LA VIème ARMÉE DANS LA BATAILLE DE L'OURCQ

Les informations suivantes sont largement extraites d'un guide touristique édité, en 1917, par le Touring Club de France et Michelin

LES TROUPES EN PRESENCE

FRANÇAIS

Général JOFFRE, Commandant en chef, Général GALLIENI, Commandant le camp retranché de Paris. Il a sous ses ordres la 6ème Armée (Général MAUNOURY)

COMPOSITION DE LA VIEME ARMEE

7ème corps

(Général Vautier)

14ème div. d'active

(Général de VILLARET)

Après avoir combattu en Alsace, ont reçu le 24 août l'ordre de, se transporter dans la Somme ; elles prendront part à tous les combats.

63ème div. de réserve

(Général LOMBARD).

5éme groupe de div. de réserve

(Général de LAMAZE)

55ème div. de réserve

(Général LEGUAY)

Après avoir combattu dans les Hauts-de-Meuse, sont arrivées le 29 août dans la Somme et prendront part à tous les combats.

56ème div. de réserve

(Général de DARTIEN)

Brigade marocaine

(Général DITTE)

Arrive d'Afrique et prendra part à tous les combats.

45ème div. Algérienne (Général DRUDE)

Débarquée d'Afrique, entre en action le 8 septembre.

4ème corps

(Général BOELL)

7ème div. d'active

(Général de TRENTINIAN)

Quittent la troisième armée le 2 septembre, passent le 5 aux ordres du général Maunoury et n'entrent en action que le 7.

8ème div. d'active (Général de LARTIGUE

6ème groupe de div. de réserve

(Général EBENER)

61ème div. de réserve.

(Général DEPREZ).

out été très éprouvées autour de Cambrai et ont été envoyées se reformer dans le camp retranché de Paris. Elles n'entreront en action que le 7 et la 62ème division, qui a particulièrement souffert, ne prendra part qu'à la poursuite.

62ème div. de réserve

(Général GANEVAL).

Cavalerie

1er corps (Général SORDET), Brigade GILLET

La cavalerie, très éprouvée pendant la retraite de Charleroi, jouera un faible rôle dans l'action.

 

ANGLAIS

Maréchal Sir John French Commandant en chef du corps expéditionnaire

Ier corps (Lieutenant-général Sir DOUGLAS HAIG)

Viennent de faire, depuis le 24 août, toute la retraite de Charleroi à l'aile marchante, en combattant continuellement contre des forces très supérieures.

2ème corps (Général Sir HORACE SMITH DORRIEN)

3ème corps (Lieutenant-général PULTENEY)

Division de cavalerie (Général ALLENBY)

 

ALLEMANDS

1ère Armée : Général von KLUCK

Ier corps de réserve

C'est là une partie de l'armée Klück qui, par son mouvement débordant, a contraint à une retraite rapide depuis la Sambre, L'aile gauche franco-anglaise.

IIème corps d'actif

IVème corps d'actif

2ème division de cavalerie

9ème division de cavalerie

1er division de cavalerie de la garde

 

JOURNEE DU 1er SEPTEMBRE 1914

Positions schématiques au matin

 

La manœuvre offensive française, qu'on a appelée la bataille de Charleroi, ayant échoué le 22-24 août, le général Joffre rompt résolument le combat et, dans son ordre du 25 août, prescrit la retraite générale jusqu'au moment où, le regroupement des forces françaises étant terminé et une occasion propice se présentant, il sera possible d'arrêter, puis de refouler les armées allemandes. Le plan du généralissime est le suivant : constituer à sa gauche une masse importante qui tentera de déborder la droite allemande pendant que, sur le reste du front, il y aura attaque générale ou tout au moins résistance à outrance. Le 27 août, la 6ème armée, chargée de la manœuvre débordante, est constituée et mise sous le commandement du général Maunoury. Elle est formée dans la Somme au moyen de troupes prélevées sur les armées de l'Est, transportées à pied d'œuvre par un jeu savant de chemins de fer qui commence dès le 24 août.

A la date du 1er septembre, la 6ème armée occupe la ligne Bresles, Clermont, Sacy-le-Grand, Verberie. La 4ème division anglaise la prolonge sur la droite.

Les Allemands, maîtres de Compiègne, attaquent les Anglais sur la ligne Verberie-Néry qui cède. Maunoury ordonne alors la continuation de la retraite. Mais il faut que les colonnes qui vont s'écouler vers le sud ne soient pas attaquées de flanc. La 56ème division, la brigade marocaine et une division de cavalerie reçoivent l'ordre de couvrir la trouée Senlis-Creil-Chantilly pendant le temps nécessaire.

La brigade marocaine prend sa position de couverture sur la ligne Pont-Sainte-Maxence, Mont-I'Évêque. La 111ème brigade de la 56ème division est en soutien à Chamant et la 112ème en réserve à l'ouest de Senlis ; la cavalerie est en avant des Marocains.

Dans la journée, les Allemands, refoulant la cavalerie française et la 4ème division anglaise, atteignent Roberval, Rully ; la ligne franco-anglaise passe par Pont-Sainte-Maxence, Mont-l'Évêque, Montépilloy, Fresnoy.

Positions schématiques au soir

 

JOURNEE DU 2 SEPTEMBRE 1914

Positions schématiques au soir

 

La mission confiée à la 56ème division est la suivante : jusqu'à midi elle devra se maintenir sur les positions de la veille, face à l'est, afin de protéger la ligne Creil-Chantilly; de midi à 6 heures du soir, elle devra empêcher les Allemands de déboucher de Senlis vers le sud.

Dans la matinée, la lutte est très vive entre les batteries françaises, placées sur les hauteurs au nord-est de Senlis, et les batteries du IVème corps allemand. Vers 10 heures, la position dominante de Montépilloy est évacuée par les Anglais. Les Allemands en prennent immédiatement possession et y installent des batteries d'obusiers dont le tir, réglé par les avions, gêne considérablement les artilleurs français.

A partir de 11 heures, le mouvement de repli des troupes de couverture commence sous le feu de l'ennemi qui les suit jusque dans Senlis et auquel ripostent jusqu'au dernier moment les batteries françaises dont plusieurs sont fortement éprouvées. Pendant ce temps, la 112ème brigade prend possession de la ligne de défense qui a été hâtivement aménagée au sud de Senlis. Cette position comprend deux lignes de tranchées creusées de part et d'autre de la route nationale ; elle est, soutenue par deux sections de mitrailleuses et par un groupe d'artillerie qui, installé au nord-ouest de Mont-l'Évêque, contrebat les obusiers allemands de Montépilloy.

A 4 heures, les derniers échelons qui sortent de Senlis en combattant sont suivis à très courte distance par les avant-gardes allemandes sur lesquelles se déclanche aussitôt la fusillade.

Les Allemands se retirent précipitamment, et on lira plus loin, lors de la description des incendies et des exécutions de Senlis, comment ils se vengèrent de cette résistance inattendue.

Une heure et demie après, une attaque est prononcée contre le 36lème qui tient les lignes de tranchées. Les Allemands sortent de Senlis en poussant devant eux un groupe de civils. Les troupes françaises cessent de tirer lorsqu'elles entendent les cris déchirants de ces otages, mais plusieurs sont déjà tués ou blessés. Le combat dure environ une demi-heure ; devant une contre-attaque du 350ème d'infanterie qui était placé en réserve dans la forêt de Pontarmé, les Allemands rentrent dans Senlis et la 112ème brigade, ayant accompli sa mission de couverture, se retire du front Senlis-Borest.

Au soir, la 6ème armée occupe la ligne Méru, Neuilly-en-Thelle, Mortefontaine.

 

JOURNEE DU 3 SEPTEMBRE 1914

Positions schématiques au soir

 

La 6ème armée continue son mouvement de retraite en obliquant, vers le sud-est, afin d'assurer la défense du secteur nord-est du camp retranché de Paris, sous le commandement supérieur du général Gallieni, lui-même mis sous les ordres du général Joffre. La collaboration active de ces deux grands chefs sera un des facteurs importants de la victoire de la Marne.

Après des marches longues et pénibles sous une chaleur accablante, la 6ème armée occupe la ligne Iverny, Dammartin-en-Goële, Le Mesnil-Aubry.

Dans la journée, Gallieni a fait afficher la proclamation célèbre :

Armée de Paris, Habitants de Paris,

Les membres du Gouvernement de la République oui quitté Paris pour donner une impulsion nouvelle à la défense nationale.

J'ai reçu le mandat de défendre Paris contre l'envahisseur. Ce mandat, je le remplirai jusqu'au bout.

L'angoisse qui étreint tous les Français depuis que l'avance foudroyante de l'armée Klück est connue est arrivée à son comble. Paris va-t-il tomber?

La tentation dut être forte pour le grand état-major allemand de pousser droit vers la ville tant convoitée, mais la menace de l'armée franco-anglaise subsistait encore et la décision prise fut de détruire d'abord les forces alliées, avant de se rabattre sur Paris qui serait alors cueilli comme un fruit mûr.

Le IIème corps et le IVème corps actifs sont dirigés vers le sud-est et traversent l'Ourcq à Lizy et Mareuil, à la poursuite de l'armée anglaise. Le IVème corps de réserve a atteint la liane Luzarches-Mortefontaine et ses patrouilles avancées seront observées près d'Écouen, à 13 kilomètres des portes de Paris! Mais il faut s'arracher à la fascination de la capitale et le IVème corps oblique à son tour vers l'est pour protéger le flanc de l'armée. Klück.

On épiloguera pendant de longues années sur le point de savoir si l'état-major allemand eut tort ou raison d'abandonner ainsi la marche directe sur Paris. En tout état de cause, von Klück ne s'attendait certainement pas à une attaque aussi violente de l'armée de Paris: " Il n'y avait qu'un général, a-t-il déclaré, qui pût accepter, contre toutes les règles, de porter le combat aussi loin en avant de ses défenses; pour mon malheur, ce fut Gallieni. "

Dès cette journée du 3 en effet. la conversion de la droite allemande a été reconnue par Gallieni qui l'a immédiatement signalée à Joffre en lui proposant d'exécuter une attaque de flanc.

 

JOURNEE DU 4 et 5 SEPTEMBRE 1914

Positions schématiques au soir du 5

 

Dans la journée du 4, Joffre, après avoir communiqué avec Gallieni, estime que les circonstances sont favorables à la reprise de l'offensive et décide de livrer la bataille générale qui devra commencer le 6.

Ses instructions prescrivent que, le 5 au soir, toutes les forces disponibles de la 6ème armée devront être, entre Lizy-sur-Ourcq et May-en-Multien, prêtes à franchir l'Ourcq sur les derrières de l'armée Klück.

Le 4, l'armée prend ses dispositions de combat ; le 5, elle s'efforce de gagner la position assignée; il s'ensuit une prise de contact très vive avec le IVème corps de réserve. Après de violents combats pour la possession de Monthyon et Penchard, le groupe Lamaze passe la nuit sur la ligne Montgé-Iverny-Charny. Le 7mee corps prend position sur la gauche et n'a que quelques engagements d'avant-garde vers Saint-Soupplets; mais sa menace de flanc contraint le IVème corps à évacuer dans la nuit la ligne Monthyon-Penchard. L'armée anglaise, d'après les instructions du généralissime, doit occuper le 5 au soir une ligne nord-sud allant de Changis (est de Meaux) à Coulommiers, prête à attaquer dans la direction de l'est, afin de prendre de flanc les forces allemandes. Mais les troupes du maréchal French très éprouvées par la dure retraite qui leur a fait parcourir, depuis le 24 août, tout en combattant, 40 à 50 kilomètres par jour, opèrent assez lentement leur volte-face et n'arrivent le soir qu'à la ligne Vaudoy-Pézarches-Hautefeuille-Grand Morin.

Ainsi, ni la 6ème armée, ni l'armée anglaise ne réussissent à occuper les positions prévues pour le début de l'attaque générale, ce qui rendra beaucoup plus difficile la réussite du mouvement enveloppant.

 

JOURNEE DU 6 SEPTEMBRE 1914

Positions schématiques au soir

 

Le but particulier de cette journée est, du côté français, l'attaque de front et le débordement par sa droite du IVème corps de réserve allemand.

La droite française (groupe de Lamaze) s'empare, dès le point du jour, de Saint-Soupplets et de Monthyon ; à 9 heures, elle atteint le front de Chambry-Barcy-Oissery ; mais, à l'aile gauche qui doit effectuer le mouvement débordant, le 7ème corps rencontre près dÉtavigny une partie du IIème corps actif allemand qui s'est décroché de l'armée anglaise et qui est arrivé, à marches forcées, au secours du IVème corps de réserve.

C'est le début de l'habile manœuvre de von Klück ; il s'est aperçu du danger que fait courir à son armée l'attaque de flanc de Maunoury et va profiter de l'état de fatigue de l'armée anglaise pour jeter toutes ses forces sur la 6ème armée, l'arrêter et éviter ainsi un désastre.

En fin de journée, les Français occupent la ligne Chambry-Marcilly-Puisieux-Acy-en-Multien. L'armée anglaise a continué à se redresser et atteint la ligne Crécy-enBrie-Coulommiers-Choisy-en- Brie.

C'est le 6 qu'arriva à l'armée la proclamation historique de Joffre :

" A u moment où s'engage une bataille dont dépend le salut du Pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et repousser l'ennemi. Toute troupe qui. ne petit plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée.

 

JOURNEE DU 7 SEPTEMBRE 1914

Positions schématiques au soir

 

Dès le matin, la lutte reprend, mais les Français commencent à sentir les effets de l'artillerie lourde allemande établie entre Varreddes et May-en-Multien, hors de portée des 75, et leurs progrès en sont ralentis. A leur droite, les combats se déroulent autour de Marcilly, Barcy, Chambry ; à leur gauche, le 7ème corps, prolongé vers -Villers-Saint-Genest par la 6lème division de réserve que Gallieni vient d'envoyer en renfort, a pris pied sur le plateau d'Étavigny; il se joint dans Puisieux au groupe de Lamaze.

La 8ème division du 4ème corps, sur la demande de French qui craint pour sa liaison avec la 6ème armée, est engagée contre les Allemands qui occupent les bois de Meaux, au sud de la Marne. En fin de journée, les Français peuvent encore espérer le débordement de la droite allemande si celle-ci ne reçoit pas de nouveaux renforts. Mais le IVème corps actif allemand, échappant à son tour à l'armée anglaise, repasse la Marne et renforce les deux corps déjà engagés. Il va essayer à son tour de déborder la gauche de la 6ème armée.

Von Klück, pur masquer le départ des IIème et IVème corps, a déployé devant l'armée anglaise ses trois divisions de cavalerie appuyées d'artillerie et de détachements d'infanterie. Cette arrière-garde luttera avec opiniâtreté, afin de permettre aux trois corps allemands de l'Ourcq d'enfoncer si possible la 6ème armée avant que l'avance anglaise ne devienne un facteur décisif de retraite.

Les Anglais occupent au soir la ligne Maisoncelles-Coulommiers-Choisy-en Brie.

 

JOURNEE DU 8 SEPTEMBRE 1914

Positions schématiques au soir

 

Le 7, la 7ème division débarque à Paris : il faut qu'elle soit rendue dans la nuit à la gauche de Maunoury. Au grand étonnement des Parisiens, tous les taxis-autos sortent des garages et prennent la direction de la banlieue est. Les agents arrêtent au vol ceux qui sont en course, et les clients, abandonnés sur place, applaudissent lorsqu'ils connaissent la raison de leur mésaventure. 1.100 voitures font ainsi deux fois dans la nuit "au compteur" le voyage de Nanteuil, avec cinq hommes dans chaque taxi. " Une idée de civil " comme l'a qualifiée Gallieni. Le reste de la division utilise le chemin de fer, l'artillerie suit la route.

Cette 7ème division prend place entre la 6lème division et le 7ème corps, mais l'arrivée du IVème corps actif allemand, échappé du front anglais, neutralise et au delà l'effet de ce renfort. Sur tout le front la lutte est acharnée : au centre, le 7ème corps et en particulier la 63ème division de réserve combattent avec une fermeté inébranlable autour d'Acy ; à la droite, le groupe Lamaze prononce de violentes attaques, avec la 45ème division arrivée d'Afrique, contre la ligne Etrépilly-Varreddes, mais n'obtient que des succès partiels.

Dans l'après-midi du même jour, l'armée anglaise, refoulant les arrière-gardes allemandes après de vifs combats à La Trétoire et à Signy-Signets, franchit le Petit Morin et gagne le front Ferté-sous-Jouarre, Viels-Maisons. La 8ème division du 4ème corps français atteint, les environs de Trilport.

Un officier allemand écrit le 8 dans son carnet :

" Le colonel-général von Klück a inspecté les avant-postes. Je l'ai aperçu. Ses yeux si brillants d'ordinaire sont ternes. Lui, si énergique dans toute son altitude, parle d'une voix molle. Il est tout à fait abattu ....

 

JOURNEE DU 9 SEPTEMBRE 1914

Positions schématiques au soir

 

Cette journée marque le point culminant de la bataille de l'Ourcq. Sous la pression de la droite française et l'avance menaçante de l'armée anglaise, les Allemands sont obligés de se retirer de la ligne Etrépilly-Varreddes ; au centre, dans l'après-midi, l'artillerie du plateau de Trocy est évacuée vers le nord. Pour faciliter cette retraite, von Klück fait violemment contre-attaquer, par le IVème corps actif débouchant de Betz, la gauche française qui plie sous le choc. Nanteuil-le-Haudouin et Villers-Saint-Genest sont perdus.

Maunoury rappelle alors la 8ème division de sa position au sud de la Marne et Gallieni lui expédie en renfort la 62ème division. Néanmoins la situation reste critique et la gauche de la 6ème armée est en grand danger d'être tournée et enfoncée. L'état de fatigue des troupes est extrême: des ordres sont demandés pour une retraite éventuelle sur Paris. Mais Gallieni n'en veut pas admettre la possibilité et, fidèle aux instructions du généralissime, ordonne de " se faire tuer sur place "

La nuit se passe dans l'angoisse; elle se termine par un coup e théâtre. Le lendemain matin, en effet, les Français s'aperçoivent que les Allemands ont abandonné leurs positions et battent précipitamment en retraite vers .le nord-est.

Les progrès de l'armée anglaise qui a franchi la Marne le 9 entre Luzancy et Nogent-l'Artaud et qui, dans la nuit, passera la rivière à la Ferté-sous-Jouarre, la résistance acharnée opposée par l'armée Maunoury, ont motivé la décision de von Klück. Il est en effet menacé d'être pris dans une tenaille.

La victoire reste donc à la 6ème armée. Elle n'a pu réussir, par suite de l'habile manœuvre du général allemand le mouvement d'enveloppement envisagé par Joffre et Gallieni, mouvement qui eût amené la déroute allemande, mais son opiniâtreté et son esprit de sacrifice ont finalement contraint von Klück à une retraite hâtive dont l'effet va se faire sentir par échelons sur tout le reste du front. Paris et la France sont sauvés.

 

JOURNEE DU 10 AU 13 SEPTEMBRE 1914

Positions schématiques avant et après la Marne

 

Le 10, est lu aux troupes le bel ordre du jour de Maunoury :

" La 6ème armée vient de soutenir pendant cinq jours entiers, sans aucune interruption ni accalmie, la lutte contre un adversaire nombreux et dont le succès avait jusqu'à présent exalté le moral. La lutte a été dure ; les pertes par le feu, les fatigues dues à la privation du sommeil et parfois de nourriture ont dépassé tout ce que l'on pouvait imaginer. Vous avez tout supporté avec une vaillance, une fermeté et une endurance que les mois sont impuissants à glorifier comme elles le méritent.

" Camarades, le général en chef nous a demandé, au nom de la Patrie, de faire plus que notre devoir, vous avez répondu à son appel au delà même de ce qui paraissait possible. Grâce à vous, la victoire est venue couronner nos drapeaux. Maintenant que vous en connaissez la glorieuse satisfaction, vous ne la laisserez plus s'échapper.

" Quant à moi, si j'ai fait quelque bien, j'en ai été récompensé par le plus grand honneur qui m'ait été décerné dans ma longue carrière : celui d'avoir commandé des hommes tels que vous... "

Du 10 au 13 septembre l'armée anglaise et la 6ème armée talonnent l'armée allemande en retraite jusqu'au moment où celle-ci fait tête sur des positions organisées à l'avance. Le schéma ci-dessus montre le chemin parcouru pendant ces journées de la Marne qui resteront une des plus grandes dates de l'histoire du monde.

 

DIFFICULTES POUR L'AVIATION DE SE FAIRE ENTENDRE ...

l'aviation de l'armée Maunoury et la changement d'orientation de l'armée Kluck

"Le 1er septembre, j'arrive à Creil commander l'aviation de la VIe armée. En guise de bienvenue, le colonel G., chef d'état-major de Maunoury, me déclare que les aviateurs sont des acrobates indisciplinés avec lesquels il ne veut pas perdre son temps ", et, sans rien me dire de ma mission, me met sous la coupe du commandant D., chef du 2e bureau.

"L'aviation de la VIe armée est formée de deux escadrilles, la R. E. P. 15 (capitaine Geibel) venant de la IVe, la M. F. 16 (capitaine Mauger-Devarennes) de la IIIe armée... Quatre lieutenants cavaliers lui sont affectés comme observateurs, mais aucun n'est monté en avion avant ... hier. Le 2 septembre, je m'installe au nord d'Écouen, près du P. C. de l'armée. Mes reconnaissances montrent de façon évidente que le gros des Allemands a franchi l'Oise à Verberie et en amont, en direction du sud-est, mais, en fin de marche, leurs têtes de colonne sont orientées au sud, vers Paris. Le commandant D., qui connaît par le G. Q. G. la directive du 27 août dirigeant Kluck vers la basse Seine, refuse de me croire et m'ordonne d'explorer la zone à l'ouest de l'Oise (Mantes-Beauvais), où il est sûr que se trouvent les Allemands ... Le 3 au matin, en dépit de cette affirmation, renouvelée par le 2e bureau, je persiste à doubler les reconnaissances demandées par d'autres lancées vers l'est. La R. E. P. 15 me rend compte qu'une colonne allemande, venant de Senlis, arrive à Orry-la-Ville, mais la M. F. 16 me confirme que les colonnes de Kluck filent vers le sud-est et que les routes allant de Crépy-en-Valois et de Senlis vers Nanteuil-le-Haudoin et à l'est sont encombrées de troupes et de parcs. Il ne peut plus être question d'une attaque sérieuse sur Paris. Je saute en auto avec mes équipages chez D., qui, une fois de plus, se refuse à accorder foi à leurs témoignages. Même attitude du chef d'état-major ...

" Estimant n'avoir pas le droit de laisser ignorer un changement si important de l'aile droite allemande, je guette en vain l'arrivée de Gallieni et de Maunoury, et offre mon information à qui veut l'entendre : c'est le cas des officiers de liaison de French et de Gallieni, qui avertissent aussitôt leurs chefs ... Morne matinée le 4 septembre : mes équipages, découragés, exécutent sans entrain leur mission et je n'ose plus dépasser les ordres reçus. Vers midi, coup de théâtre : tout change... Maunoury reçoit de Gallieni l'ordre de se tenir prêt à marcher à l'est, et moi celui de " reconnaître en direction de Château-Thierry ". La nouvelle épanouit le visage de mes aviateurs, qui, repartant cette fois pleins de confiance, vérifient que les avant-gardes de Kluck sont au sud de la Marne ... La menace sur Paris est écartée et mon personnel jubile... "

Lieutenant-colonel BELLENGER.

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