Journée du 13 septembre 2008, Craonne

Journée du 20 septembre 2008, Sommepy

Journée du 27 septembre 2008, Bellicourt

Journée du 04 octobre 2008, Cambrai

Journée du 11 octobre 2008, Laon

SITUATION D'ENSEMBLE AU DÉBUT OCTOBRE 1918

Merci à la personne qui nous a transmis ce texte extrait de "La Guerre racontée par nos Généraux", édité par la Librairie Schwarz, en 1921

Texte du Maréchal Fayolle

 

Les résultats acquis depuis le début des offensives d'ensemble jusqu'aux premiers jours d'octobre étaient considérables.

Entre la Meuse et l'Argonne, la Ire armée américaine avait enfoncé les positions ennemies sur une profondeur d'une douzaine de kilomètres, puis, elle avait dû s'arrêter pour remettre de l'ordre dans ses arrières.

Notre IVe armée, gênée par le mauvais temps et se heurtant à une résistance opiniâtre, avait également marqué un temps d'arrêt. Néanmoins, elle ne cessait pas de presser l'ennemi, de le harceler par des actions locales et de lui arracher des positions favorables à la reprise d'une offensive de grande envergure.

Sa ténacité ne devait pas tarder à porter ses fruits. Dès le 4 octobre, en effet, l'ennemi menacé sur ses deux flancs, d'une part par l'avance de la IVe armée du côté de Sommepy, d'autre part, par celle de la Ve armée du côté de Saint-Thierry, allait se mettre en retraite et évacuer la poche que nous avons déjà signalée entre le fort de la Pompelle et la ligne Suippe-Arnes.

La Xe armée, qui avait les yeux fixés sur Laon, était admirablement placée, après son avance sur le plateau de la Malmaison, soit pour faire tomber la défense du massif de Saint-Gobain, soit pour dégager les plateaux entre Aisne et Ailette.

Les armées britanniques et notre 1re armée avaient enfoncé la ligne Hindenburg, délivré Saint-Quentin et atteint les faubourgs de Cambrai.

Le groupe de Belgique avait conquis la crête des Flandres et était arrivé devant Roulers. Il n'attendait, pour reprendre son offensive en direction de Gand, qu'un ciel plus clément et aussi que la réfection des routes lui permît de recevoir régulièrement ses ravitaillements.

Depuis le 26 septembre, l'ennemi avait laissé entre les mains des Alliés prés de 60.000 prisonniers et un très grand nombre de canons et de mitrailleuses.

Entre temps des événements décisifs étaient survenus dans les Balkans et en Asie.

L'armée d'Orient, sous le commandement du général Franchet d'Espérey, avait rompu, le 15 septembre, le front de Macédoine et poursuivi l'ennemi divisé dans les directions de la frontière bulgare et du Danube.

Le 27, la Bulgarie avait demandé un armistice, et, le 29, ses plénipotentiaires acceptaient à Salonique toutes les conditions des Alliés.

D'autre part, du 19 au 21 septembre, les Anglais avaient culbuté le front de Palestine entre le Jourdain et la mer ; poursuivant les débris de la meilleure armée turque, ils remontaient vers le nord en direction du chemin de fer de Bagdad. Ces défaites devaient entraîner à bref délai la soumission de la Turquie et de l'Autriche dont la situation intérieure était devenue fort critique.

L'Allemagne en même temps qu'elle assistait à l'écroulement de son front de France, entrevoyait ainsi son isolement prochain et la défaite finale lui apparaissait comme inévitable. C'est à ce moment que le Vorwaerts écrivait : " L'Allemagne combat maintenant le dos au mur et la mort devant elle ".

Aussi entreprit-elle dès lors ses manœuvres politiques dans le but d'atténuer le désastre qui la menaçait, en se raccrochant au programme de paix du Président Wilson et au projet de la Société des Nations.

D'autre part, la révolution commençait à l'ébranler à l'intérieur. Déjà la presse d'outre-Rhin proclamait " qu'un gouvernement populaire devait remplacer l'oligarchie militaire et faire la paix aussi vite et aussi bien que possible ". Hertling ayant démissionné, une combinaison soi-disant démocratique faisait du prince Max, héritier du grand-duché de Bade, un chancelier d'Empire chargé " de rendre au monde : une paix fondée sur la ligue des Nations et le désarmement général ".

Quoi qu'il en soit, le 3 octobre, Ludendorf, mesurant l'extrême gravité de la situation, faisait proposer à son gouvernement, par le maréchal Hidenburg, d'ouvrir immédiatement des négociations en vue d'un armistice.

Deux jours après, le 5, l'Allemagne, l'Autriche et la Turquie déclaraient se rallier au programme de paix mondiale formulé, en quatorze articles, par le Président Wilson dans son message du 8 janvier 1918.

- L'Allemagne offrait la paix sur la base de ce programme et incitait le Président Wilson à se transformer de belligérant en arbitre.

En même temps, pensant effrayer les Alliés par la perspective d'une guerre à outrance, elle les menaçait, par la voix de Rathenau, " l'industriel idéaliste ", d'une levée en masse de sa population.

Mais le maréchal Foch entendait bien exploiter à fond les avantages acquis par les Alliés et obtenir l'ultime décision dans des conditions telles que l'Allemagne ne fût plus jamais tentée de troubler la paix du monde.

Où en était l'armée allemande après ses défaites de la fin de septembre ?

Au 1er septembre, elle comptait sur le front de France 199 divisions , dont 68 en réserve. Elle avait donc encore à cette époque la possibilité de manœuvrer.

Treize divisions ayant été supprimées dans le courant du mois, elle ne disposait plus, au 1er octobre, que de 186 divisions, dont 31 en réserve, et ceci malgré le raccourcissement du front résultant de la réduction de tous les saillants et du redressement général entre Verdun et la mer du Nord.

A la vitesse à laquelle leurs divisions s'usaient, il était clair que vers le milieu de novembre, les Allemands n'auraient plus aucune disponibilité.

Ces divisions étaient d'ailleurs de valeur fort inégale.

On se rappelle qu'en vue de la grande offensive du printemps, celle qui devait obliger l'Entente à imposer la paix, les Allemands avaient constitué des divisions d'élite en prélevant sur la totalité de leurs unités les éléments les meilleurs, les plus vigoureux, les plus expérimentés.

Or, ces divisions d'élite, qui avaient exécuté toutes les attaques visant à rompre le front occidental, avaient fondu sur les champs de bataille de Picardie, du Kemmel, du Soissonnais et de la Champagne.

Non seulement elles n'avaient pas obtenu la décision de la guerre, mais leur création avait singulièrement réduit la valeur combative des autres unités, au moment où l'initiative des opérations changeant de camp, celles-ci allaient avoir à supporte:r les plus rudes assauts.

La capacité de combat des divisions allemandes se trouvait donc très inégale et si les débris des divisions d'élie devaient faire preuve jusqu'au dernier jour de la lutte d'une bravoure et d'une ténacité remarquables, les autres divisions, formées d'éléments de valeur médiocre, fatiguées et démoralisées, nous ont abandonné au cours de nos attaques successives des milliers de prisonniers.

Au cours des dernières offensives, on avait vu pour la première fois des unités constituées se rendre en bloc. Toutes les correspondances, tous les carnets recueillis sur les morts ou saisis sur les prisonniers laissaient voir, aussi bien chez les combattants que dans la population, une grande lassitude morale, la certitude de la défaite finale et un ardent désir de paix.

Or, tandis que la décadence de l'armée allemande allait se précipitant, les Alliés voyaient croître de jour en jour leur supériorité morale, numérique et matérielle.

Vers le 10 octobre, le nombre de leurs divisions atteignait le total de 205, dont 88 en réserve. Les Américains débarquaient à raison de 300.000 hommes par mois et leur effectif en France au 1er octobre approchait de 1.800.000 hommes

Il fallait donc frapper encore, frapper inlassablement et ne laisser à l'ennemi aucun répit. Aussi le maréchal Foch prescrivait-il " de mener la bataille avec la dernière énergie et d'en assurer la conduite personnelle et agissante sur le terrain ".

De son côté, le général Pétain invitait chacun " à regarder au delà de sa propre situation et à se convaincre qu'aucun effort ne serait fait en pure perte, la victoire devant rester au plus tenace ".

Les opérations qui se déroulent en octobre ne sont, en somme, que la continuation, la reprise ou bien l'exploitation des offensives d'ensemble commencées en septembre.

Elles se développent simultanément, de sorte qu'elles apparaissent comme une poussée générale des armées alliées depuis Verdun jusqu'à la mer du Nord, poussée tendant, comme on l'a vu précédemment, à acculer le gros des armées ennemies au massif des Ardennes.

Dans le détail, ces opérations exercent des répercussions les unes sur les autres, ou bien elles se combinent de façon à s'appuyer mutuellement.

On peut les classer de la manière suivante :

 

1° L'ennemi se replie en Champagne, entre l'Argonne et Reims, et ce recul s'étendant bientôt jusqu'à l'Oise, nos IVe, Ve et Xe armées exécutent une vaste manœuvre d'exploitation dans les directions de Vouziers, Sissonne, Laon et la Serre, jusqu'au moment où l'ennemi se fixe sur la position Hunding-Brunehilde, jalonnée par l'Aisne, Sissonne et la Serre.

En même temps que la manœuvre d'exploitation ci-dessus se développe, l'armée américaine reprend l'offensive, d'abord sur la rive gauche de la Meuse et ensuite par les deux rives, en vue d'aborder la charnière est des positions de repli de l'ennemi.

3° Les armées franco-britanniques poursuivent leur offensive autour de Cambrai et en avant de Saint-Quentin.

Dans sa directive du 10 octobre, le maréchal Foch fait remarquer que sur trois directions convergentes l'exploitation est en cours :

A gauche, en Belgique, au delà d'Ypres, vers Gand ;

au centre, en avant de Cambrai et de Saint-Quentin, vers Landrecies ;

à droite, sur le front Aisne-Meuse, en direction générale de Rocroi.

La plus avantageuse à exploiter est celle du centre. Il prescrit, en conséquence, de la poursuivre avec le maximum de forces vers Avesnes et Maubeuge.

En même temps, il organise aux ailes deux manœuvres latérales : l'une qui sera exécutée par les forces britanniques en combinaison avec le groupe de Belgique, en vue de dégager la région de Lille ; l'autre qui sera exécutée par les IVe, Ve et Xe armées françaises, et qui aura pour . premier objectif de faire tomber la ligne de la Serre.

Ces opérations déterminent le repli de l'ennemi sur la position Hermann, où la bataille s'allumera de nouveau au début de novembre.

 

 

REPLI DE L'ENNEMI ENTRE ARGONNE ET OISE

( 4 au 15 Octobre 1918 )

 

Menacé, comme nous l'avons vu précédemment, sur les deux flancs de son front de Champagne :

à l'est, par les progrès de la IVe armée (bataille de Sommepy), à l'ouest., par ceux de la Ve armée (bataille de Saint-Thierry), l'ennemi se décide à rectifier son front. Le mouvement

se fera en deux bonds.

Le premier l'amènera sur la ligne , Suippe-Arnes ; c'est l'évacuation de la poche qui s'étend entre ces deux cours d'eau, et le fort de la Pompelle.

Le deuxième, s'étendant à l'ouest, le conduira d'une part jusque l'Aisne, de Vouziers à Château-Porcien, d'autre part jusque sur la Serre.

4 - octobre. - Le mouvement de repli commence le 4.

Ce jour-là, la IVe armée occupe à droite Monthois et arrive en face de Semide ; au centre, elle dépasse Saint-Souplet et Dontrien.

5 octobre. - Le 5 la retraite de l'ennemi se développe sur une immense étendue, de Berry-au-Bac à Saint-Etienne-à-Arnes. Nos IVe et Ve armées le poursuivent et gagnent plus de 6 kilomètres. Dans cette seule journée, les Allemands nous abandonnent les massifs de Nogent-l'Abbesse et de Moronvilliers et nous réoccupons les forts de Reims (Brimont, Vitry-les-Reims, Vigie de Berru). La ville est enfin dégagée.

A la nuit le front passe par Bourgogne, Beine et Saint-Clément-à-Arnes.

Dans les journées suivantes, en vue d'empêcher les Allemands de se rétablir sur la ligne Suippe-Arnes, la IVe armée fait porter ses efforts sur l'Arnes, de Saint-Clément à Saint-Etienne, tandis que la Ve agit sur la basse Suippe, entre Berry-au-bac et Bezancourt ; mais l'ennemi dispute avec opiniâtreté les positions qui couvrent le passage de ces deux rivières.

6 octobre. - Le 6, la gauche de la IVe armée arrive sur l'Arnes, à Pont-Faverger et la droite de la VP dépasse Bourgogne et Pomacle.

7 octobre. - Le 7, la Ve armée livre de violents combats au sud d'Auménaucourt, de Bazancourt et d'Heutrégiville, localités qui se trouvent sur les routes allant de Reims à Neufchâtel-sur-Aisne, à Rethel et à Attigny (voie romaine).

8 octobre. - Le 8, la IVe armée attaque en forces en direction de Cauroy et de Machault ; elle s'empare de Saint-Etienne, de Saint-Pierre et Saint-Clément, trois gros points d'appui sur l'Arnes et les dépasse de plus de 4 kilomètres, tandis que la Ve emporte Bazancourt, sur la Suippe.

A ce moment, le Général Pétain, prévoyant que le recul de l'ennemi devant le G. A. C. se poursuivra et même, selon toute vraisemblance, s'étendra vers l'ouest devant le G. A. R., ordonne à la Ve armée d'agir par son centre en direction d'Amifontaine, de façon à déborder par l'est le massif de Craonne et le Chemin des Dames. En même temps, la Xe armée attaquera sur tout son front, en direction de Laon.

10 octobre. - Le 10, en effet, les Allemands, à la gauche de la Ve armée, se retirent derrière le canal entre l'Ailette et l'Aisne, de Braye à Oeuilly.

11 octobre - Le 11, ils abandonnent l'Arnes et la Suippe jusque vers Bazancourt et reculent jusqu'au delà de Machault.

Ce même jour, devant le front de la Ve armée, continuant le mouvement commencé la veille, ils remontent jusqu'à Courtecon et Chaudardes, dans la direction de Craonne.

12 octobre. - Le lendemain 12, le mouvement de retraite prend toute sont étendue, il se propage de l'Argonne à l'Oise.

Devant la IVe armée, le recul est de 15 à 20 km et nos troupes arrivent en face de Vouziers, Attigny et Rethel.

A la Ve armée, nous dépassons la Suippe, la Retourne et franchissons l'Aisne à Neufchâtel ; plus à l'ouest, à la fin de la journée, nos avant-gardes sont arrivées au delà de Craonne et de Montbérault.

De son côté, la Xe armée après avoir forcé le passage de l'Ailette, pousse sa droite jusqu'à quelques kilomètres de Laon et par sa gauche dépasse la forêt de Saint-Gobain.

13 octobre - Le 13, la IVe armée entre à Vouziers et vient border l'Aisne, d'Attigny à Rethel.

La Ve atteint la Malmaison et les abords du camp de Sissonne.

La Xe réoccupe Laon à droite, la Fère à gauche, et elle progresse d'une dizaine de kilomètres au delà de Laon sur les routes qui mènent à N.-D.-de-Liesse et à Marle.

14 et 15 octobre. - Le 14 et le 15, la Ve armée dépasse le camp de Sissonne et atteint Nizy-le-Comte, tandis que la Xe refoule l'ennemi jusque sur la Serre.

A ce moment un arrêt se produit. Nos armées ont gagné, en dix jours, de 20 à 30 kilomètres en profondeur sur l'immense front allant de l'Oise à l'Argonne.

D'autre part . les Allemands ont atteint la position Hunding-Brunehilde, appuyée à la Serre et à l'Aisne. Ils n'en seront délogés que plus tard par l'action combinée des armées alliées agissant en équerre : armées britanniques et Ire armée française sur le front ouest, armées françaises et américaines sur le front sud de ce que nous avons appelé la grande poche de France.

 

 

REPRISE DE L'OFFENSIVE FRANCO-BRITANNIQUE (8 - 5 Octobre 1918)

 

Au début d'octobre, la bataille reprenait avec violence entre Cambrai et Saint-Quentin, et les IIIe et IVe armées britanniques portaient à l'ennemi " les coups vigoureux " annoncés quelques jours auparavant par le maréchal Haig.

8 octobre. - Le 8, dans un superbe élan, la IIIe armée franchit la ligne Hindenburg et vient border la route de Cambrai à Guise, entre Forenville et Serain.

Plus au sud, la IVe armée atteint Brancourt-le-Grand.

]De son côté, la Ire armée française poursuit ses attaques dans le couloir compris entre le canal de Saint-Quentin et celui de l'Oise.

Là se trouve le sommet de l'équerre que le front ennemi dessine entre Verdun et la mer ; aussi cette armée se heurte-t-elle à une résistance opiniâtre. Néanmoins, au prix de durs combats, elle progresse jusqu'aux abords de Fontaine-Uterte et enlève Rouvroy.

Dans cette journée du 8, l'ennemi avait perdu 10.000 prisonniers et 200 canons.

Plus au nord, dans la nuit du 8 au 9, la Ire armée britannique s'emparait de Ramillies, au nord de Cambrai ; elle y franchissait le canal de l'Escaut, s'avançait au delà et commençait l'encerclement par le nord de la ville, déjà débordée par le sud.

Devant cette menace, l'ennemi se hâtait d'évacuer Cambrai et les troupes anglaises y faisaient leur entrée au petit jour. Dans leur rage de destruction, les Allemands avaient préparé la ruine de la ville et quelques heures plus tard se produisaient les premières explosions de mines et s'allumaient des incendies provoqués par des engins à retardement.

9 octobre. - Dans la journée du 9, la XVIIe armée allemande (Otto von Below), la IIe (von Marwitz), la XVIIIe (von Hutier), battaient en retraite sur toute la ligne depuis la Sensée jusqu'à l'Oise, poursuivies par les avant-gardes britanniques et françaises.

Au nord Cambrai était dépassé de plusieurs kilomètres et les Anglais arrivaient devant Carniéres; au centre, ils enlevaient Clary et marchaient sur le Cateau ; sud, ils réoccupaient Bohain.

A leur droite, la Ire armée française progressait de 6 à 8 kilomètres et portait son front au delà de Fonsomme et de Marcy.

10 octobre. - Le 10, le mouvement en avant se poursuivit entre la Sensée et l'Oise. A la fin de la journée, au nord, les Britanniques bordaient la Sensée de Fressies à Faillencourt ; au centre, ils avaient atteint les abords du Cateau.

Plus au sud, la Ire armée française était arrivée sur l'Oise qu'elle tenait de Moy à Mont-d'Origny.

En trois jours, nous avions récupéré une vaste portion de notre territoire s'étendant, d'une part entre Cambrai et Moy, entre Mont-d'Origny et le Cateau d'autre part.

 

11 au 15 octobre. - Du 11 au 15, les troupes franco-britanniques gagnaient encore du terrain et refoulaient l'ennemi jusque sur la position Hermann où il allait essayer de se rétablir.

De ce côté, les buts fixés par le maréchal Foch, dans sa note du 30 août, et sa directive du 3 septembre, étaient donc atteints et même dépassés. Il n'était plus question de la ligne Hindenburg, et le maréchal, par la nouvelle directive du 10 octobre, allait faire entrer les opérations dans une nouvelle phase en faisant coopérer la gauche britannique au dégagement de Lille et la Ire armée française au débordement de la position Aisne-Serre.

La tâche libératrice accomplie depuis le 26 septembre par le groupe franco-britannique était déjà magnifique et le général Debeney, auquel était confiée la rude mission d'opérer dans le couloir Somme-Oise, où il devait se heurter à la plus opiniâtre résistance, pouvait dire à son armée :

" En douze jours de lutte acharnée, vous avez, à côté de nos alliés britanniques, rompu la fameuse position Hindenburg et les Allemands vaincus ont dû abandonner le champ de bataille de Saint-Quentin, laissant entre nos mains plus de 5.000 prisonniers.

" Vous avez supporté de dures fatigues, mes camarades, pendant deux mois de combats et de stationnement dans une région méthodiquement dévastée ; mais le spectacle de nos pauvres villages en ruines, de nos arbres mutilés, de nos maisons minées et pillées, en soulevant votre indignation, a décuplé vos forces..,

" Vous l'avez prouvé, la force est passée au service du droit et l'heure de la justice va enfin sonner, l'heure qui est marquée depuis quarante-huit ans au clocher de Strasbourg. En avant ! "

 

RÉSUMÉ DES OPÉRATIONS D'OCTOBRE 1918

 

D'une façon générale, le mois d'octobre a été consacré, sur les deux faces ouest et sud de la grande poche que le front allemand dessinait en France, à l'exploitation des batailles victorieuses livrées par les Alliés pendant les derniers jours de septembre ou le commencement d'octobre, pour le percement de la ligne Hindenburg.

Pendant la première quinzaine du mois, sur la face sud, de la Meuse à l'Oise, à la suite des attaques franco-américaines (batailles de Montfaucon, de Sommepy, de Saint-Thierry), l'Argonne a été dégagée ; nous sommes venus border l'Aisne, de Vouziers à Château-Porcien, par Attigny et Rethel ; Laon a été repris et nous avons atteint la Serre.

Dans la deuxième quinzaine du mois, sur la face ouest, de la mer à l'Oise, à la suite des attaques du groupe de Belgique et des armées britanniques, prolongées par la Ire armée française, la mer a été dégagée; Bruges, Courtrai, Lille, Douai, ont été repris ; nous sommes en face de Gand et nous bordons la Lys et l'Escaut de Deynze à Valenciennes.

De ce côte, la progression a été énorme : elle a atteint jusqu'à 30 kilomètres dans les trois directions de Moerkerke par Bruges, de Tournai par Lille, da Valenciennes par Gand.

 

RÉDUCTION DU SAILLANT ENTRE SERRE ET OISE

 

Entre ces deux grandes zones d'exploitation, un saillant est resté entre la Serre et l'Oise, ou la situation ne s'est pas sensiblement modifiée depuis la fin de septembre.

Nous avons vu que la directive du 10 octobre du maréchal Foch, prévoyait deux actions distinctes : l'une, la chute de Lille, par opérations combinées entre le groupe de Belgique et les armées britanniques ; l'autre, le franchissement de la Serre, par attaques convergentes de la Ire et de la VIe armée française. La première est terminée ; le recul des Allemands l'a facilitée ; reste à étudier la deuxième qui va être réalisée pendant que se poursuivra la manœuvre d'exploitation sur la face ouest.

Elle est entamée le 17 octobre.

15 octobre. - Le 15 octobre, la situation de la Ire armée était la suivante : sa gauche s'étendait de Seboncourt (sud de Bohain) à l'Oise (Hauteville) ; son centre bordait l'Oise, d'Hauteville à la Fère ; sa droite longeait la Serre, de la Fère à Pouilly-sur-Serre, englobant aussi le saillant limité au nord et à l'ouest par l'Oise, au sud par la Serre, et dont le sommet était à la Fère.

Dans les journées du 17 et du 18. sa gauche, suivant les progrès de la IVe armée britannique, s'était avancée au delà de la forêt d'Andigny jusqu'au canal de l'Oise à la Sambre.

La ligne de défense de l'Oise était ainsi menacée d'être débordée par le nord du coude qu'elle fait â Guise.

17 octobre. - Le 17, le centre de l'armée force le passage de l'Oise, à Mont-d'Origny, sans pouvoir progresser beaucoup sur la rive gauche.

18 octobre. - Le 18, la pointe du saillant, à la Fére, attaquée à la fois par l'Oise et par la Serre, est enlevée jusqu'au delà de Renansart.

19 octobre. - Le 19, Ribemont est pris à son tour et ainsi se trouve désormais assuré l'enlèvement de ces deux redoutables lignes de défense formées par l'Oise et la Serre.

Ces opérations ont procuré à la Ire armée plus de 3.000 prisonniers, avec 80 canons, une centaine de minenwerfers, plus de 7.000 mitrailleuses, des canons de 37 et un train chargé de munitions.

A ce moment, elle se trouve en face de la position Hermann, jalonnée par le canal de la Sambre, l'Oise (Mont-d'Origny), la ligne Ribemont, Crécy-sur-Serre (Pleine-Selve, la Ferté-Chevresis) et la progression deviendra moins rapide.

De son côté, la Xe armée a enlevé, le 16, Notre-Dame-de-Liesse ; le 19, elle a abordé la position Hunding qu'elle a emportée sur 5 kilomètres de front (1.100 prisonniers).

Du 19 au 22, poursuivant ses attaques, elle dépasse Grandlup et vient border la Serre et le canal sur lequel l'ennemi oppose une très vive résistance.

20 au 25 octobre. - Du 20 au 25, la Ire armée fait porter tous ses efforts contre la position Hermann ; cette dernière est enfin dépassée le 26. Pleine-Selve, Villers-le-Sec ont été enlevés et les corps du centre se sont avancés jusqu'au delà de Parpeville.

27 octobre. - Le 27, toute l'armée se porte en avant, La gauche arrive devant Guise, le centre dépasse Landifay, en face de Sains-Richaumont, tandis que la droite progresse en direction de Marle.

Au sud, mettant a profit ces succès, la gauche de la Xe armée a franchi la Serre à Crécy et à Mortiers et s'est établie sur la rive droite.

Les progrès réalisés et le saillant étant complètement réduit, la situation va rester stationnaire pendant quelques jours sur cette partie du front.

A ce moment, le Général Mangin et son état-major sont retirés du front du G. A. R. pour être dirigés sur la Loraine, où une nouvelle mission les attend dans la manœuvre décisive finale que projette le maréchal Foch.

Ils sont remplacés par le général Humbert et l'état~major de la IIIe armée, disponibles depuis le 14 septembre.

 

LA DIRECTIVE DU 19 OCTOBRE 1918

 

Pendant que se déroulait les manœuvres d'exploitation que nous venons d'étudier, le maréchal Foch avait donné sa directive du 19 octobre, destinée à coordonner les opérations convergentes des armées alliées :

" Pour exploiter les avantages acquis, l'action , des armées alliées est à poursuivre comme suit :

" 1° Le Groupe d'armées des Flandres marchera en direction générale de Bruxelles, sa droite vers Hal, abordant l'Escaut à Pecq (à l'est de Roubaix), la Dender à Lessines.

" Dans cette marche, le forcement des lignes d'eau importantes : Escaut, Dender..., est à combiner, au besoin, avec une action de flanc tournant ces lignes et exécutée par les armées britanniques ;

" 2° Les armées britanniques (Ve, Ire, IIIe et IVe) s'avanceront au sud de la ligne Pecq, Lessines, Hal, leur droite se dirigeant par Froidchapelle et Philippeville sur Agimont (nord de Givet).

" La mission des armées britanniques reste de rejeter les forces ennemies sur le massif difficilement pénétrable des Ardennes, où elles coupent leur rocade principale et, en même temps, d'aider la marche du groupe d'armées des Flandres, en leur permettant de franchir les principales lignes d'eau : Escaut, Dender..., qui arrêteraient cette marche.

" Elles seront elles-mêmes appuyées par la Ire armée française.

" 3° Les armées françaises (Ire, Xe, Ve, IVe) et la Ire armée américaine opéreront au sud de la ligne précitée.

<< Leur rôle consiste :

" pour la Ire armée française, à appuyer l'attaque des armées britanniques en marchant en direction de la Capelle, Chimay, Givet et à manœuvrer par sa droite pour tourner la résistance de l'ennemi sur la ligne Serre, Sissonne ;

" pour les Ve et IVe armées françaises et Ire armée américaine, à atteindre la région Mézières, Sedan et la Meuse en amont, en faisant tomber la ligne de 1'Aisne par une manœuvre des deux ailes ; celle de gauche (Ve armée française) en direction de Chaumont-Porcien; celle de droite (IVe armée française et Ire armée américaine) en direction de Buzancy, le Chesne. "

Ainsi, sur le flanc ouest de la grande tenaille qui enserre les Allemands, le groupe des Flandres, précédemment orienté vers le nord-est, en vue de la libération de la côte, se redressera face à l'est et, suivant au nord la frontière hollandaise marchera contre le front Anvers, Malines, Bruxelles.

Au sud, sa droite s'étendra jusqu'à la ligne Pecq (Escaut), Lassines (Dender) et Hal (Senne). A ce groupe des Flandres est toujours rattaché l'armée britannique de gauche, la IIe (Plumer). Les autres armées britanniques (Ve, Ire, IIIe et IVe) marcheront droit vers l'est, contre le front Mons, Maubeuge, Avesnes, en direction générale des Ardennes.

Leur front d'action s'étendra de la ligne Pecq, Lessines, Hal, au nord, à la ligne Wassigny, Givet, au sud.

Comme le groupe des Flandres peut être arrêté sur les lignes d'eau parallèles à son front de marche (Escaut, Dender, Senne), il appartiendra à la gauche des armées britanniques de lui ouvrir le chemin en faisant tomber ces lignes de résistance qu'elles aborderont par la partie la moins forte.

Sur le flanc sud de la tenaille, la Ire armée américaine et les IVe' et Ve armées françaises se porteront contre le front Sedan, Mézières.

Au centre, les Ire et Xe armées françaises raccorderont les deux mouvements d'enveloppent, en suivant la bissectrice Vervins, Hirson, Givet.

La ligne Serre-Aisne, renforcée par les positions Hunding et Brunehilde, sera manœuvrée : à gauche, par la Ire armée française débouchant entre Serre et Oise, et par la Ve marchant en direction de Chaumont-Porcien ; à droite, par la Ire armée américaine et la droite de la IVe armée française progressant entre Aisne et Meuse. De la sorte, le groupe des Flandres libérera la Belgique ; les armées britanniques, la région du nord de la France ; les armées françaises et américaines, la région du nord-est.

Mais il ne s'agit pas seulement de chasser 1'ennemi de France et de Belgique. Le but final est de le battre, d'anéantir ses armées et, pour cela, de leur couper la retraite vers le Rhin.

C'est J'objet de la manœuvre dernière que le maréchal Foch prépare en Lorraine.

Dès le 20 octobre, il écrit au général Pétain : " Les opérations en cours visent à rejeter l'ennemi sur la Meuse. Pour faire tomber la résistance sur cette rivière, il y a lieu de préparer des attaques de part et d'autre de la Moselle, en direction de Longwy, Luxembourg, d'une part ; en direction générale de la Sarre, d'autre part.

Au moment où le maréchal Foch donnait sa directive du 19 octobre, déjà un certain nombre des opérations secondaires qu'il prévoyait étaient en cours.

C'est ainsi que la Ire armée française, en entrant, dès le 18 octobre, dans le saillant de la Fère, entre Oise et Serre, allait faire tomber la défense de l'une et de l'autre rivière.

A la même date, comme nous allons le voir, l'Aisne était débordée, à gauche, par la Ve armée française progressant à l'ouest de Château-Porcien et, à droite, par la IVe armée et les Américains manœuvrant en équerre du côté de Vouziers et de Grandpré.

On a donné aux opérations qui ont marqué la fin de la guerre, des derniers jours d'octobre à l'armistice, le nom d'Assaut final ; nous étudierons ces opérations successivement, de la droite à la gauche.

Retour aux documents de la 35e journée de l'opération de 2007/2008

Retour aux documents de la 36e journée de l'opération de 2007/2008

Retour aux documents de la 37e journée de l'opération de 2007/2008

Retour aux documents de la 38e journée de l'opération de 2007/2008

Retour aux documents de la 39e journée de l'opération de 2007/2008

Retour au calendrier de l'opération de 2007/2008

Retour à l'opération de 2007/2008