LA 69ème D.I. DANS LA BATAILLE DE LA MARNE

Extrait du livre du Général Jacques Renié, "La 69ème D.I. du 31 juillet au 2 novembre 1914".

Merci à Monsieur Fagot qui nous a transmis ce document. La 53ème et la 69ème D.I. font partie, fin août et début septembre 1914, du 4ème G. D. R. (Groupe de Divisions de Réserve), elle comprend en 1914, 137ème Brigade (287ème, 306ème et 332ème R.I.), la 138ème Brigade (251ème, 254ème et 267ème R.I.) et 48ème B.C.P.

 

………………..

Le Général Lanrezac voulait avoir, dès le 3 septembre au matin, son Corps de gauche au Sud de la Marne, dans une situation lui permettant d'appuyer le Corps de Cavalerie en formation à sa gauche (C. C. Conneau), qui devait le couvrir et le relier à l'Armée anglaise.

Si la constitution du Corps de Cavalerie Conneau avait été moins tardive, il aurait pu tenir les passages de la Marne dès le 2 septembre au matin, à Château-Thierry et en aval, et faciliter, par suite, grandement la retraite du 4e G. D. R.

Quoi qu'il en soit, une de ses Divisions qui venait d'Alsace, la 8e D. C., débarquée à Epernay dans les premières heures de la matinée, avait reçu la mission de se porter par Dormans sur Château-Thierry pour en tenir les ponts, et de pousser sa découverte au Nord et au Nord-Ouest.

Retardée dans son mouvement par les convois de la 5e Armée, son avant-garde n'atteignait Château-Thierry que vers 16 h. 30, et quand elle voulut en déboucher au Nord, elle reçut des coups de canon du Nord-Ouest.

Au même moment, d'autres obus tombaient aux environs de la gare, sur la rive Sud de la rivière. Ce que voyant, le Général commandant la D. C.

crut avoir devant lui l'avant-garde d'une forte colonne ennemie, et il décida de replier tout son monde et de prendre position sur les hauteurs au Sud de la ville, mais assez loin, abandonnant la défense immédiate du passage aux braves territoriaux chargés antérieurement de le garder, et il rendait compte à son chef, le Général Conneau.

Le G. Q. G., de qui dépendait directement le Corps de Cavalerie, prévenu par ce dernier, téléphonait aussitôt le renseignement au Q. G. de la 5e Armée.

On peut imaginer facilement l'effet que produisit cette nouvelle qui venait bouleverser la situation.

On conçoit aussi que le Général Lanrezac ait été amené à modifier une fois de plus les ordres concernant le pauvre 4e G. D. R.

Ce n'était plus à minuit qu'il fallait partir, mais sans aucun délai.

Le supplice de la marche coûte que coûte allait recommencer, aggravé par la connaissance d'une situation extrêmement grave.

Il fallait maintenant que les D. R. puissent se trouver dès 4 heures du matin, le 3 septembre, dans la région Sud de Fossoy, sur les hauteurs, vers les fermes Le Rocq et Houy, prêtes à soutenir le Corps de Cavalerie Conneau chargé d'interdire à l'ennemi le débouché sur la rive Sud de la Marne, et en mesure de protéger le 18e C. A. pendant son franchissement de la Marne à Passy et à Dormans.

Cet ordre, qui faisait connaître à tous la présence de l'ennemi en arrière des cantonnements qu'on allait quitter, jetait la consternation dans les troupes déjà passablement démoralisées.

Tous comprenaient la nécessité inéluctable du nouvel effort qui leur était imposé, mais c'était cependant dans un désarroi inexprimable qu'on se remettait en marche. Les souffrances dues à la privation de sommeil, au manque de nourriture, à la fatigue des muscles, auxquelles s'ajoutait une angoisse morale lancinante, causaient à tous un profond malaise.

Peu nombreux étaient ceux dont la vigueur physique et la volonté était assez grandes encore pour leur donner la force de réagir.

Pendant cette nuit, les hommes allaient, dormant en marchant, trébuchant aux moindres aspérités du sol, se heurtant sans cesse à ceux qui les précédaient, bousculés par leurs voisins, au gré des plus petits à-coups de la marche.

Ce n'était plus une Division qui traversait du Nord au Sud la forêt de Fère, mais une foule à la merci du moindre événement.

Les liens tactiques paraissaient si ténus dans les pauvres Corps d'infanterie que les officiers - fussent-ils simplement de l'Etat-Major, - responsables à un degré quelconque, avec les Généraux, de l'honneur de la Division, qui étaient capables de sonder les cœurs et qui possédaient encore assez de forces physiques pour penser et pour prendre une décision s'il le fallait, étaient hantés par le spectre de la panique.

Journée du 3 Septembre

 

Le Général Valabrègue lui-même estimait ses troupes dans un état alarmant que, pour enlever au Commandant de l'Armée toute illusion sur leur valeur, il n'avait pas craint de lui écrire que la plupart de ses unités étaient éreintées et démoralisées au point que, si elles avaient à combattre sérieusement, on pouvait craindre qu'elles ne se débandent et qu'elles n'aillent jeter le trouble et le désordre dans les Corps voisins.

On conçoit facilement que son anxiété ait été grande pendant la nuit du 2 au 3 septembre qu'il passait à Mézy où il avait devancé ses troupes.

Qu'allait-il advenir à la 53e D.R. quand elle aborderait Château-Thierry pour y passer la Marne ? Pour quelle raison la 69e n'arrivait-elle pas ? Telles étaient les questions qu'il ne cessait de se poser.

La 69e, dont les premiers éléments auraient dû commencer à franchir la Marne au pont de Mont-Saint-Père-Mézy, vers minuit ou une heure du matin, retardée au moment de son départ par le regroupement de ses unités, avait marché si lentement que ce n'est qu'au jour, soit vers 5 heures du matin, que sa tête atteignait Mézy. L'infanterie n'en pouvait plus.

De là elle continuait toujours en colonne sur Crézancy à partir d'où ses brigades étaient dirigées directement sur les positions qu'elles devaient occuper entre Fossoy et la ferme Le Houy. Elles s'y installaient face à l'Ouest.

Le Corps de Cavalerie Conneau était déjà en opérations et à même de renseigner la Division sur les mouvements de l'ennemi qui ne tarderait pas vraisemblablement à déboucher sur la rive Sud de la Marne.

Dans ces conditions, une fois installés sur le terrain, les divers éléments de la Division pouvaient prendre un peu de repos. Repos précaire, il est vrai, étant donné la proximité de l'ennemi et l'absence de la 53e D.R. A tout moment on pouvait être appelé à agir pour soutenir le Corps de Cavalerie.

Tous les renseignements envoyés au Q. G. de l'Armée depuis le 2 septembre par le Corps de Cavalerie, par l'aviation, ou par l'Armée anglaise, étaient concordants. A n'en pas douter, la 1ère Armée allemande avait entrepris d'envelopper la 5e Armée. Devant la rapidité de ces mouvements le Général Lanrezac avant fini par être convaincu que s'il n'arrivait pas à retarder la marche des colonnes ennemies, celles-ci seraient sur la Seine avant que lui-même n'ait eu le temps d'établir ses propres Corps sur la rive Sud de ce fleuve.

Comme il ne comptait plus beaucoup pour cela sur le 4e G. D. R., dont on lui représentait l'infanterie à l'extrême limite de ses forces, de très bonne heure, le 3 septembre, il avait prescrit au 18e Corps de couvrir le flanc gauche des D. R. sur les hauteurs de " Courboin-La Billonnerie ", en y portant deux fortes flanc-gardes bien pourvues en artillerie.

C'est pourquoi, en fin de la matinée, la Division voyait avec satisfaction une Brigade de la 36e D. I. prendre position à sa gauche sur le plateau dont elle occupait déjà la partie Nord, aux lieu et place de la 53e qui n'arriverait qu'un peu plus tard, toute meurtrie et en désordre, à la suite de son échauffourée de Château-Thierry.

Mais les renseignements continuaient à affluer au Q. G. de la 5e Armée : l'orage qui s'amoncelait dans la région de Château-Thierry allait bientôt éclater, plus important qu'on ne le pensait d'abord, et le Général Lanrezac, qui n'avait décidément plus aucune confiance dans les D. R., se décidait, au début de l'après-midi, à expédier les ordres qui devaient avoir pour effet de placer le 4e G. D. R. entre les 18e et 3e Corps d'Armée.

L'opération se ferait en deux temps :

- 1er temps, chassé-croisé du G. D. R. et du 18e C. A., le premier mettant à profit la fin de l'après-midi pour gagner la région Nord de Montmirail, autour d'Artonges ;

le deuxième prenant sa place dans la région de Viffort.

- 2e temps, le 4 septembre, repli général entre les deux Morins; le G. D. R. autour de Morsains; le 18e C. A., se plaçant en retrait par rapport à lui après avoir obliqué légèrement au Sud-Ouest.

Le premier temps était d'une exécution particulièrement difficile. L'ennemi était devenu de plus en plus pressant, et le seul itinéraire donné au G. D. R. tout entier, était déjà sous son canon. Aussi ne l'utilisait-on pas et se rejetait-on à l'Est.

La Division, mise en route la première, partait à travers champs à l'abri de la crête militaire du plateau de Courboin dominant la vallée de la Dhuis.

Cette marche, extrêmement fatigante, terminait l'étape commencée la veille au soir dans les conditions si pénibles. Exécutée au bruit du combat que livrait à Courboin la 36e D. I., avec la crainte de voir peut-être l'ennemi apparaître bientôt, elle achevait d'ôter à la Division toute valeur combattive.

L'heure avançait heureusement. L'ennemi, parce qu'il ne se sentait pas soutenu, ou, parce qu'il avait peur de se trouver tout d'un coup devant plus fort que lui, ou parce qu'il n'en pouvait plus lui-même, cessait ses attaques.

Peu à peu d'abord, puis rapidement, la canonnade et la fusillade allaient diminuant et bientôt, dans le silence qui régnait sur la campagne déserte, on n'entendait plus que le bruit sourd des colonnes en marche à travers champs. L'ombre qui cache les dérobades, mais qui favorise aussi les surprises, s'épaississait graduellement, et la Division finissait par atteindre, à la nuit noire, la région d'Artonges où elle devait stationner.

Mais quel désordre y régnait! Tout y était mélangé et la crainte étreignait les cœurs

Que n'eût-elle été cette crainte, si on y avait su que la 36e D. I., le combat terminé, avait abandonné les hauteurs de Courboin, découvrant ainsi la région d'Artonges, et que le 18e Corps restait autour de Condé-en-Brie, renonçant à s'étendre jusque vers Viffort.

L'ennemi, après ses marches forcées, était, lui aussi, à bout de forces, heureusement !

Journée du 4 Septembre

 

C'est donc avec une certaine satisfaction qu'à la Division on se remettait en mouvement, dans la direction du Sud, le 4 septembre, vers 1 heure du matin.

Marchant en tête de l'unique colonne du 4e G. D. R., elle fournissait l'avant-garde. Celle-ci traversait d'abord la petite forêt de Rouges-Fosses, et, par la ferme des Courbes, elle allait contourner Montmirail par l'Est pour traverser le Petit Morin au pied du village de Courbetaux et gagner les plateaux de la rive Sud près de Fontaine-Armée, où la Division devait se rassembler.

On passait là toute la journée, sous la protection dés avant-postes laissés par la 53e D. R. au Nord-Ouest et au Nord de Montmirail et du 18e C. A. qui s'établissait à l'Ouest et au Sud-Ouest, et, à la fin de l'après-midi, on s'installait en cantonnements-bivouacs autour de Fontaine-Armée et de Morsains.

Cette immobilité prolongée permettait aux hommes de réparer un peu leurs forces physiques. Mais, ce qui contribuait le plus à les remonter, c'était l'impression de sécurité qui résultait de la tranquillité complète dont ils n'avaient cessé de jouir au cours des longues heures de cette belle et chaude journée d'été, alors que le canon tonnait, à quelques kilomètres au Nord et au Nord-Est, du matin jusqu'au soir.

Il en était résulté pour tous, chefs et soldats, un véritable soulagement physique en même temps que la certitude d'avoir franchi, en somme sans mal irréparable, la phase critique d'une crise terrible dans laquelle ils risquaient de tout perdre.

Journée du 5 Septembre

 

Il fallait néanmoins se reporter encore plus au Sud pour prendre du champ et on se remettait en route, une fois encore, aux environs de 1 heure du matin, le 5 septembre.

La marche dans la nuit froide et brumeuse, puis sous un soleil torride à partir de 10 heures du matin, gênée fréquemment par des éléments étrangers au G. D. R., s'exécutait, péniblement encore, mais avec plus d'ordre que les jour s précédents.

Sa lenteur excessive retardait la colonne de la. 6e D. I. qui, à partir de Morsains, devait utiliser une partie de l'itinéraire du G. D. R.

Quoi qu'il en soit, la Division, après avoir passé par JoiseIle, Neuvy, Courgivaux, Villouette, St-Bon et St-Genest, atteignait d'assez bonne heure les bords de la ferme Champfray où certains de ses éléments bivouaqueraient pendant que d'autres, embarqués en camions, seraient transportés au S. de Nogent-s.-S.

Mais, entre temps, tout avait encore été changé, et heureusement changé, cette fois. Toute la Division, à l'exception des cadres envoyés à Nogent-sur-Seine pour recevoir des renforts, restait à Champfray.

Le Général Joffre, assuré que ses Armées formeraient un ensemble bien coordonné et que, malgré la fatigue, elles étaient capables de se battre énergiquement, et constatant d'autre part la situation aventurée de la 1ère Armée allemande, avait décidé de se jeter sur elle avec ses armées de gauche le 6 au matin.

La nouvelle de la reprise de l'offensive, connue au moment de l'arrivée à Champfray, se répandait rapidement dans les bivouacs, saluée avec joie par ceux qui n'avaient jamais désespéré, remontant le courage des autres, et effaçant, momentanément du moins, l'extrême lassitude.

La nuit venue, tous s'endormaient d'un sommeil paisible comme on n'en avait pas connu depuis bien des jours, sachant qu'à l'aube il faudrait être prêts à marcher en sens inverse derrière la gauche du 3e C. A. (6e D. I.) pour l'appuyer en cas de besoin dans ses attaques sur Montceaux-les-Provins.

La distance parcourue en 16 jours a été de 382 kilom., soit 23 kilom. 875 par jour en moyenne.

Mais on n'a ainsi qu'une idée très approximative de la fatigue réellement supportée :

Chaque jour, un certain nombre de fractions ont été aux avant-postes, ou cantonnées plus ou moins loin du centre de la D. I. Ces fractions ont fait de 5 à 10 0/0 de plus que l'étape utile du jour;

La température, souvent très élevée, l'état de l'atmosphère, la valeur des chemins parcourus, les marches à travers champs, le temps mis à parcourir l'étape, les arrêts fortuits dus a une mauvaise organisation des mouvements ou à une discipline insuffisante ou, enfin, à l'intervention de l'ennemi, sont venus augmenter, dans des proportions considérables la fatigue des fantassins.

LA BATAILLE DE LA MARNE

Bataille des deux Morins, 6-9 Septembre

 

Le rôle joué par la 69e Division pendant les premières journées de la Bataille de la Marne a été assez effacé.

L'effet produit sur l'esprit du Commandant de la 5e Armée par les différents comptes rendus du Général Valabrègue sur l'état moral et matériel des troupes sous ses ordres au cours des dernières journées de la retraite, était tel qu'il ne pouvait s'oublier du jour au lendemain.

On conçoit ainsi fort bien pourquoi le Général d'Espérey n'a pas pensé à les employer comme Divisions actives, et pourquoi il s'est contenté de les utiliser pour faire nombre en leur donnant comme mission d'appuyer ses Corps de gauche en cas de besoin.

Cependant, la communication aux troupes de l'ordre pour la reprise de l'offensive avait changé radicalement leur état moral. A la Division, en particulier, tout le monde était comme transformé et résolu à tout faire pour forcer l'ennemi à reculer.

Si, dans les premières heures de la matinée du 6 septembre, il y avait eu auprès d'elle un officier de liaison de l'Armée, celui-ci eût pu constater que l'attitude des hommes, l'activité du commandement et de ses aides comme celles des officiers de tous grades, étaient absolument différentes de ce qu'elles étaient les jours précédents.

Quoi qu'il en soit, au petit-jour du 6 septembre, la Division est en situation défensive, prête à arrêter toute tentative de nouvelle avance ennemie :

- en première ligne, près de Champfray, la 138e Brigade ;

- en 2e ligne, vers Bauchery, la 137e Brigade.

Sa mission est de se porter en avant sur l'axe Champfray, Ferme le Haut-Charmoy, Saint-Bon, Ferme Champfleury, en adaptant son mouvement à celui de la 6e D. I., gauche du 3e C. A. qu'elle doit appuyer.

La lenteur voulue de l'attaque de la 6e D. I. menée méthodiquement par son chef, le Général Pétain, l'oblige à rester longtemps sur place.

Son chef, ses officiers d'Etat-Major, en profitent pour se mettre en liaison personnelle avec le Général Pétain, à Brasseaux.

Ce n'est qu'à 11 heures que la 6e D. I. demande l'appui de l'A. D., et vers 12 h. ou 12 h. 30, celle-ci qui est en batterie au Nord de l'Aubetin, bat énergiquement les lisières Sud de Montceaux-lès-Provins.

Plus tard, elle aide encore la 6e D. I. dans son attaque sur la Ferme de Champfleury, en inondant de ses obus le hameau Les Chataigniers.

L'Infanterie se contente d'avancer légèrement et vient :

138e Brigade; dans le vallon de l'Aubetin (rive Sud),

137e Brigade, vers Champfray.

Au cours de la journée, la Division ne subit que des pertes tout à fait insignifiantes, et seulement du fait du feu mal réglé de l'artillerie ennemie.

A la nuit on bivouaque sur place, à l'exception de l'artillerie qui va à Louan faire boire ses chevaux et passer la nuit.

Dès 4 heures, le 7 septembre, toutes les unités ont repris leurs emplacements de la veille.

La mission reste la même.

Il fait un temps superbe. On ne se croirait pas sur un champ de bataille si l'on n'entendait dans le lointain de courtes fusillades.

Vers 9 h. 30, le 3e C. A. demande à la Division de porter son artillerie sur Saint-Bon et de l'y mettre à la disposition de la 6e D. I. qui monte une opération pour s'emparer du Bois de Champfleury.

L'artillerie ennemie ne réagit pas ; d'ailleurs à la fin de la matinée, on a l'impression que l'ennemi s'est retiré, se décidant à évacuer sans résistance tout le terrain au Sud du Petit Morin. Aussi, le 3e C. A. se porte-t-il en avant, pour gagner cette rivière.

Exécutant sa mission, la Division suit le mouvement de la 6e, et, vers 15 heures, la 138e Brigade a ses éléments de tête aux Châtaigniers, tandis que la 137e, qui est déjà depuis quelques heures sur l'Aubetin, y organise une ligne de repli.

Plus tard, sur nouvelle demande du 3e C. A., la Division fait un second bond vers le Nord dans le but d'établir un repli à la lisière Nord du Bois Ouest de Courgivaux.

Elle est alors ainsi répartie :

- Cavalerie, couverture vers Baleine ;

- un R. I. et la Cie du Génie, travaillant à la lisière à organiser ;

- A. D. en batterie, face au Nord, sensiblement à hauteur du milieu de la lisière Ouest du Bois :

- le reste de la Brigade, derrière l'Artillerie. A la nuit, on bivouaque encore sur place :

- 138e Brigade et éléments rattachés, autour de Baleine;

- 137e Brigade et A. D., les Châtaigniers ; - Q. G., Saint-Bon.

La 5e Armée a progressé assez largement au cours de la journée du 7, sa droite a même atteint le rebord Sud des plateaux qui dominent la rive Sud du Petit Morin ; mais arrivant là, elle s'est heurtée à des troupes fraîches, les Corps de droite de l'Armée von Bülow, découverts par le repli de la gauche de von Kluck.

Il s'agit, le 8, de forcer le passage du Petit Morin devant un ennemi en position.

Dès le matin, la tâche s'avère très dure.

Malgré l'allant des régiments des 10e, 1er et 3e Corps, les éléments de 1ère ligne parviennent difficilement à franchir la rivière; quant à leurs tentatives pour prendre pied solidement sur les plateaux au Nord, elles demeurent toutes infructueuses.

Fort heureusement, le 18e Corps réussit à la fin de l'après-midi à surprendre le passage en aval de Montmirail, et ses régiments, comme cent ans plus tôt ceux de la jeune Garde, s'emparent de haute lutte du village de Marchais, débordant ainsi largement la droite de von Bülow.

Ces opérations ont duré toute la journée et les D. R., qui marchaient toujours en seconde ligne, se sont trouvées arrêtées au passage du Grand Morin et n'ont pas bougé de toute la journée.

A la nuit, la Division, bien mouillée par un gros orage qui éclate vers 17 heures, cantonne autour de Tréfols.

Le Général d'Espérey, certain d'avoir battu la droite de von Bülow, estime que celui-ci va la replier dans la nuit pour lui éviter l'enveloppement et la décrocher ; il décide de poursuivre énergiquement son succès en s'efforçant d'augmenter la brèche entre les 1ère et 2ème Armées ennemies.

Il oriente donc son centre (1er et 3ème Corps) légèrement vers le Nord-Est, pousse sa droite à l'appui du Général Foch (10ème Corps à 3 Divisions) , et dirige sa gauche (18ème Corps et C. C. Conneau), en liaison avec les Anglais, droit au Nord, sur Château-Thierry, pour s'emparer au plus vite des ponts de la Marne.

Le front de l'Armée va donc s'étendre ; aussi fait il appel au G. D. R. pour boucher l'intervalle qui s'ouvrira entre les 3e et 18e Corps.

C'est pourquoi, le 9 Septembre, la Division, suivant la 53ème, se porte par Marchais et Villemoyenne sur Artonges,

Dans cette marche, le G. D. R. ne rencontre aucune résistance et, dans son ardeur, il pousse ses avants-postes plus loin que l'ordre ne l'indique, de sorte que leur droite se trouve devant ceux du 3e Corps.

La Division s'installe pour la nuit à Artonges et Villemoyenne, mais avec un moral autrement élevé que le 3 Septembre.

Malgré la grande fatigue due à la durée de l'étape faite par une chaleur étouffante, tous ne demandent qu'à aller de l'avant pour participer à la victoire qui s'affirme.

La poursuite: 10, 11, 12, 13 et 14 Septembre

 

Cependant, le moment n'est pas encore venu de s'engager.

Von Bülow comprend qu'il doit d'abord se dégager avant de tenter de faire tête. Il ne laisse que de la cavalerie devant la gauche de la 5e Armée et replie rapidement ses Corps en appelant au secours, afin que le haut commandement bouche le trou qui va en s'élargissant entre lui et von Kluck.

D'ailleurs le créneau donné au 4e G. D. R. est encore bien étroit ; aussi, comme le 9, il ne peut avancer qu'en une seule colonne. C'est ainsi qu'il traverse le fameux plateau de Courboin-Ferme-le-Houy, de sinistre mémoire, pour atteindre Mézy, où il a ordre de franchir la Marne.

Mais le pont de Mézy-Mont-Saint-Pére a été détruit et on s'aperçoit que les équipages de pont des D. R. sont très loin en arrière. '

Fort heureusement, le voisin de gauche, le 18e Corps, trouve intacts les ponts de Château-Thierry et d'Azy ; son équipage de pont, qu'il avait eu soin de pousser en tête de ses colonnes, est au bord de la rivière, inemployé. Le commandant du G.D.R. le lui demande, ce qui permet de lancer un pont d'équipage à côté du pont détruit.

Les pourparlers ont exigé du temps et les sapeurs pontonniers ont beau se presser, on ne pourra passer avant la fin de la nuit, c'est-à-dire avant les premières heures du jour, le 11 Septembre.

Les communications du G. D. R. doivent passer par Mézy; aussi, afin de libérer l'équipage de ponts du 18e Corps, décide-t-on la construction d'un pont de pilots. Ce travail est confié à la 22/13.

Les D. R. cantonnent donc au Sud de la Marne. La Division s'installe assez au large dans les cantonnements de la zone : Fossoy (Q. G.), Crézancy, Saint-Eugène, Blesme.

Toujours en queue de colonne, la Division se met en mouvement le 11 Septembre, entre 5 heures et 6 heures du matin, afin d'avoir sa tête à Mont-Saint-Père vers 7 heures. Elle doit, en effet, refaire exactement en sens inverse le chemin qu'elle a parcouru dans une situation si pénible, au cours de la nuit du 2 au 3 Septembre, puisqu'elle se dirige sur Beuvardes.

Mais, à peine formée, la colonne est arrêtée. Il y en aura même pour longtemps, et cependant on ne le laisse pas prévoir, de sorte que l'infanterie va se fatiguer sans avancer.

Les instructions du G. Q. G., arrivées tard dans la nuit ont obligé l'Armée à modifier ses ordres. Il en résulte que l'itinéraire du G. D. R., au lieu d'être orienté droit au Nord, est infléchi légèrement vers le Nord-Est.

Non seulement il faut attendre les nouveaux ordres, nuais aussi que la 6e D. I. ait dégagé sa zone de cantonnements que traverse justement le nouvel itinéraire du G. D. R.. Celui-ci passe par Jaulgonne et Le Charmel, et la route qui unit ces deux localités est encombrée de troupes du 3e C. A. qui attendent également leurs nouveaux ordres.

Pour comble de malheur, la pluie se met à tomber. Comme elle ne cessera de toute la journée, les hommes sont complètement trempés quand ils s'installent dans les très médiocres cantonnements de Cierges et hameaux ou fermes environnants.

Cette journée du 11, qui aurait pu être assez peu fatigante, était devenue extrêmement pénible par suite des modifications apportées aux ordres au dernier moment.

Quoi qu'il en soit, on ne se laisse pas aller au cafard. Les gens de la région racontent à qui veut l'en tendre que l'ennemi n'est certainement pas loin, qu'une colonne ennemie a mis toute la journée de la veille à traverser Cierges. D'autre part, la cavalerie a aperçu, sous la pluie, un fort rassemblement au Sud de Fismes (Le rassemblement signalé le 11 en fin de journée au Sud de Fismes était simplement un gros de troupes françaises (2 D. C. du Corps Conneau) attendant sous la pluie le résultat des reconnaissances envoyées sur les passages de la Vesle.).

Enfin, on va donc pouvoir se mesurer avec l'ennemi et montrer de quoi on est capable quand on attaque.

Le 12 Septembre, on change encore de direction puisqu'on abandonne la direction de Bazoches, Fismes, pour marcher carrément vers le Nord-Est.

Au prix d'un réveil très matinal, sous prétexte de respecter l'alternance des unités, la Division prend la tête du G. D. R., et c'est par un chemin des plus médiocres, rapidement défoncé par le passage des premiers éléments, qu'elle gagne Arcis-le-Ponsart.

Ensuite, il lui faut descendre dans la vallée de l'Ardre, la remonter de Crugny à Savigny par un chemin en montagnes russes, et de là gravir les pentes Sud de la ferme Montazin, avant de redescendre par Branscourt dans les fonds marécageux de la Vesle, traverser cette rivière pour atteindre enfin la région de Prouilly.

De très bonne heure, la pluie, qui n'a presque pas cessé depuis la veille, se remet à tomber avec violence, achevant de détremper les chemins et les champs.

En même temps on entend le canon dans la direction du Nord ou du Nord-Ouest. On imagine que le 18e Corps est aux prises avec l'ennemi pour franchir la Vesle. Comme la canonnade devient rapidement impressionnante, on pense qu'on pourrait l'aider en se flanc-gardant en même temps, pendant que le G. D. R. va parcourir les fonds de l'Ardre. Le G. D. R. décide qu'une flanc-garde fixe sera établie sur les hauteurs entre Ardre et Vesle, entre les villages de Crugny et de Hourges, qu'on y consacrera un R. I., auquel on adjoindra deux groupes d'artillerie pour pouvoir aider le 18e Corps. Le 251e, qui passe à ce moment dans Crugny, est désigné.

Pendant qu'on avance lentement sur Savigny, le canon se met à tonner aussi dans l'Est ! Il n'y a pas de doute, on se bat vers Reims.

Donc combat à droite et à gauche. On en conclut à la Division que l'ennemi fait tête sur la Vesle, qu'on ne gagnera pas Prouilly sans combattre.

Le Général Néraud, qui a, depuis quelques jours, remplacé à la tête de la Division le Général Legros, et le nouveau Chef d'Etat-Major, le Commandant Henneton, qui a succédé le 10 Septembre au Lieutenant-Colonel Dubois, se préoccupent aussitôt de préparer l'engagement qu'ils prévoient. Pour exalter le moral de tous, ils désirent ardemment un succès, mais ils désirent encore plus éviter à leur infanterie, dont le moral est toujours très sensible, une surprise par le feu en formation de marche. Ils décident donc de prendre toutes les précautions possibles, quitte à aller moins vite.

Aussi pendant que les fantassins se déployant largement, gravissent péniblement et lentement, dans les terres détrempées, les pentes rapides au Nord de l'Ardre, ils demandent au Général Valabrègue de leur donner l'A. D. 53 pour remplacer les deux groupes de 1'A. D. 69 détachés avec le 251e R. I.

L'infanterie ne franchira la crête de la ferme Montazin et ne commencera à descendre dans les fonds que sous la protection de quatre groupes en batterie, de façon à pouvoir contrebattre immédiatement les canons ;ou même les fusils ou mitrailleuses, ennemis qui se dévoileraient à ce moment.

Tout cela doit demander du temps. On le met à profit pour faire faire une reconnaissance de la Vesle par un des officiers de l'Etat-Major. On sera ainsi renseigné avec exactitude, personnellement et rapidement, sur la valeur de la résistance qu'on rencontrera dans les fonds le long de la rivière.

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