d'Ecueil.

Le premier groupe du 212ème régiment d'artillerie de campagne était passé sous la dépendance de la 2ème division coloniale. La 3ème division qui, comme on l'a vu, avait cédé aussi le IIIème/228ème d'artillerie à la 120ème division, avait ainsi renoncé à toute l'artillerie de campagne française, qui lui avait été assignée en renfort.

Front de la 120ème division française

Le commandement du Corps d'armée, ayant connu les événements arrivés à la 8ème division, et en ayant prévu le repli, avait ordonné à la 120ème division de serrer le contact à gauche avec les troupes du Vème corps et dans ce but avait mis à sa disposition le IIème détachement d'assaut, tandis qu'il avait fait déplacer de Courtagnon à Nanteuil le Ier bataillon du 76ème, autorisant le général Mordacq à l'engager en cas de nécessité.

L'ennemi, pénétrant péniblement à travers les brèches créées dans la ligne tenue par la 8ème division, avait poussé ses éléments les plus avancés vers la deuxième position sur laquelle il avait concentré le tir de son artillerie, toujours plus intense.

Après 11 heures, c'est -à - dire après que la lutte se soit étendue, même, au front tenu par la 3ème division, la pression ennemie contre la lisière nord du bois de Courton se manifestait particulièrement dangereuse.

Le général Albricci, pour garantir l'intégrité de la deuxième position, mettait à la disposition du général Mordacq les IIème et IIIème bataillons du 52ème et deux compagnies de mitrailleuses du Corps d'armée.

Le commandant de la 120ème division, à son tour, décidait le transfert de la réserve vers l'aile gauche de son déploiement; en conséquence le Ier bataillon du 38ème français se portait au bois de Sarbruge; le IIIème du 38ème à la limite N.O. du bois au nord de Nanteuil, envoyant une compagnie et un peloton mitrailleurs derrière Pourcy, au point de liaison entre le 408ème et le 86ème français.

Le commandant du 52ème d'infanterie, avec les IIème et IIIème bataillon, se plaçait derrière le 408ème aux ordres du commandant de ce régiment; le détachement d'assaut, au dos et soutien du Ier/52ème, et Ier/76ème à Courton Ruines.

A 16h.30 le bombardement ennemi, qui avait baissé, reprenait très violent contre les défenses dans le bois de Courton, que l'ennemi essaye à plusieurs reprises de dépasser. Maintes fois des groupes ennemis avec mitrailleuses arrivent jusqu'au poste de commandement du IIème bataillon du 408ème français, mais de rapides et violentes contre-attaques rétablissent la ligne.

La liaison avec les Sénégalais du Vème Corps, plusieurs fois sérieusement compromise pendant la journée, est à la fin rompue et semble définitivement brisée : une brillante attaque du IIème détachement d'assaut en direction de la Neuville-aux-Larris réussit, après une lutte acharnée et avec de nombreuses pertes, à la rétablir solidement.

Tout effort s'étant révélé vain contre le bois de Courton, l'infanterie allemande, rudement éprouvée par des pertes très graves, s'arrête. Mais le tir de l'artillerie continue intermittent, le soir et dans la nuit, avec des reprises plus ou moins violentes contre les troupes en ligne, les positions des batteries, les postes de commandement et les routes principales de communication. Les troupes et les commandements, toutefois, ont la sensation évidente que l'ennemi, fatigué et désorienté, a besoin d'une pause pour organiser une nouvelle attaque.

Le commandement de la 5éme armée, en application des dispositions contenues dans le plan de défense, modifia les zones de compétence des Corps d'armées sur la deuxième position. En vertu d'un tel changement la zone assignée au IIème Corps d'armée vint, dans le tronçon au nord de la Marne, à être plutt à l'est de celle qui lui avait été confiée précédemment, tandis qu'au sud du fleuve, elle tournait vers l'est décrivant un ample demi-cercle. Ainsi passèrent au Vème Corps les villages de Cumières, Ay et Epernay.

Au sujet des opérations en cours l'armée ordonna que les positions occupées fussent maintenues à tout prix; même un seul pouce de terrain ne fût pas perdu et les troupes devaient se tenir prêtes à s'engager avec le maximum d'énergie pour reconquérir le terrain qui encore devrait être momentanément dégagé. Il ajoutait que l'ennemi devait être au plus tt chassé de tous les points de la position de résistance sur lesquels il avait pu mettre pied et que c'était le devoir des Corps d'armée de faire effectuer les nécessaires contre-attaques desquelles seulement on pouvait espérer des résultats vraiment fructueux.

Tandis qu'il ordonnait qu'au sud de la Marne fussent effectuées, le lendemain, 16, des attaques qui pouvaient réduire le saillant créé là par l'ennemi; il précisait que cet effort fut puissamment secondé par des attaques simultanées de toutes les autres unités en ligne. "Seule une attitude décidément agressive peut - concluait le général Berthelot - arrêter définitivement la progression de l'ennemi lui infligeant de graves pertes et agissant sur son moral".

En suite, le commandement de la 5ème armée mit à la disposition du général Albricci la 14ème division, afin que, à 5 heures le 16, elle fût alignée sur la gauche de la 120ème, de façon à permettre au Vème Corps de récupérer les éléments de sa 7ème division placées de ce cté-là et prêts à renforcer la liaison entre le IIème et le Vème Corps.

Dans l'ensemble la situation de notre Corps d'armée, le soir du premier jour de l'offensive allemande, se présentait sérieuse mais non compromise. Sur la droite, la 3ème division avait subi de nombreuses pertes, mais elle était encore solide et de bonne efficacité. Tout en ayant abandonné une partie de la position de résistance, elle en maintenait le tronçon le plus délicat et sensible, la fortification de Vrigny et occupait une nouvelle position sur laquelle elle était prête à arrêter tout autre progression de l'ennemi.

A l'aile gauche, la 8ème division avait enregistré de telles pertes qu'elle ne pouvait être employée ultérieurement, mais son sang généreux n'avait pas été dépensé en vain s'il avait brisé l'attaque de l'ennemi, qui, convaincu le matin de dépasser facilement la défense, était arrivé, le soir, épuisé et désappointé avec des éléments de faible capacité offensive devant à une position sur laquelle les Français (120ème division) et Italiens (76ème et 52ème d'infanterie, IIème détachement d'assaut et deux compagnies de mitrailleuses du C.A.) étaient prêts et bien décidés à l'empêcher d'atteindre d'autres objectifs.

Les artilleries française et italienne avaient rivalisé en héroïsme et prouesses : celle de la 8ème division avaient été, dans ce sublime effort de défense, presque complètement perdue; celle de la 3ème division avaient subi des pertes très graves en hommes et en moyens, mais, avec celle également éprouvée durement de la 120ème division, constituaient encore un appui solide à la résistance des fantassins.

L'artillerie lourde, sur ordre du commandement de l'artillerie du Corps d'armée, pendant la journée, avait en temps utile (au bon moment) replié par groupes, les batteries sur des positions en arrière, prédésignées, pour la défense de la deuxième position. Bien qu'on ait fait sauter des pièces de 155 et malgré les pertes subies en hommes et matériels, on peut dire que l'artillerie lourde, même si elle s'était dépensée dans toutes les phases de la bataille, était encore d'une bonne efficacité.

Pour mieux garantir l'intégrité de la deuxième position arriva en renfort opportun la 14ème division française. Commandements et troupes pouvaient donc attendre avec confiance l'inévitable nouvel effort ennemi contre les lignes confiées à leur valeur.

La 14ème division, le 14 juillet, de la région de Conty s'était dirigée en Champagne. Le 15 au matin, tandis que son artillerie - le train laissé à Fère-Champenoise et Vertus - se concentraient à Cramant et une partie de son infanterie débarquait dans la région au sud de Châlons, reçut soudain l'ordre de faire poursuivre vers la zone au sud-est d'Epernay les éléments encore sur le train et d'acheminer avec des camions les détachements d'infanterie, déjà débarqués à Châlons, dans la zone de Moussy, où devait se rassembler la division entière. Tandis que les mouvements étaient en cours pour effectuer ce déplacement un nouvel ordre (22h.40) mettait la 14ème division sous la dépendance du IIème Corps d'armée italien, et précisait que l'infanterie devait être dirigée à Hautvillers.

Quelques éléments (IIIème/44ème et l'État Major de la division) qui entre-temps avaient débarqué à La Veuve et qui n'avaient pas encore rejoint la division, ne furent même pas attendus, et le mouvement commença immédiatement sur deux colonnes : l'une, de droite, constituée des 44ème et 60ème régiments avec itinéraire Mareuil-Dizy - Magenta - Hautvillers et l'autre, formée seulement du 35ème d'infanterie, par la route Epernay - Mardeuil - Cumières - Hautvillers.

 

LES COMBATS DU 16 JUILLET

LES ÉVÉNEMENTS DU 16 JUILLET

A 1 heure 15 le général commandant la 14ème division, devançant ses troupes, se présenta à Hautvillers au poste de commandement du IIème Corps.

Le général Albricci, après un entretien avec lui, ordonna que, en modification partielle des ordres donnés par la 5ème armée, la 14ème division se borne, pour le moment, à passer la Marne et à se rassembler dans la zone au nord de Hautvillers, derrière la gauche de la 120ème division. Ensuite, il ordonna que la 14ème division, à la tombée de la nuit du 17 juillet, remplace les détachements de la 120ème qui se trouvaient dans le secteur entre La Poterne (point de contact avec le Vème Corps) et la lisière nord du bois de Courton (liaison avec la 120ème)

De son secteur primitif la 120ème division aurait donc gardé seulement la partie comprise entre les bois de Courton et de Maître-Jean, conservant à sa disposition, en plus de ses trois régiments réglementaires, le 52ème d'infanterie italien. Le Ier bataillon du 86ème français qui était sous la dépendance de la 3ème division serait rentré à la 120ème division, laquelle, à son tour, aurait restitué le Ier bataillon du 76ème à la 3ème division. Celle-ci, aurait eu ainsi l'entière disponibilité de toutes ses troupes réglementaires, moins les bataillons II et III du 76ème avec le commandement du régiment qui, remplacés en ligne par la 120ème division, devaient se rendre aux environs de Courtagnon pour constituer, avec le détachement d'assaut et les deux compagnies mitrailleuses de corps d'armée déplacées dans la zone de Nanteuil, la réserve de corps d'armée. La 14ème division aurait eu à disposition tous ses régiments et aussi, pour la journée du 17, le Ier bataillon du 52ème régiment. Les déplacements du 76ème et du détachement d'assaut devaient avoir lieu le 17 au matin.

Pendant la matinée du 16, les régiments de la 14ème division se déplacèrent sur les objectifs indiqués : 35ème régiment dans le bois de Sarbruge; 44ème au sud de l'étang de Centaines; 60ème dans le bois au nord-est de Hautvillers.

Les 14ème et 120ème divisions, à leur tour, donnèrent les directives pour la réalisation des changements et pour l'aménagement des secteurs respectifs; les événements de la journée, comme nous le verrons, en empêchèrent ou en bouleversèrent en grande partie l'exécution.

Dans la matinée, toutefois, quelques prédispositions furent réalisées, et ainsi : le I/38ème se déplaça dans la région au nord-ouest de la ferme d'Ecueil, pour être prêt à renforcer soit la soudure des deux bataillons du 76ème italien, soit la liaison entre ce régiment et le 86ème régiment français; le I/76ème rejoignit le bois d'Ecueil.

Pour les Allemands, pendant la journée du 15 juillet, dans le but de faciliter l'activité d'une autre grande unité opérant au sud de la Marne, le groupe Schmettow avait reçu l'ordre de déplacer la direction d'attaque de la 195ème division, en la faisant converger vers le sud et de faire entrer en ligne, à la gauche de cette division, la 12ème division bavaroise, restée jusqu'alors en deuxième ligne. Mais, étant donné que cette division avait rejoint son nouveau déploiement seulement le soir, son intervention dans la bataille avait été différée au jour suivant.

Dans la nuit du 16, la 103ème division, de deuxième ligne à l'extrême droite du groupe Schmettow, avait été déplacée dans la zone comprise entre Ville-en-Tardenois, Chambrecy et Boujacourt pour être employée sur la gauche de la 123ème bavaroise dans la zone comprise entre cette division et la 86ème du groupe Borne.

Le groupe Schmettow, qui avait ainsi en ligne, du nord au sud, les divisions : 103ème, 123ème saxonne, 22ème, 12ème bavaroise et 195ème, devait - conformément aux ordres donnés dans la nuit par le commandement de la 7ème armée - rejoindre le 16 la route Reims-Epernay, jugée un des objectifs les plus importants du front de l'armée.

Sur la base des dispositions particulières données pendant la nuit par les commandements intéressés : la 86ème division (groupe Borne) devait, le 16, continuer la pression exercée le jour précédent contre les italiens sans attendre le commencement de l'action de la 103ème division, aidée par le concours de son artillerie; la 103ème division après l'indispensable préparation d'artillerie, devait s'avancer sur les hauteurs de Reims et conquérir l'orée des hauteurs au dessus de Chamery de façon à pouvoir dominer, ensuite, la plaine de Reims; la 123ème division saxonne avait comme objectif Pourcy; la 22ème Nanteuil, la 12ème par contre devait - dans un premier temps - se déplacer à cheval de la route Neuville-Fleury et, s'emparer de cette localité, pointer vers l'est et, à partir de ce moment, assumer le secteur et les objectifs affectés, précédemment, à la 195ème, qui fut chargée de la conquête des bois de Rodemat et "du Roi".

Dans l'ensemble, excluant la 195ème division et la 12ème bavaroise, qui opéraient en d'autres secteurs, quatre divisions allemandes, le 16 juillet, tentèrent avec acharnement de mettre en déroute la défense opposée par les troupes italo-françaises de notre IIème corps d'armée.

Front de la 3ème division

La nuit s'écoule assez tranquille. Dans le secteur du 89ème régiment d'infanterie se développent, vers l'aube, des actions vives et des patrouilles : dans un accrochage deux prisonniers du 344ème régiment sont capturés; ils annoncent qu'une attaque allemande est proche.

En réalité, l'attaque n'arrive pas et les détachements en profitent pour organiser, avec ardeur, la défense des nouvelles positions, pour améliorer le déplacement des troupes, les emplacements des armes et à renforcer les communications.

Entre-temps, l'adversaire, par petits groupes, se concentre dans le bois de la Vallotte et de là il descend vers Bouilly et dans le bois Commetreuil; de la Croix-Ferlin il avance vers le bois de Dix Hommes et de Hyermont; notre artillerie et l'action coordonnée des mitrailleuses en ligne entravent et ralentissent le mouvement.

Par rapport aux ordres déjà donnés le 14 juillet par le commandement de l'armée et sur la base des accords passés entre les deux divisions intéressées les positions dans le bois de Vrigny passent, avec les troupes qui les défendent, (II/89ème régiment) sous la dépendance de la 2ème division coloniale. Par conséquent, la limite nord-orientale du secteur confié à la 3ème division italienne est déplacée à la ligne : Méry-Prémecy, la lisière sud du bois de Vrigny, chemin charretier qui de la limite sud-est de ce bois mène à la Carbonnerie, donc à l'ancienne limite.

Aux environs de midi, le calme relatif qui avait régné jusqu'alors dans ce secteur est rompu par des concentrations de feu que l'artillerie allemande effectue sur toute la ligne, mais avec une particulière violence sur les pentes de la cote 240 et sur le bois de Vrigny. Des avions allemands volent à basse altitude sur les lignes tenues par la 2ème division coloniale française et sur celles de la 3ème division italienne, mitraillant les troupes et fournissant d'utiles données de tir aux différentes batteries. La rapide intervention des batteries des divisions alliées réussit à ralentir l'intensité du feu adverse sans, du reste, le neutraliser complètement : les pertes dans les premières lignes et à l'arrière sont sensibles.

Le commandant de la 3ème division, - dans le but de réduire le saillant formé par la nouvelle ligne d'occupation à proximité du bois de Vrigny - , ayant pris des accords avec la 2ème division coloniale, ordonne au commandement de la Brigade Salerno de réoccuper dans la journée Clairizet.

Vers 20 heures le tir ennemi de destruction et à gaz s'intensifie à nouveau, avec une violence particulière sur les anfractuosités des pentes de la cote 240, sur la hauteur même et sur le bois de Vrigny. A 20 heures 30 une puissante attaque déborde, dans un premier moment, une partie de la défense de la cote 240 (2ème division coloniale française) : la prompte et décisive réaction des Sénégalais rétablit très vite la situation. Le II/89ème participe à l'action appuyant efficacement avec le feu de ses armes la contre-attaque et repousse à son tour de grosses patrouilles qui cherchent à pénétrer dans les lignes pour arriver dans le dos des positions de la cote 240. La 3ème division, attaquée à son tour, fait face au choc de l'ennemi et en décevait toute espérance. Dans la nuit une compagnie et une section de mitrailleuse du I/90ème reprennent, après un bref mais violent bombardement, Clairizet et fixent une ligne avancée de petits postes, qui se relie à droite avec le II/89ème à la corne sud-ouest du bois de Vrigny et, à gauche, avec le III/89ème à la corne ouest du bois des Grands Savarts.

Au soir le 37ème régiment d'artillerie français "porté" était mis à disposition du IIème corps, et affecté par celui-ci à la 3ème division, qui prenait position à cheval sur la route carrossable Ferme de Presle - Montaneuf, de façon à pouvoir agir sur le front, soit de la 3ème division soit de la 120ème.

Front de la 120ème division

Vers 4 heures l'artillerie allemande, qui dans ce secteur avait été pendant la nuit plutt active, reprend le bombardement concentrant le tir de ses lance-mines, en particulier, sur les positions italo-françaises du bois de Courton.

L'artillerie de la 120ème division réagit avec une énergique contre-préparation et, dans le but de s'opposer à la progression méthodique des réserves ennemies vers le moulin de Voipreux, dans la vallée de l'Ardre, vers Espilly, dans le bois de l'Aulnay, et particulièrement dans le bois de Courton, frappe, avec des tirs de barrage intermittents, les routes, les voies d'accès et surtout les petits bois devant les premières lignes. Ces mouvements de l'adversaire sont le prélude à une attaque en force, qui se déchaîne vers 8 heures 30 contre la ligne défendue par le Ier bataillon du 52ème italien et par le IIème bataillon du 408ème français; le feu rapidement ouvert par la défense réussit à contenir l'impétuosité de l'ennemi, mais il ne peut empêcher que des éléments, rejoignent et dépassent les premières lignes, puis débordent au delà d'elles.

Une contre-attaque lancée immédiatement par la 7ème compagnie du 38ème d'infanterie français ferme la brèche, tandis que la 5ème compagnie du 52ème régiment d'infanterie italien élimine, dans le tronçon compris entre la ligne avancée et celle des réserves, les éléments allemands qui ont réussi à avancer au delà des premières lignes; autour de 10 heures 30 la situation est, pour ainsi dire, tout à fait rétablie. La compagnie du 52ème, toutefois, est laissée à la disposition du IIème bataillon du 408ème régiment français.

A l'extrémité gauche du secteur les Allemands, qui dans le cours de la matinée avaient tenté, à plusieurs reprises, d'avancer à l'ouest de la zone boisée de Courton et de s'infiltrer au travers de la jonction des deux divisions limitrophes, attaquent avec violence, après 12 heures 30, le I/52ème italien et le III/52ème colonial (extrême droite du Vème corps). Le IIème détachement d'assaut italien accourt promptement en renfort de la ligne qui menace de céder sous la pression ennemie. Son intervention rétablit la situation; les soldats d'assaut réoccupent, en effet, par une attaque irrésistible les tranchées que les coloniaux avaient été obligés d'abandonner et ensuite repoussent, vers 14 heures, une nouvelle irruption.

Presque simultanément dans le bois de Courton se manifeste un retour offensif de l'ennemi, précédé et soutenu par une action animée d'artillerie. L'attaque est particulièrement dirigée contre le front tenu par le III/408ème français. Le groupe du 228ème d'artillerie et le III/ du 53ème effectuent des tirs opportuns et efficaces de contre-préparation et de barrage; la progression de l'ennemi continue plus lente, mais, tout de même, tenace et menaçante.

Vers 12 heures 20, un ordre était arrivé au IIème corps, de la part du commandement de la 5ème armée, par lequel le Général Berthelot - attendu que les corps d'armée dépendants avaient été, le soir précédant ou pendant la nuit, renforcés et que l'ennemi, tout en étant, évidemment, intéressé à poursuivre son avancée, s'attardait en s'arrêtant - affirmait que le moment opportun de passer à la contre-attaque était arrivé et ordonnait qu'une telle action fût sans faute effectuée avant 17 heures, avec pour objectif la reprise des positions occupées, au commencement de la bataille.

Le général Albricci, toutefois, avait fait remarquer que, pour le moment, il ne jugeait ni possible ni conseillable une action de ce type sur son front, mais qu'il l'aurait sans aucun doute organisée dès que possible.

En effet, divers éléments concourraient à conseiller un tel report : la 14ème division ne pouvait entrer en ligne que pendant la nuit suivante; la troupe de la 120ème, qui avec sept bataillons italiens défendait la deuxième position, était fatiguée et éprouvée par la lutte jusque-là soutenue et toujours en cours; la 3ème division avait subi de graves pertes et, enfin, raison décisive, on attendait d'un moment à l'autre une nouvelle et plus violente attaque de l'ennemi.

Depuis quelques temps, en effet, le commandement du corps d'armée avait reçu de plusieurs sources des informations de mouvements ennemis dans le bois de Reims, dans la vallée de l'Ardre et dans le bois de Courton.

Le commandant du IIème corps, pour parer à l'évidente menace, avait ordonné à l'artillerie du corps d'armée de déplacer le tir sur le bois de Courton et dans le vallon d'Espilly, tandis qu'il avait renforcé la 120ème division avec les deux autres compagnies de mitrailleuses du corps d'armée de sa réserve.

Vers 16 heures, après une intense préparation effectuée en particulier avec les lance-mines, s'annonce l'attaque. Dans la vallée de l'Ardre l'attaque est arrêtée, mais dans le bois de Courton les colonnes d'assaut allemandes, soutenues par de nombreux lance-flammes, ont rapidement raison de la tenace défense du IIème bataillon (de gauche) du 408ème d'infanterie français et ils réussissent à ouvrir, entre la 6ème et la 7ème compagnie de ce bataillon une ample brèche.

Déferlant rapidement au delà des positions occupées l'ennemi tente d'écraser les détachements latéraux (III/408ème français à l'est et I/52ème italien à l'ouest). Le commandant du II/408ème signale sa dangereuse situation au commandant du II/38ème, qui fait rapidement intervenir la seule compagnie qui est encore disponible.

Le commandant du 408ème, à son tour, ordonne aux deux bataillons du 52ème régiment infanterie italien, placés sous ses ordres par le commandement du corps d'armée le jour précédent, de passer à la contre-attaque. Le IIème et le IIIème bataillons du 52ème avancent courageusement; l'action, menée avec décision et habileté, réussit, dans un premier temps, à ralentir la fougue de l'adversaire, mais, après, sont à leur tour arrêtés par les tirs de nombreuses mitrailleuses, qui, avec leur feu précis et meurtrier, obligent, à la fin, les deux bataillons à se replier.

Le commandant du 408ème ordonne (à 21 heures environ) aux rescapés du 52ème de se déplacer sur la rive gauche du ruisseau de Nanteuil (affluent de gauche de l'Ardre) pour y constituer un échelon de couverture à l'arrière front à l'ouest, avec la droite vers le carrefour de St Denis.

Le Ier bataillon du 52ème, entre-temps, pour maintenir la liaison à droite avec les Français, qui ont été obligés à un nouveau recul, réalise une conversion pivotant avec la gauche dans la zone de La Poterne et prend position, avec une compagnie française du II/38ème et avec des éléments du II/408ème, entre ladite localité et Courton-Ruines.

L'infiltration de l'ennemi, entre-temps, continue : quelques éléments allemands réussissent, même, à gagner la cote du bois de Courton qui descend vers Nanteuil et de cette position prennent sous le tir de leurs mitrailleuses les commandements de la 3ème et de la 120ème division. Les deux commandements, avec leur personnel, improvisent une défense dans la Ferme de Courtagnon, mais doivent après se déplacer : le commandement de la 3ème division à Sermiers, celui de la 120ème à Saint Imoges.

Les deux bataillons du 52ème prennent position sur la berge de l'affluent de l'Ardre; l'artillerie ennemie repère la position et la frappe, tandis que des mitrailleuses allemandes, se dévoilant le long de la route Pourcy - Nanteuil-la-Fosse, prennent en enfilade les détachements qui se défendent avec héroïsme repoussant les attaques réitérées d'éléments qui les investissent de toute part.

Le IIIème bataillon du 408ème, auquel se sont unis des éléments de la 5ème et 6ème compagnies du IIème bataillon, la compagnie commando du régiment et une section de la 26ème compagnie du IIIème bataillon du génie, accroché au terrain, faisant front au nord et à l'ouest, oppose à son tour une tenace résistance. Reste ouverte, toutefois : une brèche entre les deux zones de combats du 408ème et un couloir entre la ligne occupée par les deux bataillons du 52ème et celle plus avancée tenue par des détachements en première ligne.

La situation en ce secteur, par sa nature déjà particulièrement délicate, semble, dans l'ensemble, incertaine et préoccupante. Le combat, dans le début de l'obscurité de la nuit, est toujours vif, mais il semble qu'il se déplace, toujours plus menaçant, vers l'ouest; les nouvelles portées au commandement par les blessés et les estafettes sont alarmantes, confuses et contradictoires. Dans cette circonstance le général Albricci envoie un officier de son Etat-Major sur la ligne de front pour chercher des informations précises, il ordonne que toute l'artillerie, qui est dans la possibilité, concentre ses feux sur la brèche, qui reste ouverte, il ordonne que le détachement d'assaut accourt à nouveau pour assurer la soudure avec le Vème corps. En même temps il appelle l'attention des coloniaux (droite du Vème corps) sur la situation qui s'est créée sur le front de la 120ème division et demande qu'ils se tiennent prêts à envoyer, en cas de nécessité quelques renforts. Ensuite, personnellement, il se rend auprès de la 14ème division, il demande au général Baston d'accélérer l'entrée en ligne et, après l'avoir informé sur la situation, lui donne verbalement les ordres nécessaires. Mais le général Mordacq, ayant pris connaissance des événements qui s'étaient développés au nord de Nanteuil et dans le bois de Courton, préoccupé par la progression de l'ennemi, avait déjà envoyé (17 heures 30) directement à chaque régiment de la 14ème division le message suivant : "Le 44ème, le 35ème et le 60ème régiments rapprochent immédiatement leurs éléments de tête, de façon à pouvoir appuyer, si nécessaire, les unités de la 120ème division, qui n'a plus de réserves".

Les régiments de la 14ème division étaient donc déjà en mouvement quand le Général Albricci sollicitait l'intervention de la division.

Vers 19 heures 30, le bataillon de tête du 44ème(II), en marche sur Nanteuil-la-Fosse, débouche dans la vallée de l'Ardre; il y trouve des éléments allemands et est accroché par des feux venant du bois de Courton. En conséquence, il se déploie rapidement à l'ouest de Nanteuil pour couvrir le village et retenir l'adversaire. A droite du II/44ème se déploie le III/44ème avec l'ordre de prolonger vers l'est le front et de chercher la liaison, de cté là, avec les éléments de la 120ème.

Le I/44ème est destiné à constituer une réserve et est déplacé à la lisière nord-est du bois de Sarbruge avec la mission de couvrir le flanc gauche du déploiement et de chercher à se relier avec le 35ème d'infanterie vers l'ouest.

Ce dernier régiment à 18 heures 30 avait déjà ses Ier et IIème bataillons en marche, à travers les bois, sur Courton- Ruines; leur mouvement avançait lentement et avec difficulté. et seulement à une heure très avancée de la nuit ils réussissaient à se déployer le long d'un sentier juste au delà de Courton-Ruines; plus tard encore ils se reliaient à gauche avec le 60ème régiment tandis que seulement dans la journée du 17 juillet ils purent trouver le contact à droite avec le 44ème.

Le III/35ème, s'étant porté dans les environs de Cormoyeux, y resta en réserve. Vers 18 heures le 60ème d'infanterie se mit à son tour en mouvement son IIIème bataillon en direction de Romery, d'où il aurait dû aller dans le bois de Fleury. Informé, au cours du déplacement des événements survenus dans la zone, le bataillon se déploya et avança à cheval du chemin qui de Fleury conduit à Espilly. Après avoir repoussé vers le nord des éléments ennemis, il se heurta contre la défense consistante que l'ennemi avait ébauché sur le tronçon de la deuxième position où il avait réussi à prendre pied; seulement aux alentours de minuit, après diverses vicissitudes le III/60ème pût reconquérir environ 300 mètres de ligne. Comme nous l'avons déjà indiqué, vers 3 heures le 17 juillet ce bataillon réussit à retrouver la liaison à droite avec le 35ème, qui était déployé sur une ligne arrière et à angle droit par rapport à celle tenue par le III/60ème.

Les autres deux bataillons du 60ème régiment (I et II) s'en allèrent en réserve dans le bois de la Montagne de Reims au nord de Hautvillers.

Depuis 23 heures 30 le tronçon de la ligne compris entre La Poterne (exclue) et Nanteuil-la-Fosse (inclue) passa sous la responsabilité du commandement de la 14ème division. La limite commune entre la 14ème et la 120ème division resta fixée à l'orée Nord-Est du bois de Courton - intersection des routes Nanteuil - Pourcy et Nanteuil - Presle - chemin de Nanteuil-la-Fosse - sentier orienté de N.O à S.E., qui, passant par le bois de St Quintin, va à St Imoges - église de St Imoges, 500 m. au N.E. de La Neuville. A 24 heures le commandement du 2ème corps d'armée se déplaça à Mareuil. Pendant la nuit le I/52ème italien, le II/408ème français et le II/38ème français furent retirés du front et envoyés pour se réorganiser près de l'étang de St Imoges.

Le commandant de la 2ème division coloniale, informé des événements arrivés sur le front de la 120ème division, préoccupé des conséquences qu'ils auraient pu avoir sur la solidité de la défense de la Montagne de Reims, se dépêcha de diriger des troupes

vers la Ferme de Presle pour y établir un barrage qui pouvait affronter d'éventuelles progressions de l'ennemi par la brèche ouverte dans les lignes défendues par la 120ème division française.

A 22 heures le I/22ème reçut, ainsi, l'ordre de se déployer à la lisière nord du bois de Courtagnon pour empêcher les infiltrations de ce cté. Pour soutenir ce bataillon le commandant de la 2ème division coloniale envoya à Villers-aux-Noeuds le XXXIIème bataillon d'infanterie sénégalais et plus tard, informé par une reconnaissance de sa cavalerie, envoyée à Pourcy, que cette localité était encore aux mains d'éléments du III/86ème français et que le III/38ème français tenait la rive sud de l'Ardre, ordonna au I/22ème de se fixer à Presle pour être en mesure de soutenir tant le bataillon du 86ème que celui du 38ème.

En résumé, au sud de l'Ardre s'était constituée une nouvelle ligne non continue, qui avec un cours irrégulier, s'appuyait à droite à Presle, passait à l'ouest de Nanteuil et arrivait, avec une direction générale est-ouest, à La Poterne où les soldats d'assaut du IIème détachement et le I/52ème avaient, avec des contre-attaques répétés et avec ténacité, maintenu la liaison avec le Vème corps. Sur cette ligne des détachements de la 14ème division française et de la 120ème cherchaient à communiquer entre eux pour fermer les divers intervalles existants dans l'occupation, au travers desquels l'ennemi menaçait de continuer sa lente pénétration.

Particulièrement critique apparaissait la situation du IIIème bataillon du 408ème : sous la poussée de l'ennemi ce bataillon avait été obligé, en effet , d'infléchir de plus en plus sa ligne de défense jusqu'à faire un front nettement au Sud, également à droite , il se maintenait, désespérément cramponné à la deuxième position, où cependant il avait perdu la liaison avec les éléments contigus de la division, qui, avaient été contraints ,eux aussi, à céder du terrain.

Ainsi, encerclé de toutes parts, avec des communications insuffisantes vers l'arrière, rendu toujours plus précaire par le tir des mitrailleuses ennemies, ce courageux détachement, qui constituait une espèce d'îlot avancé, il se maintint et résista sur place jusqu'au 18 juillet, c'est-à-dire jusqu'à ce que la contre-offensive des alliés obligea l'ennemi à se replier. Entre-temps l'aviation était parvenu à le ravitailler en vivres et munitions.

La crise, qui avait eu des moments tragiques et préoccupants était désormais en voie de résolution, même si sur l'aile gauche du déploiement du corps d'armée pesait toujours la menace de l'ennemi, qui sur le front du Vème corps, entre La Poterne et la Marne, avait effectué des progressions remarquables.

La 8ème division, sur ordre du commandement du IIème corps, envoya la 2208ème compagnie de mitrailleuses divisionnaire aux ponts de Mareuil pour renforcer la défense et constitua, avec des éléments tirés des mitrailleurs du 51ème d'infanterie, une compagnie de mitrailleuses provisoire qu'il envoya à Mareuil.

Les détachements d'infanterie essayaient entre-temps avec les matériels et les hommes rescapés de constituer des compagnies et des bataillons provisoires destinés, au besoin, à porter leur contribution dans la lutte en cours.

 

LE 2e CORPS D'ARMÉE ITALIEN LE 17 JUILLET 1918

 

Le commandement suprême allemand, considéra désormais comme ratée l'offensive, renonça, à partir du 16 juillet, à donner des ordres complémentaires au sujet de l'opération "Reims-Marneschutz".

Vers minuit, le 16 le général von Boehn, sur la base des ordres reçus du commandement du groupe d'armées du Kronprinz allemand, ordonna que les troupes au sud de la Marne renoncent à l'attaque et passent à la défensive, et celles au nord du fleuve, au contraire, continuent leur action dans le but de conquérir la ligne Venteuil (aile gauche du groupe Conta) côte 263 (ouest de Fleury la Rivière) - Nanteuil-la-Fosse - bordure des hauteurs près de Chamery (groupe Schmettow) - Ville Dommange (groupe Borne). Au groupe Schmettow fut ordonné d'insérer la 103ème division (moins le 32ème régiment d'infanterie déjà engagé à gauche de la 123ème division) entre les 22ème et 123ème divisions. La 28ème division de réserve fut déplacée dans les zones d'Anthenay, Olizy-et-Violaine, c'est-à-dire au dos de l'aile droite du groupe Schettow, pour être en mesure d'intervenir rapidement dans la bataille.

Le général von Schmettow dès 22h. le 16 avait, à son tour, ordonné que l'action fut poursuivie avec les objectifs suivants :

- pour la 195ème division ,bordure des hauteurs de Harnotay, Fleury

- Pour la 12ème division bavaroise, Fleury (inclus) et bois de Fleury

- Pour la 22ème division, bordure sud du bois de Sarbruge et Nanteuil

- Les 103ème et 123ème divisions saxonnes, devaient rejoindre sur les hauteurs à l'est de Pourcy la ligne Bois de Courtagnon - bois de Chamery - bordure des hauteurs au dessus de Chamery et Ecueil. L'intervalle qui se serait produit pendant les attaques divergentes des 22ème et 123ème divisions serait colmaté avec des troupes de la 103ème division; qui devait avancer jusqu'à la ligne Nanteuil (exclus) - château de Courtagnon (inclus). Le général von dem Borne ordonna à la 86ème division de saisir toute occasion favorable pour progresser dans son propre secteur.

Dans le cours de la journée du 17 le commandement de la 7ème armée mit à disposition du VIème groupe de réserve (Borne) un régiment d'infanterie renforcé par une section de montagne de la 50ème division et ensuite passa sous la dépendance du même groupe toute la 123ème division saxonne, renforcée par le 32ème infanterie dans le but de donner une unité d'orientation et d'imprimer plus d'énergie à l'attaque en direction de Chamery.

Le soir du 16, le commandement du 2ème Corps d'Armée Italien avait reçu de la Vème armée une dépêche dans laquelle, étaient approuvées les dispositions prises par le 2ème corps pour la journée, et où on décidait que le 17 serait effectuée , avec la 14ème division, une forte contre-attaque à laquelle participeraient également les détachements italiens et quelques unités de la 120ème division. Le but de l'action était de réoccuper notre. ancienne position de résistance. (La Neuville-aux-Larris - lisière ouest du bois de Courton - Chaumuzy - Bouilly - Ste Euphraise). A gauche du corps d'armée italien le 5ème Corps Français conduirait une opération analogue.

Le général Albricci, qui pendant la nuit avait déjà donné par téléphone les ordres pour l'attaque du lendemain, les confirma par écrit dans les premières heures du 17. Tout d'abord il déclara qu'il fallait réoccuper au plus tôt l'ancienne deuxième ligne dans le bois de Courton et devant le village de Pourcy, reprendre la liaison avec les éléments de droite de la 120ème division restés sur place. Le général ordonnait qu'à l'aube la 14ème division se dirige droit devant elle vers nos anciennes positions, en se tenant strictement en liaison à gauche avec le 5ème corps et que la 120ème division réoccupe complètement les positions de Pourcy, en maintenant une stricte liaison avec la 14ème division d'une part, et avec la 3ème division de l'autre . La 3ème division devait, par contre, faire agir très activement ses troupes sur son front, dans l'attente de recevoir l'ordre d'avancer avec le centre et avec la gauche de son déploiement. Le commandement du corps d'armée se réservait le droit de donner des ordres ultérieurs pour la suite des opérations, dès que la deuxième position serait rejointe.

" Agir avec décision pour profiter de la désorganisation de l'adversaire " concluait le général Albricci.

Le commandement de la 3ème division se préparait pour une éventuelle contre-offensive et ordonnait aux commandements de ses brigades d'exercer une grande activité de patrouilles, tenant engagé l'ennemi sur leur front respectif de façon à faciliter les opérations qui se seraient développées sur la gauche.

Le général Mordacq, accusant réception de l'ordre d'attaque, notifiait que dans le secteur assigné à ses troupes la position de résistance était encore intacte, sauf, peut-être, quelques éléments à l'extrême gauche et ajoutait que son infanterie était fatiguée et qu'il ne pouvait compter que sur un seul bataillon frais en réserve : le 1/38ème.

Avec l'ordre d'opération le même général décidait pour l'aménagement du secteur de sa compétence :

- le commandement du 38ème régiment d'infanterie devait pourvoir avec les IIème et IIIème bataillons et avec le I/220ème bataillon colonial à remplacer les éléments du 44ème régiment d'infanterie (de la 14ème division) qui étaient à l'est de Nanteuil assumant le front de Nanteuil (lisière est) - Pourcy (exclu)

- au 86ème régiment d'infanterie il donnait mandat d'étudier une action pour la reconquête du village de Pourcy, dans le cas où il aurait été évacué.

Le commandement de la 14ème division, à son tour, ordonnait que la reconquête de l'ancienne deuxième position fut réalisée avec un mouvement méthodique , à mener à travers les bois de Courton et débouchant à l'orée nord du même bois, en étroite liaison avec les unités de la 120ème division. L'exécution du déplacement de l'artillerie divisionnaire et la considération que le mouvement devait être effectué dans le bois conseillèrent de confier l'action dans ce secteur aux seuls moyens de l'infanterie. Les détachements mis à la disposition du commandant de l'infanterie divisionnaire pour l'attaque étaient: le 44ème d'infanterie au complet, les Ier et IIème bataillons du 35ème et le IIIème bataillon du 60ème, auxquels fut ajouté, dans un deuxième temps, le Ier bataillon du 60ème avec le commandement du régiment.

Dans la nuit les restes du IIème et IIIème bataillons du 52ème, en position sur la berge de la rive droite du ruisseau de Nanteuil, au sud du carrefour de St Denis, sont la cible du tir particulièrement insistant des artilleurs ennemis et de violentes rafales des mitrailleuses, qui tirent sur eux de front et sur le flanc gauche, en leur infligeant de nouvelles pertes.

Dans l'obscurité, les nôtres sentent que le feu des mitrailleuses allemandes va s'étendant toujours plus vers le dos de leur position; avec de promptes réactions, ils cherchent à tenir lointaine la menace évidente d'encerclement qui, cependant, s'annonce toujours plus certaine, pressante et dangereuse.

La situation de ces détachements, épuisés, privés d'ordres, isolés, n'étant pas au courant des développements que la lutte avait eu sur le front de la division, devient toujours plus critique. Vers 3 heures le commandant du 52ème - désormais certain que les premières lueurs de l'aube, en dévoilant à l'ennemi toute la précarité de son occupation, rendra impossible de tenir ses positions actuelles au fond de la vallée, décide de s'ouvrir un chemin, avant qu'il ne soit trop tard, en direction de la route de Nanteuil. A peine commencé le mouvement, des éléments allemands, sortis à l'improviste de tous côté, saisissent presque à bout portant nos fantassins.

Le commandant du 52ème d'infanterie avec un groupe qui combat à ses côtés, est écrasé et fait prisonnier; les rescapés qui réussissent, à grand peine, à se soustraire à la capture se replient par Courtagnon sur Le Cadran. Après ils sont envoyés à St Imoges, pour se regrouper avec le Ier bataillon du régiment.

Sur le front restant, tenu par le 2ème corps la nuit s'écoule, dans l'ensemble, plutôt mouvementée; l'artillerie ennemie ne cesse de battre par frappes plus ou moins intenses, un peu partout, les premières lignes, tandis que les mitrailleuses égrènent, de temps en temps, leurs furieuses rafales .

A 4 heures environ, l'infanterie ennemie attaque dans la région de Nanteuil. Le II/44ème tient tête, mais il semble que plus à l'ouest, dans l'intervalle qui existe toujours entre le II/44ème et le I/35ème, les Allemands réussissent à pousser en avant quelques éléments.

Vers 10 heures 15 le Général Albricci rappelle à la 14ème et la 120ème divisions d'exécuter énergiquement son ordre de contre-attaque, qui exige rapidité et décision. Mais, pendant toute la matinée, seulement le III/60ème français, en ligne sur l'extrême gauche du déploiement, réussit à accomplir quelques légers progrès, tandis que la 3ème division italienne développe, avec des patrouilles et des tirs d'artillerie et d'infanterie, l'action démonstrative dont elle était chargée.

L'infanterie allemande cherche, par contre, à plusieurs reprises à s'infiltrer à travers le dispositif plutôt clairsemé des bataillons avancés de la 14ème division, qui s'y oppose par des réactions locales et en engageant des unités de renfort pour fermer les brèches et constituer une ligne continue, établissant de solides relation entre les divers détachements. Mais seulement vers midi on peut considérer terminées les infiltrations et vers 14h. la division peut retenir comme rejointe la jonction entre les 44ème et le 35ème régiments, même si la menace allemande plane encore, surtout sur la clairière à l'ouest de Nanteuil.

A 11h.30 l'ennemi déclenche une violente attaque contre le centre du déploiement de la 120ème division. Le général Albricci, dispose, alors, que toute l'artillerie qui est en condition de pouvoir le faire intervienne en faveur du secteur menacé; ordonne à la 3ème division d'intensifier au maximum l'action démonstrative de son infanterie pour alléger la pression ennemie sur la 120ème; assigne à cette dernière en renfort le Ier bataillon du 89ème d'infanterie; demande au Ier corps d'armée colonial l'éventuel concours de quelques uns des bataillons qui se trouvent près de la Ferme d'Ecueil et invite, enfin, la 14ème division à soutenir la 120ème division avec un de ses bataillons en réserve.

L'attaque adverse, à la suite de la violente réaction de feu d'artillerie et d'infanterie, échoue; plus tard elle se renouvelle, moins violente, mais sur un front plus ample, dans le secteur compris entre Pourcy et Courton-Ruines, et cette fois encore est repoussée.

Le commandant de l'infanterie divisionnaire de la 120ème division avait, vers 13h.45 ordonné que le 38ème régiment français, partant du dos au nord de Nanteuil, attaque avec deux bataillons (IIème et IIIème) les troupes ennemies dans la région du bois Liberty avec le but de les rechasser dans le bois de Courton, et de rétablir la liaison entre le IIIème/408 et le 44ème régiment infanterie français qui, à son tour, devait avancer en direction du nord.

L'activité ennemie à laquelle nous avons fait allusion, et les difficultés contingentes diverses empêchèrent qu'une telle action s'effectue.

Vers 16h. les commandements de la division coloniale, de l'artillerie du corps d'armée et du 76ème régiment d'infanterie informaient celui de la 3ème division qu'on remarquait dans la vallée de l'Ardre un mouvement de recul, vers le nord, de notables forces ennemies. Le commandement du corps d'armée qui, comme nous l'avons vu, avait déjà sollicité la 3ème division afin qu'elle intensifie son action démonstrative, connaissant cette indice de repli, il renouvelle ses incitations afin de passer sans attendre à l'offensive: le général Pittaluga répond assurant qu'il avait déjà diffusé les ordres pour surprendre l'ennemi en crise et pour reconquérir les anciennes positions de résistance.

Le commandant de la 3ème division, en effet, dès qu'il fut informé du mouvement allemand, rappelle à ses détachements leurs objectifs respectifs : 90ème, château de Commetreuil; 75ème, renforcé par le Ier bataillon du 86ème régiment français, bois de Hyermont et bois du Petit-Champ, jusqu'à la lisière vers la vallée de l'Ardre.

Simultanément il avait demandé le tir de l'artillerie lourde et le concours de celles de la 2ème division coloniale sur le bois des Dix-Hommées, Bouilly, bois de la Vallotte; il avait confié à l'artillerie de campagne divisionnaire le " barrage roulant " en accompagnement de l'infanterie. Le général Pittaluga avait, enfin, averti de l'action qui commençait le commandant du 76ème, afin qu'il coopère à maintenir la liaison à gauche. Le dit commandant, toutefois, communiquait qu'il ne pouvait donner aucun concours à l'action du 75ème, car il était déjà engagé sur son propre front à repousser une attaque que l'ennemi avait lancé en direction de la Maisonnette.

Cette attaque, en effet, s'était prononcé à 15h.30 investissant le IIème bataillon du 86ème français et le IIème du 76ème italien, qui avaient nettement arrêté l'adversaire. Un retour offensif allemand, à environ 16h. n'avait pas à première vue eut une meilleure chance, mais, enfin, après un nouvel assaut, des éléments ennemis pénétraient entre le IIème et le IIIème bataillons du 76ème, à cheval sur la route de Cuitron. Le IIIème bataillon réussissait, avec des contre-attaques de ses détachements de réserve, à rétablir la ligne; par contre, le IIème bataillon rencontrait des difficultés plus grandes. Le commandement du 76ème ordonnait alors au Ier bataillon de passer à la contre-attaque et au IIème de participer à l'action en exploitant ses éléments de réserve et le détachement d'assaut. La contre-attaque, lancée avec une impétuosité irrésistible, rompait la dure résistance de l'ennemi qui, après une lutte corps à corps acharnée, abandonnait le court tronçon de tranchée conquise.

A 19h. le 76ème régiment occupait intégralement les positions initiales rétablissant les liaisons avec les détachements latéraux.

Tandis que le 76ème soutenait et repoussait le choc ennemi, le 75ème avait réalisé le projet d'attaque. A 17h.30 le tir d'artillerie avait commencé et à 18h. le 75ème sur deux colonnes (Ier et IIème bataillons), par vagues successives, commençait son avance se déplaçant dans un seul élan jusqu'à la lisière du bois du Petit-Champ donnant sur la vallée de l'Ardre.

Le mouvement était suivi sur la droite par des éléments du 90ème infanterie, qui, à leur tour, gagnaient du terrain vers le bois de Commetreuil. Dépassées les premières défenses acharnées, le 75ème avance avec décision et énergie, mais des rafales très violentes de nombreuses mitrailleuses et le feu précis de répression de l'artillerie le contraigne à s'arrêter.

Les détachements sont réorganisés rapidement. Le IIIème bataillon, qui avait été laissé à défendre les premières lignes, avance. Le 75ème se lance à nouveau en avant sous le feu ennemi qui fait rage et sous un violent orage . Peu après, cependant, tombe blessé le colonel, sont tués deux commandants de bataillon et quatre commandants de compagnie, sont blessés de nombreux officiers restants, la troupe peu à peu est obligée de se replier, combattant jusque sur les lignes de départ, efficacement soutenue par le feu du Ier bataillon du 86ème infanterie française, et par LX bataillon du génie projeté en ligne. Le détachement des "arditi" du 90ème, qui avait avancé jusqu'aux alentours de Courmas, y résistait vaillamment jusqu'au déclin du jour, luttant contre des forces supérieures en nombre, mais il était obligé de se replier lui aussi sur les lignes de départ.

L'attaque du 75ème d'infanterie, même conduit avec bravoure, décision et ténacité, n'avait pas atteint le but qu'il s'était fixé; l'ennemi, qui avait donné l'impression d'être occupé à se replier, avait, au contraire, réagi avec acharnement. Le témoignage concordant des prisonniers capturés pendant l'action explique l'événement.

Les troupes allemandes signalées à 16h. en repli vers le nord appartenaient en réalité à des détachements qui laissaient les lignes parce que remplacés par d'autres frais, destinés à lancer une nouvelle attaque contre les positions tenues à gauche par la 3ème division, et la droite par la 120ème division. L'action entreprise sur le front du 76ème n'était que le virage de l'aile droite de l'attaque allemande, dont l'aile gauche, par contre, avait été paralysée par l'attaque impétueuse du 75ème, qui s'était abattu sur les colonnes ennemies au moment où celles-ci étaient sur le point de se lancer en avant.

L'action du 75ème avait donc réussi à briser, au début, l'action de l'ennemi; mais les pertes subies avaient été telles que le régiment ne disposait plus de troupes suffisantes pour défendre utilement toute la ligne tenue le matin. En conséquence le LX bataillon du génie restait en ligne à gauche du régiment, et le commandement de la brigade Naples ordonnait au IIème bataillon du 90ème d'élargir son occupation vers la gauche de façon à réduire l'extension du secteur confié au 75ème.

Le général Pittaluga, qui avait déjà renforcé le 75ème avec les deux compagnies de mitrailleuses divisionnaires (2224ème et 2095ème) qui constituaient sa dernière réserve, et qui était à court de munitions d'artillerie, présentait cette situation au commandement du IIème corps. Le général Albricci pourvoyait à la demande d'approvisionnement et mettait à disposition de la 3ème division le IIème détachement d'assaut qu'il faisait transporter de l'extrémité de l'aile gauche du déploiement du corps d'armée, avec des autocars, à Sermiers. De cette localité, le lendemain, le détachement se déplaça plus au nord, à proximité de Ville-Dommange.

Le soir, le commandant de la 5ème armée ordonnait pour le lendemain la reprise sur tout le front des contre-attaques pour reprendre le terrain perdu. Au IIème corps il ordonnait de reconquérir, si possible, la position principale de résistance : Chaumuzy - lisière nord du bois de Reims - bois de Vrigny, ou, au moins, de rejoindre la ligne : Paradis - Espilly - limite ouest de Cuitron - Courmas.

A l'action devaient participer les trois divisions en ligne. Le Ier corps d'armée colonial recevait l'ordre de garder quelques bataillons en réserve derrière la droite du IIème corps, en mesure de faire face à n'importe quelle éventualité de ce côté. La tâche de fixer l'heure de l'attaque, qui devait de toute façon commencer avant 10h., était laissée aux commandements des corps d'armée IIème et Vème, qui devaient la fixer d'un commun accord.

Plus tard l'armée, en diffusant les dispositions particulières à propos d'une action générale d'artillerie qui, par ordre du général en chef, devait être exécutée le lendemain matin, sur tout le front tenu par les IVème, Vème et IXème armées, comme préparation à la reprise de la lutte, ordonnait que le tir de barrage mobile devait commencer à 5h. et être prolongé jusqu'à 10h. et que celui de contrebatterie fut effectué de 5h. à 5h.15; dans les secteurs où était préparée une attaque de tels tirs; après 5h.15 devaient être remplacés par la préparation spécifique et par la contrebatterie fixées par les ordres d'opérations des commandements respectifs.

Le général Albricci, à son tour, décidait d'agir avec une intensité particulière aux ailes, dans un premier temps, avec la 14ème division aidée de la 120ème et, dans un deuxième temps, avec la 3ème division.

Le commandant de la 14ème dès 16h. avait disposé, de préparer au plus tôt, une attaque qui, partant du front Courton - Ruines - Nanteuil tendait à rétablir la ligne en liaison avec l'îlot défensif constitué par le 408ème français. A 19h. toutefois il ordonnait que l'attaque qui n'avait pu se développer dans la journée soit reprise le lendemain matin à l'aube, en exerçant l'effort maximum avec la gauche (35ème régiment), de façon à fermer la poche qui existait entre Courton - Reims et le saillant de Pourcy.

Le commandement du IIème corps approuvait le plan d'action de la 14ème division, mais ordonnait que l'attaque de l'infanterie commence à 9h., de façon à coïncider dans le temps avec celle que le Vème corps devait mener dans son secteur au sud de la Poterne. Il ajoutait que la préparation d'artillerie sur le front du corps Pellé débutera à 7h.30, et mettait à la disposition de la 14ème division toute l'artillerie lourde du corps d'armée non engagée autrement.

 

LE 2e CORPS D'ARMÉE ITALIEN ET LA CONTRE-OFFENSIVE DU 18 JUILLET 1918

 

LES ÉVÉNEMENTS DU 18 AU 20 JUILLET - TRANSFERT DE LA 8e DIVISION DANS LA ZONE DE ST. OUEN

 

Le 18 juillet, à 7h.30, l'artillerie du IIème corps de concert avec celles du Vème corps français, commencèrent la préparation. L'infanterie commença l'avancée à 9h.. L'ennemi, favorisé par un terrain très boisé et touffu, et rendu encore plus impraticable à cause des trous des projectiles et par les arbres abattus et brisés par les bombardements, oppose partout une résistance très tenace. La lutte se fractionne, dès le commencement, en combats locaux, dans lesquels les deux adversaires s'engagent avec une égale habileté, courage et ténacité. Avec des vicissitudes alternées l'action se prolonge jusqu'au soir. Sur le front de la 14ème division le III/44ème réussit à mettre pied sur la route Pourcy-Nanteuil et continue vers le bois de Courton.

Dans le bois le II/35ème dépasse Courton-Ruines; cependant le mouvement du régiment est, dans l'ensemble, lent, car le Ier bataillon est fortement gêné par le feu d'un centre de résistance, que l'ennemi a organisé au nord de la lisière du bois de Sarbruge d'où il bat avec efficacité, également, les éléments du II/44ème et I/44ème qui ne réussissent pas à avancer.

A gauche du IIème corps les unités du Vème corps avancent et à 10h. réoccupent Belval-sous-Chatillon; le commandant de la 14ème division ordonne alors au III/60ème et au I/35ème de suivre ce mouvement.

Dans l'après-midi, le III/60ème met le pieds sur l'ancienne deuxième position; le III/44ème, à l'aile droite de la division, rejoint, vers 15h., le tronçon sud-occidental de la ligne: carrefour de St. Denis - ramifications de la corne nord-est du bois de Courton. Le II/44ème qui devrait profiter des progrès du I/35ème et du I/44ème pour occuper le centre de résistance à l'ouest de Nanteuil, ne réussit pas , par contre, à progresser.

Plus chanceux, les bataillons du 35ème avancent, tandis que le I/44ème, au prix de grosses pertes, dépasse de peu, par le nord-ouest, le centre ennemi.

L'avantage atteint n'est pas, cependant, tel de faciliter l'action du II/44ème qui, seulement après avoir été renforcé avec des éléments du I/60ème et avoir soutenu une âpre lutte, rejoint, à 18h. environ, son objectif. Les deux bataillons Ier et IIème du 35ème réussissent aussi à avancer encore plus au nord. Dans l'ensemble, les régiments de la 14ème division, après une journée d'âpres combats, ont gagné du terrain sur environ un km. en profondeur et ont dégagé Nanteuil-la-Fosse.

La 120ème a poussé en avant le III/38ème qui, suivant de près les progrès réalisés par la 14ème division, conquiert, dans la matinée, les pentes nord-ouest de la côte 207 et, à 12h. environ, occupe St Denis et le carrefour au sud de l'agglomération. L'ennemi, pressé par la 14ème division au sud et par la 120ème à l'est, abandonne, après 16h., le bois Liberty rendant ainsi possible la liaison matérielle avec le III/408ème.

Sur la droite, en concomitance avec l'action jusqu'ici décrite, la 3ème division et les troupes coloniales avaient, à leur tour, attaqué et obtenu de bons avantages.

Le commandement du 2ème corps avait, pour cette action, pris des accords directs avec celui du 1er corps d'armée colonial, qui, moins éprouvé dans les journées précédentes, disposait encore de nombreuses réserves efficaces. Sur la base de tels accords il avait été établi qu'en ce secteur l'action devait être menée en stricte collaboration entre les troupes de la 3ème division italienne et de la 2ème coloniale française. Le commandant de la 5ème armée, afin de garantir une plus grande unité dans la direction et la conduite des opérations, avait ordonné que le général Mordrelle (Commandant de la IIème division coloniale), plus âgé que le général Pittaluga, assume le commandement de toutes les troupes destinées à opérer dans le secteur, entre le bois de Vrigny et le bois du Petit-Champ; le général Pittaluga gardait le commandement des troupes italiennes avec la tâche d'assurer l'intégrité des positions défendues et de participer éventuellement à l'action offensive dans les limites consenties par l'efficience de ses troupes selon les directives du général Mordrelle.

Sur la base des ordres donnés par le commandement de la 2ème division coloniale un régiment de formation avec trois bataillons (deux du 23ème régiment d'infanterie coloniale et le XXXIIème bataillon tirailleurs sénégalais) devait commencer l'attaque à 18h. pour rejoindre le front. La Maisonnette - limite méridionale et occidentale du bois du Petit-Champ jusqu'au sentier Courmas - Chaumuzy, qui côtoie le parc de Commetreuil - saillant septentrional du bois du Petit-Champ - bosquet de la côte 233. Se mouvant une heure après, le 104ème d'infanterie français devait s'infiltrer dans Courmas, tandis que, simultanément, la 3ème division devait occuper le bosquet au sud ouest de celui des Grands Savarts et les bois situés entre Ourézy et le ruisseau de Courmas.

L'action devait être précédée par une demi-heure de préparation faite par l'artillerie des divisions : 2ème coloniale française, 120ème française et 3ème italienne. Pendant l'attaque l'infanterie auraient été précédées par un barrage mobile avec une progression de 25 mètres minute; en même temps les bois de Rouvroy, de Hyermont, de Commetreuil et Courmas devaient être tenus sous une constante interdiction.

La 3ème division italienne confiait l'exécution de l'attaque au commandement de la brigade Salerno, qui devait la développer avec les bataillons sous ses ordres (exclu le II/89ème); ordonnait que toutes les mitrailleuses en condition de pouvoir le faire appuient activement l'action et que la Salerno veille à en placer quelques unes sur l'éperon du bois de Fourches, pour exécuter, entre 18h. et 20h., une interdiction efficace interdiction dans la zone du parc de Commetreuil et du bois de Hyermont. Ordonnait, enfin, au commandement d'artillerie de prendre des accords directs avec celui de la 2ème division coloniale pour concourir à l'opération avec le plus grand nombre possible de batteries.

La 120ème division française, appelée à donner sa contribution à l'action, dispose pour l'intervention de toute l'artillerie et afin que le Ier bataillon du 38ème d'infanterie exploite l'opération dans le bois du Petit-Champ pour lancer trois grandes reconnaissances : une sur Cuitron (une demi-compagnie d'infanterie et une section de mitrailleuses), l'autre sur Marfaux (une compagnie et deux sections de mitrailleuses) et la troisième sur le moulin de l'Ardre (une demi-compagnie et une section de mitrailleuses), avec la tâche de s'emparer des dites localités et de se porter à l'alignement Pourcy-Marfaux - corne sud-ouest du bois du Petit-Champ. Il était prévu que ces reconnaissances devaient commencer à 21h. précédées par une préparation d'artillerie de 15 minutes à effectuer sur les trois points indiqués, et soient appuyées par le feu des mitrailleuses du 86ème régiment d'infanterie français. Le I/38ème, si l'attaque réussissait, devait passer aux ordres du 86ème, dont, en définitive, il aurait constitué la ligne avancée.

A 17 h. l'ennemi tente une attaque sur le front du 76ème infanterie italien, mais il est repoussé par la violente réaction de la 8ème compagnie du régiment qui s'élance résolument en contre-attaque, vaillamment soutenue par le tir de la 1718ème compagnie de mitrailleuses. Du bon succès obtenu tire un prompt avantage un détachement du 404ème régiment français qui, avec une jolie initiative, s'élance au dehors de la ligne, rejoint et occupe un tronçon de la lisière ouest du bois de Courmas.

A l'heure fixée l'artillerie commence le feu, auquel suit l'action de l'infanteries de la 2ème division coloniale, auxquelles s'unissent spontanément des noyaux du 76ème d'infanterie italien et un de ses détachements de soldats d'assaut. La réaction de l'ennemi est prompte et violente, toutefois l'attaque se poursuit lente mais continue; le XXXIIème bataillon sénégalais, appuyé à droite par le II/23ème et à gauche par le I/23ème, réussit à s'établir le long la route provenant de Courmas et qui traverse de nord à sud le bois du Petit-Champ.

A 19h. des détachements du 104ème d'infanterie français (deux compagnies) et la 9ème compagnie du III/90ème italien avancent sur Courmas, y pénètrent d'élan et y capturent armes et prisonniers; plus au nord les 7ème et 8ème compagnies du III/90ème conquièrent les bois entre Onrézy et le ruisseau de Courmas (sud-ouest de Onrézy). Entre-temps, la 8ème compagnie du 89ème d'infanterie italien, renforcé d'un détachement de sapeurs et d'une section pistolets-mitrailleurs, débouche de Onrézy. L'ennemi tente de s'opposer partout au mouvement; des rafales violentes de mitrailleuses s'abattent sur nos fantassins; des tirs d'artillerie, en majorité avec des projectiles à gaz, martèlent nos positions de départ et toute la zone face à elles; toutefois, malgré les graves pertes, nos soldats avancent courageusement sur tout le front. Ainsi ils s'emparent du bois à l'ouest de Onrézy, duquel ils rejoignent, avec une âpre lutte corps à corps, la lisière ouest. Dans le cours de l'action s'étant manifestée quelque difficultés de continuité entre les détachements du 90ème, la 6ème compagnie du régiment accourut pour fermer la brèche, tandis qu'en renfort de la 8ème compagnie du 89ème, qui a subi et subit des pertes graves, sont envoyés des détachements et des sections de mitrailleuses du IIIème bataillon du 89ème.

Au soir, la ligne de surveillance dans ce tronçon du front était organisée sur la rive droite du ruisseau de Courmas. Pour l'aménagement défensif dans le tronçon plus au sud le commandement de la 2ème division coloniale ordonnait (22h.) que le IIIème et le IIème/104ème, avec le concours du I/86ème, occupent la ligne: bois de Ruez (en liaison avec le 43ème régiment colonial à la corne nord-est du même bois - bois de Fourches - Courmas - mettant deux bataillons en ligne et un bataillon en réserve, au bois de Maître - Jean. Le 23ème régiment colonial était chargé d'occuper et de défendre le front: route Courmas - Cuitron - lisière sud du bois du Petit-Champ, prenant ici liaison avec le 86ème régiment d'infanterie français (de la 120ème division). Le XXXIIème bataillon sénégalais, retiré de la ligne, passait en réserve dans la partie ouest du bois d'Ecueil.

Les troupes italiennes du bois du Petit-Champ avaient l'ordre de continuer à défendre la ligne qu'elles occupaient avant l'attaque et qui maintenant constituait la ligne des réserves.

A l'heure indiquée la 120ème division avait poussé les reconnaissances préparées sur Marfaux, sur Cuitron et sur le moulin de l'Ardre provoquant immédiatement le déchaînement d'un très intense barrage. Marfaux et Cuitron étaient solidement défendues : là, en effet, l'adversaire opposait aux reconnaissances françaises une très vive réaction en leur empêchant toute progression et en infligeant des pertes particulièrement graves aux détachements qui agissaient vers Marfaux. Le moulin de l'Ardre, qui était vide, fut par contre occupé.

Dans l'après-midi le général Albricci reçut du commandement de la 5ème armée le préavis qu'au soir du 19 juillet le IIème corps serait remplacé par le XXIIème corps d'armée anglais et que les éléments italiens, petit-à-petit substitués, auraient à rejoindre la région d'Arcis-sur-Aube pour se réorganiser.

Dans la journée la 8ème division eut l'ordre de se transférer, de la zone d'Epernay, où elle était toujours déplacée, à la zone à est de Mailly-le-Champ, comprise entre Humbauville, Breban, St Léger sous Margerie, Margerie, Hancourt, Somsois, en laissant sur place les éléments indispensables au secteur.

Les mouvements des détachements à transférer devaient commencer le 19 juillet.

Dans la nuit du 19, les troupes italiennes et françaises qui avaient participé à la reprise-offensive, vaquaient au ratissage et à l'organisation du terrain conquis.

Des bombardements intermittents mais violents auxquels étaient mêlés des tirs à gaz toxiques, s'abattaient sur les premières lignes, sur les pentes sud de la côte 240, sur Clairizet, sur le bois des Grands Savarts, sur celui de Fourches et sur le Pâtis d'Ecueil.

Au nord de l'Ardre fût organisée l'installation des troupes, prévue par ordre de la 2ème division coloniale; toutefois le 75ème régiment d'infanterie italien et le LXème bataillon du génie italien remplacèrent, à la bataille du bois de Fourches, le I/86ème français lequel, à son tour, prit la place du 75ème sur le flanc de Courmas.

Le général Mordrelle, averti que dans la zone Le Cadran - Courtagnon était arrivée une des deux divisions du XXIIème corps britannique(la 62ème) et que la CLXXXVIIème brigade de la division avait été mise à sa disposition comme réserve, ordonna qu'elle se déplace dans la zone de Chamery, Nogent, Montchenot.

Sur le front de la 2ème division coloniale et de la 120ème division il n'y eut pas, pendant la journée du 19, d'événements dignes d'intérêt. Les deux divisions s'appliquèrent à la réorganisation des troupes et à perfectionner l'organisation des secteurs respectifs. Sur le front de la 14ème, par contre, fut continuée la reconquête méthodique de la deuxième position.

La résistance de l'ennemi parut, dans l'ensemble, discontinue et peu tenace. Les informations tirées des interrogatoires des prisonniers, des reconnaissances et de diverses sources concordaient dans les signes que l'adversaire se préparait à se replier.

Le général Berthelot télégraphia, en effet, à 18h., à ses corps d'armée :" un repli de l'ennemi sur notre front devient possible, il ne faut qu'il nous échappe. Sur tout le front doit être maintenu un très strict contact avec les patrouilles offensives et des "coups de sonde".

Peu après 19h. la prompte intervention de l'artillerie du corps d'armée dispersa la menace d'une attaque allemande appuyée par des " tanks" dans le bois de Courton.

Dans la matinée du même jour, 19, à Mareuil, près du siège du IIème corps d'armée, eut lieu une réunion à laquelle participèrent le commandant à la 5ème armé, celui du XXIIème corps anglais, ses divisionnaires, le commandant de la 14ème division française et le général Albricci. Au cours de cette réunion le général Berthelot présenta les critères à suivre pour l'entrée en ligne du XXIIème corps d'armée anglais et pour la continuation de la contre-offensive.

Selon les intentions du G.Q.G. français, l'entrée en ligne du XXIIème corps anglais ne devait pas avoir les caractéristiques du normal et graduel remplacement prévu dans un premier temps par le commandement G.A.C., mais celles d'une vraie et propre attaque, à effectuer à cheval sur l'Ardre et en direction générale de Fismes par tout le corps d'armée. L'action aurait été appuyée, à droite par I.C.A.C. qui aurait attaqué, avec des éléments de la 2ème division coloniale , renforcés par un groupe de trois bataillons italiens, les hauts plateaux au nord de Méry-Prémecy et à gauche, par le Vème corps, qui avec la 9ème division, aurait agi en direction de Champlat, Ville en Tardenois. Dans la journée du 19 les officiers anglais accomplirent les reconnaissances préalables nécessaires, assistés des officiers italiens et français et de guides qui les orientèrent sur les diverses positions, défenses, itinéraires etc.

Pour constituer le groupe des troupes italiennes destinées à agir avec la 2ème division coloniale furent désignés les bataillons : Ier du 76ème - Ier du 89ème (qui cessaient d'être sous la dépendance de la 120ème division) et le IIème détachement d'assaut. Avec ces unités (force totale environ 1300 hommes) fut constitué un régiment de manoeuvre, dont le commandement fut confié au commandant du 76ème d'infanterie.

Le soir, suite à la requête du commandant de la 2ème division coloniale, la brigade Napoli au complet (moins le I/76ème), deux compagnies mitrailleuses divisionnaires (2209ème et 2224ème) et le LXème bataillon du génie passèrent en réserve aux ordres directs du commandant de la 3ème division dans les bois de Courtagnon et de Montchenot, au sud de la route : ferme de Presle-Sermiers. Sur ordre du IIème corps d'armée le I/22ème colonial cessa lui aussi d'être à la dépendance tactique de la 120ème division et rentra dans la 2ème division coloniale, à la dépendance de laquelle furent placées aussi les quatre compagnies mitrailleuses de corps d'armée. Le 52ème d'infanterie, toujours à la dépendance de la 120ème division, se transféra de la zone des étangs de St. Imoges dans le bois de St Quentin à 2km. environ de Courtagnon, où commencèrent les travaux pour une ligne défensive entre Nanteuil et Courtagnon.

Pendant la nuit les deux divisions (62ème et 51ème) du XXIIème corps d'armée anglais s'établirent sur la ligne Courmas - lisière ouest du bois de Pourcy- Pourcy. Courton - Ruines. Sur la base de l'ordre d'opérations de la 5ème armée, la zone d'action du corps d'armée anglais était délimitée à droite par la ligne Onrézy - Ste Euphraise - Méry-Prémecy (toutes localités au I.C.A colonial) et à gauche par la ligne Paradis-Champlat - Ville en Tardenois (localités toutes au Vème corps d'armée français). Puisque, comme ligne de contact entre les deux divisions anglaises avait été choisi le cours de l'Ardre, la 62ème division dans son avancée aurait dû dépasser les troupes de la 120ème division française et de la 2ème division coloniale, qui étaient en ligne entre Ardre et Onrézy, tandis que la 51ème aurait dépassé, au sud de l'Ardre, les détachements de la 120ème et de la 14ème division.

Sur ordre du commandement de l'armée, quand l'attaque aurait rejoint les "objectifs minimaux" à côte 204, ouest de la côte 215, dos à ouest de Méry-Prémecy, créée à ouest de Aubilly, Montagne de Bligny, lisière ouest du bois "des Eclisses", Champlat, Cuchery, lisière est du bois de Rodemat, les unités de la 14ème division et de la 120ème devaient passer en réserve à la disposition du commandant de l'armée, se rassemblant : celles de la 14ème division, dans la zone Courton-Ruines-Pourcy, et celles de la 120ème division dans la région Courmas, Pâtis d'Ecueil.

Toute l'artillerie du IIème corps en position dans le secteur passèrent à la disposition du XXIIème corps, dont l'attaque n'aurait été, toutefois, précédé d'aucune préparation, mais seulement du normal tir de neutralisation et de contre-batterie, pendant son déroulement, l'action aurait été appuyée par le barrage mobile, avec des déplacements à vitesse moyenne de 100 mètres en 4 minutes. Le commandement de la 2ème division coloniale, qui, à droite du XXIIème corps britannique était chargé de la conquête des objectifs compris entre Vrigny et la crête à l'ouest d'Aubilly, envisagea l'emploi de deux groupes tactiques : l'un (groupe F), constitué du 24ème d'infanterie coloniale, du 43ème d'infanterie coloniale et du régiment italien de manoeuvre, avec la tâche de conquérir du terrain au nord de Vrigny, la côte 204 et le bois à l'ouest de la côte 204; l'autre (groupe D), formé du 23ème régiment d'infanterie coloniale et de deux bataillons du 104ème d'infanterie français, eut pour objectif le bois au nord de Ste Euphraise et le bois de la Vallotte.

Étant donné l'obliquité des fronts d'attaque des deux groupes tactiques et la divergence de la direction générale d'avancée de la division par rapport à celle du XXIIème corps anglais, le commandant de la 2ème division coloniale décida que les deux groupes devaient se mouvoir seulement quand les troupes anglaises auraient assez avancé pour garantir qu'un vide ne se soit pas créé entre les unités françaises et anglaises. A cette fin, une heure et demi après le commencement de l'attaque du XXIIème corps d'armée anglais, le 104ème d'infanterie (aile gauche du groupe D ), aurait dû déboucher du bois au nord-ouest de Onrézy, attaquer, en liaison avec les alliés, le bois de La Vallotte et continuer, ensuite, son avancée jusqu'à Ste Euphraise. Arrivé là, il aurait attendu que le commandant de la division donne l'ordre à tout le dispositif d'avancer.

Pour ce qui est des troupes italiennes, les 89ème et 90ème régiments d'infanterie reçurent l'ordre de rester sur leurs positions respectives, passant sous la dépendance directe du commandant de l'infanterie divisionnaire de la 2ème division coloniale; le régiment italien de manoeuvre reçut l'ordre de se déplacer dans la nuit et de rejoindre pour les premières heures du 20 juillet : avec le commandement du régiment le bois de Vrigny; avec le I/74ème le bois des Grands-Savarts; avec le 1/89ème et le IIème détachement d'assaut la partie est du bois de Vrigny.

En réalité le régiment - entravé dans son mouvement par les unités anglaises, elles aussi en marche pour prendre leurs places respectives dans le déploiement pour la bataille - fût obligé d'effectuer son transfert en plein jour à travers un terrain découvert. Après Ville-Dommange il fut, en effet, martelé par les tirs d'artillerie, chargés même à gaz, qui lui causèrent de lourdes pertes et l'obligèrent à ralentir tellement le mouvement, que seulement vers 12h. il pût rejoindre le lieu de déplacement indiqué.

Le commandant du régiment de manoeuvre, considérant que le 1/89ème , avec des effectifs assez réduits, avait subi les pertes les plus importantes, ordonna qu'il fut remplacé dans le déploiement d'attaque par le 1/76ème, duquel le 1/89ème prit la place au bois des Grands-Savarts.

Sur la base des ordres que le Commandement de l'infanterie divisionnaire diffusa le 20, le 1/89ème italien, le III/24ème et le III/43ème constituèrent la réserve du groupe tactique F. : le bataillon italien avec la tâche spécifique de se porter, dès qu'il en aurait reçu l'ordre, à l'orée sud du bois de Vrigny. Les autres deux bataillons du régiment italien, déplacés dans le bois de Vrigny, assumèrent la fonction de réserve du sous-secteur de la côte 240 et passèrent, avec le commandement du régiment, à la dépendance tactique de ce secteur, dans les limites, s'entend, à ce qui se référait à la défense du même secteur.

Le 89ème et le 90ème d'infanterie furent préavisés de se tenir prêts à avancer vers le nord pour réoccuper l'ancienne première position dès que l'action du régiment italien de manoeuvre l'aurait permis, et après l'ordre du commandant du groupe F.

Des quatre compagnies mitrailleuses de corps d'armée, une fut placée dans la région St.Lié, Heurtebise, les trois autres constituèrent un groupe divisionnaire, cantonné à Ville-Dommange dans l'attente d'être utilisé, tout ou en partie, à renforcer la ligne que le régiment italien de manoeuvre devait conquérir.

Sur le front des régiments de la brigade Salerno le 20, vers l'aube, de gros groupes d'ennemis tentent d'attaquer les occupants du petit bois à l'ouest de Onrézy, mais ils sont sanglantement repoussés; des patrouilles du 89ème d'infanterie, envoyées en reconnaissance offensive vers le village de St Euphraise, provoquent une vive réaction de la part de l'ennemi, qui se révèle équipé de nombreuses mitrailleuses et décidé à défendre jusqu'à l'extrême le terrain conquis.

A 8h., le XXIIème corps britannique commence l'attaque, précédée par le barrage mobile confié, en cette première phase, aux batteries du IIème corps qui s'employaient pour donner aux alliés toute l'aide possible.

Le commandement du secteur est passé - entre-temps - au XXIIème corps anglais qui, s'étant placé aux côtés du IIème corps italien dans la journée du 19, avait déjà reçu de ce dernier toutes les consignes nécessaires.

Le commandement du corps d'armée italien se déplacera, ensuite, le 22 juillet, à Arcis-sur-Aube.

La 62ème division se déplace avec les brigades CLXXXVII et CLXXXV en premier échelon (CLXXXVII à droite) et la CLXXXVI en deuxième. Sur la droite, le régiment de tête de la CLXXXVII brigade se déplace sur Bouilly et sur le parc de Commetreuil; à gauche un autre régiment pénétrant dans le bois de Reims cherche à battre les défenses de Commetreuil; Bouilly est occupée mais le château de Commetreuil, un vrai nid de mitrailleuses, résiste avec ténacité.

Plus au sud la CLXXXV brigade, au début clouée au sol par le barrage de l'artillerie ennemie, réussit ensuite à reprendre le mouvement, mais elle est bientôt arrêtée à nouveau par les nombreuses mitrailleuses placées aux lisières du bois du Petit-Champ et devant Cuitron et Marfaux. Avant midi, une contre-attaque organisée par les Allemands, au couvert dans le bois de Dix-Hommées, arrache aux anglais Bouilly. La CLXXXV brigade, épuisée, est remplacée par la CLXXXVI; un régiment réussit à s'infiltrer, à travers le bois d'Ecueil, vers le bois du Petit-Champ en occupant la lisière sud-ouest.

Vers 20h., une tentative des Anglais pour s'emparer des positions de Cuitron et de Marfaux venant du nord est nettement arrêtée par les mitrailleuses en position dans la corne sud-ouest du bois du Petit-Champ et sur l'éperon de Cuitron.

La 51ème division britannique, avec la droite appuyée à l'Ardre, dépasse, à son tour, la première ligne alliée; les régiments écossais avancent, dans un premier temps avec rapidité; sortant du bois de Courton ils s'efforcent de faire tomber, par encerclement, les défenses allemandes des centres de résistance de Marfaux, de Bullin et d'Espilly. Des rafales des mitrailleuses s'abattent sur les assaillants et peu à peu le mouvement ralentit.

L'artillerie ennemie réagit elle aussi avec véhémence battant en particulier la deuxième position et les arrières. Après-midi de nouvelles tentatives d'avancée n'ont pas une meilleure chance; au soleil couchant, les Allemands tentent de reprendre le terrain perdu :

Vers 19h., avec une suite de contre-attaques, ils cherchent à reprendre la lisière du bois de Courton. Au terme des combats le front se stabilise sur une ligne qui, d'un point à environ 400 m. au sud-ouest de Marfaux, passe par Bullin, Espilly, forme un saillant vers Nappes, plie vers sud-est à 400 m. au nord-est de Neuville-aux-Larris et à l'est de Paradis se relie à des éléments de la 9ème division française.

Sur le front de la 2ème division coloniale, à l'heure prévue, les deux bataillons du 104ème régiment d'infanterie français partent avec un bel élan à l'attaque et après un vif combat occupent leurs objectifs: d'abord, vers 10h. le bois de la Vallotte, et, dans le cours de l'après-midi, Ste Euphraise, capturant une centaine de prisonniers de la 86ème division et de la 50ème division - Au soir une compagnie du 1er bataillon du 86ème régiment d'infanterie, mise à la disposition par le commandant du 104ème, prend possession de Bouilly, évacuée pendant la nuit par les Allemands.

L'arrêt du XXIIème corps, avant qu'il puisse rejoindre son premier objectif, suggéra au général Mordrelle de ne pas donner suite aux actions prévues dans la zone du bois de Vrigny. Le même motif ne consentit pas que les troupes de la 14ème et de la 120ème division soient repliées, les dégageant de la fonction de défense de la ligne d'où était partie l'attaque anglaise.

Au soir, le commandement de la 2ème division coloniale ordonnait quelques modifications au déploiement des troupes dépendantes, de façon qu'elles assument un plus grand échelonnement en profondeur et aient un flanc de protection dans la zone boisée à gauche du même échelonnement, qui permette de prévenir les effets d'un éventuel retour offensif allemand de ce côté là.

En conséquence de ces ordres le 104ème français et le I/86ème auraient organisé la défense de Ste Euphrasie et le bois de la Vallotte en liaison vers Bouilly avec la CLXXXVIIème brigade britannique et vers Clairizet avec le I/90ème d'infanterie italien; le 23ème colonial aurait occupé, plus en arrière, la ligne: ferme de Heurtebise - tête de la tranchée de Courmas, se rattachant à celle déjà occupée: route de Courmas -Cuitron - lisière sud du bois du Petit-Champ; le I/22ème, en réserve divisionnaire à Chamery, se serait tenu prêt à rejoindre le bois de la Fosse pour contre-attaquer éventuellement en direction du sud-ouest.

Une compagnie du 90ème, la 4ème compagnie II/90 fut envoyée pour renforcer la défense de Courmas; elle se relia avec le 23ème régiment colonial vers le coin est du bois du Petit-Champ, avec les troupes anglaises près de la lisière sud-est du bois de Commetreuil.

Comme on l'a déjà écrit, le 19 juillet commence le mouvement des détachements de la 8ème division, qui devaient se déplacer dans la zone de St. Ouen. A 13h. tous les éléments furent transportés en camions à la Fère-Champenoise d'où, le jour suivant, ils furent partagés en quatre échelons sur l'itinéraire : Fère - Champenoise - Connantray - Montepreux - se portèrent par V.O. à Mailly-le-Champ; le 21, enfin, de Mailly ils rejoignirent les localités respectives de cantonnement.

Les détachements montés, les convois de ravitaillements, et les chariots, répartis en trois colonnes, commencèrent la marche le matin du 20 et en trois étapes, le long de la route : Avize - Villeneuve - Soudron - Vatry - Bussy - Lettrée - Dommartin - Soudé - Coole , rejoignirent eux aussi les localités respectives de cantonnement.

Les éléments qui après le 15 juillet étaient restés employés dans le secteur du IIème corps, se déplacèrent dans la zone de St. Ouen entre le 22 et le 24 juillet, une partie par chemin de fer, une partie avec camions et une partie, enfin, par voie ordinaire.

 

LE 2e CORPS D'ARMEE ITALIEN ET LES ÉVÉNEMENTS DU 21 AU 24 JUILLET 1918

 

LE CONCOURS DE LA 3e DIVISION AUX OPÉRATIONS DE LA 2e DIVISION COLONIALE DU 21 AU 24 JUILLET - RETRAIT DU FRONT DE LA 3e DIVISION ET SON RASSEMBLEMENT DANS LA ZONE DE VANAULT-LES-DAMES.

 

A 1h. environ du 21 juillet le Général Mordrelle reçoit l'ordre d'opérations n° 55 avec lequel la 5ème armée, confirmant les directives déjà données le 19 Juillet pour l'attaque, ordonne à la 2ème division coloniale, renforcée des bataillons italiens, au XXIIème corps anglais et au Vème corps français de persister sans arrêt dans l'action pour vaincre la résistance que l'ennemi, contraint d'abandonner la berge sud de la Marne, oppose encore entre la Marne et la cote 240.

A 10h.30 les troupes britanniques reprennent l'attaque, mais leurs progrès ne sont pas sensibles; la 2ème division coloniale limite son activité à l'envoi de fortes reconnaissances (du 23ème colonial) à la suite des troupes de la CLXXXVIIème brigade anglaise pour être tenue au courant du cours des opérations dans ce secteur, et à l'emploi sur tout le reste du front de patrouilles destinées à sonder les intentions de l'ennemi. Pendant l'attaque anglaise les Allemands ne cessent de bombarder la première ligne et les arrières. Même l'infanterie se montrent plutôt active, surtout vers les lisières du bois de Vrigny, où de nombreuses patrouilles sont repoussées par les feux croisés des troupes en ligne.

Aux tirs de l'artillerie alliée contre des groupements signalés vers le bois de Beneuil l'ennemi oppose le feu de ses groupes sur Vrigny, Ste Euphraise, bois de la Vallotte et sur Bouilly, causant des pertes très graves aux bataillons du 89ème et du 90ème régiment italien.

Dans l'après-midi le général Berthelot convoqua à Hautvillers les commandants du XXIIème corps britannique, du Vème corps français et de la 2ème division coloniale pour donner de nouvelles instructions pour l'exécution des opérations, directives qu'il confirma avec un nouvel ordre d'opérations, sur la base duquel l'extension de la zone d'action du XXIIème corps était réduite, déplaçant opportunément la limite nord-est du secteur.

Au commandant la 2ème division coloniale fût confié le commandement d'un regroupement constitué de sa division renforcée des bataillons italiens et de la 77ème division , de nouvelle affectation. Avec un tel regroupement le général Mordrelle devait attaquer le 22 juillet, à droite du XXIIème corps, les positions comprises entre la cote 240 et le bois du Petit-Champ, en se mouvant avec direction générale nord-ouest, et sans plus attendre que les troupes anglaises se portent à sa hauteur.

Le 37ème régiment d'artillerie "porté" passa à la dépendance de la 2ème division coloniale. Les commandants des divisions : 77ème d'infanterie et 2ème coloniale qui se rencontrèrent à Chamery, après avoir examiné la situation générale et celle particulière des troupes respectives, se sont mis d'accord sur l'impossibilité d'attaquer le 22 et sur la nécessité de différer l'opération au 23 juillet; en outre ils convinrent de la nécessité que la 2ème division coloniale devait prendre l'offensive au nord du Noron, seulement lorsque le 77ème aurait ratissé le terrain entre la pente sud du Noron et l'Ardre.

Le général Berthelot, auquel ces accords furent présentés, les approuva.

La journée du 22 juillet se passa donc dans ce secteur dans les préparatifs des opérations à accomplir le jour suivant.

A la 77ème division fût attribuée la partie du front délimité au sud par la ligne : lisières ouest des bois du Petit-Champ, de Rouvroy, d'Hyermont , de Dix-Hommées, de Houleux - confluent du Noron dans l'Ardre, lisière ouest du village de Treslon ligne de contact avec le XXIIème corps anglais, et, au nord, par la jonction: fermes d'Ecueil et de Heurtebise, Onrézy, Clairizet, bois de Ste Euphraise, bois 500 mètres à l'est de Méry-Prémecy-carrefour des routes - Méry - Prévecy - Rosnay et Bouleuse-Gueux- lisière ouest de Rosnay; à la 2ème division resta, en conséquence, confiée la zone au nord de cette dernière limite. Les deux bataillons du 104ème et le I/86ème, qui étaient en ligne dans le secteur assigné à la 77ème, y restèrent continuant, toutefois, de dépendre du commandement de l'infanterie divisionnaire de la division coloniale.

A la disposition de la 77ème division passèrent, par contre, avec l'artillerie française, le 4ème régiment d'artillerie italien (3 groupes de 75) et le XVIIIème groupe de 149 de notre 9ème regroupement.

En conséquence des ordres émis par le commandement de la 2ème division coloniale, le groupe tactique destiné à opérer sur le front (groupe F.) résulta, en définitive, constitué des régiments (dans l'ordre de nord au sud) : 24ème colonial, 43ème colonial, 23ème colonial, régiment de manoeuvre italien; au groupe fût assigné comme premier objectif la conquête de la lisière est du bois au nord-ouest de Vrigny, des carrières de la cote 171, de la cote 204, de la cote 215 (bois de Naveau) et de la butte à l'est de Méry-Prémecy.

Le IIème bataillon du 159ème régiment d'infanterie français (77ème division) fût placé provisoirement à la dépendance tactique du commandement de l'infanterie divisionaire de la 2ème D.I. coloniale et eut la tâche de conquérir le bois de Ste Euphraise, débouchant du village homonyme et se tenant en liaison avec le régiment italien de manoeuvre et avec le régiment à droite de la 77ème division (159ème).

La 2ème division coloniale disposait en outre des 89ème et 90ème régiments italiens; ainsi que, comme il a été dit, des deux bataillons du 104ème régiment d'infanterie et du I/86ème qui restaient pour défendre leurs positions respectives.

A 23h. le régiment de manoeuvre italien reçut du commandement de la deuxième division coloniale l'ordre des opérations pour le jour suivant. Le nouveau secteur assigné au régiment était délimité, à l'est, par la ligne: lisière ouest du bois de Naveau - côte 219 du bois de Vrigny (point de soudure sur la ligne de départ avec le 23ème d'infanterie colonial français; à l'ouest : corne est de Méry - Prémecy - lisière ouest du bois de Ste Euphraise (point de contact avec le II/159ème français).

L'objectif à conquérir était la cote qui, du bois de Naveau descend sur Méry-Prémecy. Le déclenchement de l'infanterie fut fixé pour 11h., après 1h. de préparation d'artillerie. Par la suite, toutefois, la préparation fut supprimée et, par contre, il fût établi qu'à la dite heure l'infanterie devait se mouvoir, résolument, précédée par le tir de "barrage roulant" à raison de 100 mètres toutes les 4 minutes.

A l'aube du 23 juillet, le régiment avait assumé l'échelonnement des attaques, détachement d'assaut en premier échelon sur la ligne de surveillance, environ 100 mètres avant la ligne de départ; Ier bataillon du 76ème et Ier du 89ème derrière, en deuxième échelon, à une distance d'une paire de centaines de mètres, opportunément fractionnés pour utiliser les couvertures du terrain.

A 11h. le détachement d'assaut bondit à l'attaque et dépasse en volée les défenses avancées de l'ennemi qui, surpris par l'impétuosité de l'action abandonne précipitamment; le I/76ème et le I/89ème suivent l'impétuosité du bataillon d'assaut serrant sur lui. Les défenses allemandes successives, soigneusement organisées et munies de barbelés, se déroulent le long de la route Méry-Prémecy- Gueux. L'attaque des fantassins d'Italie se déverse irrésistible sur elles. Dans les baraquements environnant la ferme de Méry-Prémecy et dans la caverne existant dans la localité sont capturés quelques officiers du commandement du secteur et ceux d'un poste de secours. Tombent dans nos mains, après une âpre lutte corps à corps, 3 canons de 77 mm., et on récupère un canon français.

Tandis que le détachement d'assaut et le I/76ème réalisent ces succès, à gauche le Ier bataillon du 89ème dépasse la première ligne ennemie, mais, bien que protégé sur le flanc gauche par le feu des mitrailleuses du IIème bataillon du 89ème, il est contraint de faire face vers le bois de Ste Euphraise, d'où partent de violentes et précises rafales des mitrailleuses.

Ni la réaction très intense de l'artillerie, ni celle des mitrailleuses, ni la tenace résistance de l'adversaire ralentissent la fougue des nôtres, qui, à 13h.30 avec une avance de 45 minutes sur l'heure fixée, précédant de même le "barrage roulant " , rejoignent sur tout le front les objectifs qui leur étaient assignés. Dans le bois de Naveau ils trouvent et établissent la liaison avec le 23ème régiment colonial qui, tirant bon profit de l'heureuse action italienne, avait vaillamment conquis ses propres objectifs.

Dans l'ensemble, la ligne rejointe par les troupes de la 2ème division coloniale au terme du combat était, approximativement, la suivante : cote 134 - cote 153 - route Vrigny - ferme de Méry - limite sud-est de la côte 211 - route qui de Gueux va à la ferme de Miry, lisière sud du bois Naveau - butte à l'ouest de la ferme de Méry, bosquet de la cote 123 (aile gauche du I/89e italien). De cette localité vers Ste Euphraise il y a un vide : le II/159ème français, cloué au sol par le tir des mitrailleuses placées dans les bois de Ste Euphraise et de Beneuil, n'a pas réussi à déboucher du village. La défense allemande exploite la situation qui s'est créée dans ce secteur, pour battre en biais et en revers la ligne tenue par le régiment de manoeuvre italien.

Pour parer la menace de ce côté, le commandant du régiment demanda à plusieurs reprises des renforts. A 18h. fût mise à sa disposition une compagnie du 90ème d'infanterie (Ière du I/90ème) et avec elle il eut le moyen de relier la gauche du 1er bataillon du 89ème avec la ligne de départ tenue par le II/89ème.

Le commandant de l'infanterie de la 2ème division coloniale, se félicitant des résultats obtenus par nos troupes, ordonna au commandant du régiment de manoeuvre de tenir solidement la défense de la côte 196 et de barrer avec efficacité le petit vallon de la ferme de Méry; entre-temps il lui annonce l'envoi de deux compagnies de mitrailleuses de corps d'armée.

A sud, la 77ème division française avait réussi seulement de s'emparer du parc de Commetreuil et de la lisière ouest du bois du Petit-Champ. A 20h., après un bombardement d'une violence inouïe, sur le front de la 2ème division coloniale les Allemands déclenchèrent des contre-attaques réitérées : à gauche, pris sous le feu meurtrier de la défense, ils ne réussirent pas à avancer; au centre ils furent repoussés après de très violents corps à corps, à droite les tirailleurs sénégalais du LXIVème bataillon, qui pendant l'attaque avaient rejoint la route encaissée à l'ouest de Vrigny, ayant été décimés et ayant perdu presque tous leurs officiers furent obligés de se replier sur les positions de départ. L'adversaire n'insista pas plus loin dans ses attaques. Le commandant du régiment italien de manoeuvre, environ à 24h., reçut les renforts préannoncés, auxquels fut ajoutée une troisième compagnie de mitrailleuse de corps d'armée et un bataillon du 79ème régiment d'infanterie français: il décida que deux compagnies françaises occupent le tronçon du front compris entre le bois de Naveau et la cote 196, qu'une troisième compagnie française se déplace en renfort à la ferme de Méry-Prémecy avec les restes du I/76ème, et que les compagnies de mitrailleuses italiennes prennent position dans le tronçon du front compris entre l'extrême gauche du bataillon du 79ème français et la droite du I/89ème, de façon à constituer une fortification qui interdise les approches ennemies de Méry-Prémecy.

Le deuxième détachement d'assaut italien, qui dans l'après-midi, rejoint les objectifs, était passé en position arrière, fût retiré de la ligne et acheminé vers Ofry.

Un nouvel ordre de la 5ème armée, promulgué à 19h., rétrécissait encore le secteur confié au XXIIème corps d'armée anglais et augmentait celui assigné au regroupement Mordrelle, auquel il destinait deux autres divisions: la 168ème et la 120ème.

Avec un ordre particulier l'armée disposait, en outre, que la troisième division italienne se réunisse au sud de la Marne dans la zone : Oiry, Plivot, Bisseuil, Athis-Cherville, Jalons, Champigneul-Champagne, Les-Istres et Bury, Flavigny. Les éléments de la division qui n'étaient pas engagés dans la bataille devaient se mettre en mouvement pour rejoindre les dites localités le soir du 24 juillet, les autres suivraient dès que possible. Les éléments italiens chargés de la défense des ponts sur la Marne auraient été remplacés tout de suite par des éléments du XXIIème corps d'armée anglais.

La journée du 24 s'écoula assez calme sur le front de la 2ème division coloniale. La situation du 23ème d'infanterie coloniale et du régiment italien apparaissait toutefois assez précaire : en fait, il n'avait pas été possible de conquérir, d'une part, le bois de Ste Euphraise, et de l'autre, la côte 211. De cette côte l'ennemi battait en enfilade toute la ligne; des troupes allemandes entassées à sud de Janvry faisaient penser comme imminente une contre-attaque qui, débouchant de la route de la côte 171 en direction du petit vallon de la ferme de Méry aurait prise à dos notre défense. L'ensemble de cette situation conseilla donc au commandement de la division de reculer la ligne à l'est de l'étang de Méry; le recul fut effectué pendant la nuit du 24 au 25 juillet. Au sud, la 77ème division lutta toute la journée pour la conquête du bois de Dix-Hommées, mais les Allemands réagirent vivement, avec même des contre-attaques heureuses, et le front, enfin, s'établit sur la ligne : chemin, Bouilly,Chaumuzy, lisières ouest des bois de Hyermont, de Rouvroy et du Petit-Champ. A ces actions participèrent activement et avec succès les groupes du 4ème régiment d'artillerie italien. Les T.S. du IIème corps d'armée (exception faite du IIème détachement d'assaut et des compagnies mitrailleuses) terminèrent le mouvement commencé par voie ordinaire le 22, rejoignant la zone de Arcis-sur-Aube.

Dans l'après-midi du même jour le commandement de la 3ème division, quitta Sermiers, se transféra dans le château des Marais, près d'Athis, tandis que la brigade Napoli, la 148ème compagnie télégraphistes et le LXème bataillon du génie commençaient la marche le long de l'itinéraire : Cadran, Champillon, Malmaison, Ay, Mareuil, pont de Mareuil, carrefour à l'ouest de Oiry, pour se rendre dans la zone Oiry, Athis, Flavigny.

Le 9ème regroupement P.C. resté en ligne à sa requête et employé encore le 23 juillet à la dépendance du regroupement Mordrelle, laissa ses emplacements dans la nuit du 24 juillet et faisant étape le même jour à Voipreux et le 25 à Haussimont, rejoignit le 26 la zone de repos (Montsuzain ,Voué, St Rémy).

L'entrée en ligne, entre la 77ème division et la 2ème division coloniale, de la 168ème division, permit de remplacer, dans la nuit du 24 au 25, les détachements italiens encore à disposition de la 2ème division coloniale. Le régiment italien de manoeuvre se dissout : le I/76ème et le I/89ème rentrèrent dans leurs régiments respectifs. Le 89ème et le 90ème d'infanterie furent envoyés dans la région de Cadran, d'où, le 25 juillet, ils se portèrent par V.O. dans la zone d'Epernay.

Dans la même journée le 2ème détachement d'assaut et les quatre compagnies mitrailleuses de corps d'armée retournèrent à la dépendance directe du commandement du IIème corps; le détachement d'assaut de Oiry alla, en train, à Arcis-sur-Aube, et le 27, en camion, à Premierfait; les compagnies mitrailleuses, acheminées avant à Cuis et Cramant, le jour 27 rejoignirent, en camion aussi, Viapre-le-Petit, dans la zone de Arcis-sur-Aube

Le 26, la 3ème division commença le mouvement pour se transférer dans la zone qui, par ordre de l'armée, devait être sa zone de rassemblement définitif (St Quentin, les Marais, Bassuet, Vanault le Châtel, Bussy le Repos, Contaut-le-Maupas, St. Mard sur le Mont, Charmont, Villers le Sec, Heiltz le Maurupt, Jussécourt, Le Buisson sur Saulx, Dompremy, Haussignémont, Favresse, St. Etienne, Vitry en Perthois).

Les éléments à pied effectuèrent le transfert au moyen d'autocolonnes; ceux montés, les chariots, le train accomplirent la marche en deux étapes (1ère étape: L'Épine - St Memmie - Courtisols - St Martin; 2ème étape: zone de Vanault-les-Dames).

Le 4ème régiment d'artillerie, dont la mission au front avait été assumée par l'artillerie divisionaire de la 158ème, se dirigea directement au sud de la Marne. En deux étapes (Athis et Courtisols) rejoignit, le 28 juillet, les cantonnements de Possesse et Charmont.

Aussi dans la journée du 27 juillet le 64ème régiment de marche, les bataillons complémentaires des brigades et les derniers éléments du corps d'armée rejoignirent leurs logements respectifs près de Arcis-sur-Aube.

Le IIème corps italien, décimé et fatigué, était désormais recueilli dans la zone de repos et de réorganisation.

Les Autorités civiles et militaires, françaises et italiennes en avaient exalté la valeur indomptable; ses rescapés, fiers du devoir accompli, se préparent, avec une volonté tenace à de nouvelles épreuves.

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