Journée du 27 septembre 2008, Bellicourt
CONQUÊTE DU CANAL TUNNEL DE SAINT-QUENTIN
(29 septembre 1918)
Merci à Monsieur Gérard Ancelet qui nous a transmis ces cartes et ce texte
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Le canal de Saint-Quentin. Sa conquête par l'armée Rawlinson (29 septembre 1918).
Entre Le Catelet et Bellicourt, le canal de Saint-Quentin traverse sous tunnel le plateau qui sépare la haute vallée de l'Escaut de celle de la Somme. Son tracé est marqué à la surface du plateau par un renflement des terres avec ouvertures de puits d'aération disposés régulièrement. On en verra l'entrée à Bellicourt, 2 km. 300 après la sortie du Catelet, au point le plus élevé où passe la route, s'arrêter face à l'ouest. On domine alors le secteur le plus fortifié de la ligne Hindenburg où, le fossé du canal n'existant plus, les Allemands craignaient une attaque appuyée par des tanks. Le tunnel rempli de péniches devint un abri sûr pouvant contenir plus d'une division. Les puits d'aération le faisaient communiquer avec les diverses organisations qui en couronnaient le sommet. La ligne principale de résistance s'étendait à 200 mètres à l'ouest avec son lacis de boyaux, de tranchées, ses blockhaus et ses nappes de réseaux barbelés. Un kilomètre à l'est de la route nationale, une forte ligne de soutien rattachait les villages du Catelet et de Nauroy. Enfin à 3 km. 500 plus à l'est, se dressait la ligne de Beaurevoir. |
Le 24 septembre 1918, l'armée Rawlinson (4e) est en contact des avant-postes de la ligne Hindenburg: En face du tunnel du Catelet à Bellicourt, se tient, au centre de l'armée Rawlinson, le 2e corps américain Reed ayant en réserve le corps australien.
Ce 2e corps américain est formé des 27e (O'Ayan) et 30e (Lewis) divisions de New-York. Elles allaient pour la première fois participer à une grande offensive et se signaler comme troupe d'élite.
La mission des New-Yorkais était d'abord d'enlever avant l'attaque principale les points d'appui avancés, puis de s'emparer des lignes du tunnel. Ces lignes conquises, les divisions australiennes, traversant les rangs des Américains, devaient exploiter le succès.
Le 27 septembre, les Américains conquièrent le terrain d'attaque favorable pour le départ de la grande offensive du 29, par des assauts sanglants autour des fermes Gillemont et Quennemont. Malgré les incessantes rafales des mitrailleuses ennemies qui se tiennent près des puits du tunnel, les New-Yorkais se déploient pour l'attaque principale : les 108e et 107e régiments en première ligne, les 105e et 106e en réserve.
A 5 h. 20, dans un brouillard épais, derrière un barrage intense qui s'abat sur les organisations du tunnel et qui, lentement, se déplace d'une centaine de mètres, toutes les quatre minutes, les New-Yorkais s'élancent à l'assaut des organisations allemandes et des ruines du Catelet. Les vagues sont précédées d'une escadre de tanks lourds et légers. Mais ceux-ci rencontrant bientôt des mines et des trappes sont pour la plupart mis hors de combat.
En dépit d'une résistance tenace causant à l'assaillant de lourdes pertes et de la difficulté de liaison entre les unités par suite du brouillard, les premières vagues enlèvent fougueusement les positions ennemies, poussent vers Gouy et Le Catelet.
Le brouillard se lève et, des nombreux points fortifiés dépassés par les vagues de tête, surgissent des Allemands cachés sous le tunnel. Ceux-ci déciment à revers les premières vagues passées et arrêtent les colonnes de renfort.
L'artillerie ne peut intervenir dans cette mêlée ; des combats meurtriers et confus s'engagent, au cours desquels tous les éléments du 2e corps américain entrent en action. Les éléments extrêmes des assaillants résistent sur place, complètement isolés de leurs camarades.
Les unités australiennes (divisions Hobbs et Gellibrand) s'engagent alors à leur tour. Enfin, les points de résistance succombent. Les Australiens relèvent les New-Yorkais qui ont subi de lourdes pertes, mais qui ont capturé 1.100 prisonniers, dont 40 officiers.
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Face à l'ouest, s'étend le secteur d'attaque du 9e corps britannique (Braithwaite), le 29 septembre 1918. Le fossé profond du canal constituait un obstacle redoutable. Dès le 27, l'artillerie britannique bat les obstacles pendant deux jours par le feu de 500 pièces de tous calibres. Le 29, à 5 h. 30, à la même heure que les Américains plus au nord, les North-Midlanders de la 46e D. I. s'élancent sur la ligne avancée qui couvre le canal. Sans grandes pertes, les assaillants arrivent au bord du large et profond fossé. " Les hommes, munis de trois mille ceintures de sauvetage, s'élancent en avant, reculent comme des chiens de chasse désemparés en quête d'un endroit propice, puis se jettent à l'eau en se laissant tomber, coulent ou nagent, tandis que leurs vaillants officiers traînent des cordes derrière eux en traversant. Toute la surface du canal, sur un espace de plus d'un mille, est parsemée de têtes; des câbles, des débris de ponts, des radeaux de fortune et des barques percées sont utilisées. En quelques instants, l'infanterie anglaise, mouillée jusqu'aux os, est dans les tranchées de la rive est; l'effet moral produit par leur exploit hardi sur l'adversaire, enlève à ce dernier toute ardeur combative. " (Conan Doyle : History of the War.) |
Au nord, l'irruption est si soudaine que les sapeurs allemands ne peuvent détruire le pont de Riqueval qui, déblayé rapidement par les sapeurs britanniques, devient un précieux passage pour les tanks.
Vers 16 heures, la 32e division traverse les rangs de la vaillante 46e. Les lignes allemandes, face au sud, sont prises à revers. Avant la nuit, le Tronquoy est enlevé ; Joncourt, 5 kilomètres au delà de la ligne de départ, est atteint. Les assaillants ont capturé 90 canons et 5.400 prisonniers, la grande majorité, 70 canons et 4.000 par les " Midland Territorials ". C'est un des plus beaux exploits de l'armée britannique.
La prise de Saint-Quentin.
Le 25 septembre, après un mois et demi de batailles qui l'avait amenée de l'ouest de Montdidier, à 8 kilomètres de Saint Quentin, l'armée Debeney, pour ne pas s'engager dans des combats de rues, devait faire tomber la ville par encerclement.
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Lorsque les Britanniques auraient franchi, le canal, le 15e corps (de Fonclare) déboucherait au nord de la ville. En même temps, le 31e corps attaquerait sur le plateau d'Urvillers, débordant Saint-Quentin au sud. Le 36e corps (Nollet), face à la ville, dont la fameuse 133e division " la Gauloise " (Valentin) avait enlevé, du 18 au 25 septembre, les redoutables positions de l'Epine de Dallon, traverserait la ville, la nettoyant rapidement, puis continuerait son mouvement vers l'est. Le 29, l'attaque commence et rencontre partout une résistance opiniâtre. Le 30, la route Cambrai-Saint-Quentin est franchie par le 15e corps ; le 1er octobre, bousculant les premiers éléments allemands, il se jette sur Omissy, tente de franchir le canal où crépite toute une ligne de mitrailleuses. Un groupe de bataillons de chasseurs passe le canal au tunnel du Tronquoy. Bousculé au nord et au sud de la ville, l'ennemi se replie devant Saint-Quentin. |
Le 1er octobre, à 10 heures, une compagnie d'avant-garde du 401e régiment d'infanterie atteint le faubourg Saint-Martin, pénètre dans la ville et, entraînée par son ardeur, la traverse, capturant un officier et son auto ; le 401e et le 321e bousculent les derniers éléments attardés, les rejettent vers le pont de Rouvroy qui saute à 100 mètres des éléments de tête, coupant toute retraite à quelques éléments ennemis.
Jusqu'au 8 octobre, l'ennemi s'accroche le long du chemin de fer de Saint-Quentin à Cambrai dans les villages d'Harly et Neuville-Saint-Amand et dans les fabriques environnantes.
Le 9, avant l'aube, le 401e, puis le 15e groupe de chasseurs enlèvent ces dernières résistances.
Le 10 octobre, l'armée Debeney borde l'Oise, à 12 kilomètres au delà de Saint-Quentin.
Le tunnel du canal de Saint-Quentin.
Au début du XVIIIe siècle, c'est un ingénieur militaire nommé Devic qui conçut le projet de traverser le plateau du Catelet par un canal souterrain. Les difficultés à vaincre firent oublier le projet et son inventeur. En 1766, l'ingénieur Laurent proposa de creuser une galerie souterraine de 13 kilomètres. Commencés en 1769, les travaux furent suspendus six ans plus tard, par suite du manque d'argent et du manque de foi en la réussite.
En 1801, Napoléon 1er, venu dans le pays, examine les travaux commencés, consulte l'Institut et donne l'ordre de poursuivre l'ancien projet Devic.
Aussitôt, soldats, ouvriers du pays, prisonniers de guerre se mettent à l'œuvre et malgré des difficultés nombreuses, éboulements, infiltrations, et, avec un outillage rudimentaire, l'entreprise est terminée en 1809, grâce à l'impulsion énergique de l'Empereur. Au-dessus de la voûte du canal, on peut lire :
" Napoléon 1er, empereur et roi, a fait ouvrir le canal de Saint-Quentin qui réunit les bassins de la Somme et de l'Escaut. Commencé en 1802 et terminé en 1810, sous les ministères des comtes Crite et de Montalivet, ce canal a été exécuté sous la direction de Jacquet. "
Primitivement, sept ou huit haleurs, en portant des fanaux, tiraient les bateaux un à un, à la corde, par l'étroit chemin de halage disposé sur l'un des côtés, la traversée durait quelques heures.
La première fois, les bateliers eurent une telle appréhension de la traversée qu'on leur promit une exemption perpétuelle de droit de navigation au premier bateau qui franchirait le tunnel.
Aujourd'hui, la traction de rames de quarante à cinquante bateaux se fait par remorqueur actionné par un puissant courant électrique transmis par trolley. Pour éviter les dangers d'asphyxie qu'on a déjà eu à déplorer, tous les foyers de combustion doivent être éteints à bord des péniches pendant la traversée.