LA BATAILLE DE GUISE

(Bataille de Saint-Quentin pour les Allemands)

(Vue par le Général von Kuhl)

Le texte en Allemand, du Général von Kuhl a été édité au lendemain de la guerre, en 1920. La traduction française du Commandant Koeltz, est sortie en 1927, chez Payot. Ce texte, présenté sur ce site est particulièrement intéressant par les analyses comparatives des théories en présence.

Son sixième chapitre Les opérations allemandes jusqu'à la bataille de la Marne..

LES 2e ET 3e ARMÉES LES 25 ET 26 AOUT.

 

CONTINUATION DU MOUVEMENT VERS LE SUD-OUEST.

ENVOI DE DEUX CORPS D'ARMÉE SUR LE FRONT ORIENTAL

 

L'obligation de céder une division à la 2e armée pour l'attaque de Maubeuge amena le commandement de la 1re armée à poser la question suivante à la Direction suprême : " La 2e armée veut attaquer Maubeuge avec 3 divisions et demande une division de la 1re armée. La 1re armée est-elle encore subordonnée à la 2e ? " Le 27 au matin la Direction suprême répondit : " La subordination de la 1re armée à la 2e est levée. Maubeuge doit être investi uniquement par la 2e armée ".

Les opérations sur la Sambre et la Meuse avaient amené les 2e et 3e armées à marcher l'une vers l'autre presque à angle droit. Il était maintenant nécessaire de les redresser en direction nettement sud-ouest pour les empêcher de se pelotonner et pour garder le contact avec la 1re armée qui exécutait un mouvement débordant pour envelopper l'ennemi.

La 2e armée qui se trouvait le 24 au soir à l'est de Maubeuge, face au sud, sur la ligne générale Beaumont-Florennes, poursuivit l'ennemi, les 25 et 26, en direction du sud-ouest et atteignit le 26 la ligne Aulnoye-Boulogne (sud d'Avesnes)-Ohain. Le 1er C. C. et la 14e D. I. qui marchait à l'aile droite (la 13e D. I. était restée devant Maubeuge) reçurent l'ordre de prendre la direction d'Aulnoye-Le Cateau pour arriver sur les derrières des Anglais.

La 3e armée ne suivit pas tout à fait le mouvement de la 2e, mais marcha dans une direction sud plus marquée ; elle se porta le 25 jusqu'à la région de Mariembourg, le 26 jusqu'à la région de Rocroi (sur la ligne Regnowez-Rocroi-les Mazures). Entre les 2e et 3e armées une brèche menaçait de s'ouvrir.

Le siège de Maubeuge fut confié au général von Zwehl, qui disposa dans ce but du VIIe C. R. et de la 13e D. I., mais cette dernière fut renvoyée par la suite à la 2e armée et ne laissa devant Maubeuge qu'une brigade d'infanterie renforcée.

Le 26 un ordre néfaste de la Direction suprême arriva aux 2e et 3e armées : " En vue d'être transportés aussitôt que possible dans l'est, les éléments suivants seront mis en marche le 26 : éléments disponibles du corps de réserve de la Garde en deux colonnes, séparés par division d'infanterie, sur Aix-la-Chapelle ; éléments disponibles des divisions d'infanterie du XIe C. A. sur Malmédy-Saint-Vith. "

Les effectifs de la 3e armée tombèrent de ce fait à deux corps d'armée et demi, quand à partir du 26 août la 24e D. R. eut été détachée pour assiéger Givet.

 

LES JOURNEES DES 27, 28 ET29 AOÛT. LA 1re ARMÉE PREND LA DIRECTION DE PÉRONNE. CONTRE-OFFENSIVE FRANCAISE CONTRE LA 2e ARMÉE A SAINT-QUENTIN. LES 4e ET 5e ARMEES COMBATTENT POUR LES PASSAGES DE LA MEUSE.

 

Après la bataille du Cateau on n'était pas nettement fixé sur la direction de retraite des Anglais. Le 27 au, matin on avait bien des renseignements signalant la marche de fortes colonnes ennemies de Landrecies sur Guise (le ler C. A. anglais suivit effectivement cette direction le 26) et la marche d'une colonne sur Saint-Quentin par Estrées (nord-ouest de Saint-Quentin) (le 2e C. A. anglais suivit effectivement cette route les 26/27). D'après des déclarations de prisonniers parvenues le 28, French était resté à Noyon jusqu'au 27. Il y aurait eu dans cette ville 4.000 à 6.000 hommes et des forces plus importantes à Saint-Quentin. Il était possible cependant, d'après l'ensemble de la situation, que les Anglais prissent une direction sud-ouest plus accentuée afin de ne pas se laisser couper des ponts. Pour ce motif et pour continuer le mouvement enveloppant de l'aile droite de l'armée en direction du sud-ouest, mouvement interrompu par la bataille de Namur, la 1re armé. prit le 27 la direction de Péronne.

Le IXe C. A., retenu devant Maubeuge, fut rameuté à l'aile gauche par de fortes marches. L'aile droite (IIe C. A. et 2e C. C.) reçut pour mission de marcher par Combles et d'empêcher l'ennemi de s'échapper au nord de la Somme en aval de Péronne. L'armée atteignit le 27 au soir la ligne Combles-Joncourt (au nord de Saint-Quentin) et s'empara le 28 de la coupure de la Somme depuis Bray jusqu'au nord de Nesle. Le Q. G. de l'armée se rendit à Villers-Faucon.

Le 29 la 1re armée s'avança jusqu'à la ligne Villers Bretonneux-Chaulnes-Nesle (voir croquis 4).

Au cours de ces journées les forces françaises qui avaient été jusqu'alors peu nombreuses et de faible valeur, se renforcèrent d'une façon visible dans le flanc droit de l'armée. Les 27 et 28 des rencontres avaient eu lieu dans la région de Combles avec la 3e D. C., les 6le et 62e D. R. et une division territoriale françaises au cours desquelles les Français avaient été battus. Le 29 le IIe C. A. se heurta à Proyart à de forts éléments du 7e C. A. français ainsi qu'à des bataillons de chasseurs alpins de réserve qui furent complètement battus et refoulés au delà de Villers-Bretonneux. D'autres rencontres eurent lieu également au sud de Chaulnes.

Nous eûmes l'impression que l'ennemi jetait toutes ses troupes encore disponibles au-devant de la 1re armée pour arrêter son avance. Nous avions jusqu'alors identifié au total : les 61e et 62e D. R. qui s'étaient repliées, semblait-il, d'Arras sur Péronne pour nous devancer sur la Somme ; en outre, comme auparavant, les 81e, 82e, 84e et 88e D. T., le corps de cavalerie Sordet (1re, 3e et 5e D. C.), un certain nombre de bataillons de réserve de chasseurs alpins, qui d'après des déclarations de prisonniers avaient été débarqués à Amiens ; la 14e D. I. du 7e C. A. rameutée de Mulhouse sur Amiens par Paris, débarquée le 27 et poussée sur Proyart. Des débarquements de troupes semblaient avoir eu lieu le 29 à Amiens, Moreuil et plus au sud. Roye était signalé comme occupé par l'ennemi. D'après des ordres tombés en nos mains ces troupes formaient le détachement d'armée d'Amade, qui, ainsi renforcé, avait pour mission de couvrir le flanc gauche des Anglais.

Le 2e C. C. reçut en conséquence l'ordre de se porter sur Montdidier et d'éclairer en direction d'Amiens, de Paris et de l'Oise ; pour couvrir le flanc et les communications de l'armée le IVe C. R. fut envoyé vers la région de Combles. Il se porta sur Albert et refoula de faibles forces ennemies. Comme il ne disposait d'aucune aviation et n'avait pour le moment que trois escadrons, les trois autres étant employés ailleurs, l'exploration sur le flanc ne put être qu'insuffisante. Il aurait été indiqué de laisser une division du 2e C. C. à l'aile droite.

L'état-major de la 1re armée se rendit le 29 au matin à Péronne. Des fractions importantes des unités françaises citées avaient déjà été sérieusement battues. L'intention du commandement de la 1re armée était de disperser tout d'abord complètement " le groupement français en voie de rassemblement " avant qu'il n'eût reçu de nouveaux renforts. Mais il lui fallait ensuite prendre une décision sur les opérations ultérieures. Les Anglais paraissaient s'être repliés en direction du sud et du sud-ouest. La 1re armée ne pouvait donc continuer dans la direction fortement sud-ouest qu'elle avait suivie jusqu'alors, car elle pouvait en être disloquée. C'étaient les opérations générales contre les Français qui devaient maintenant passer au premier plan. Nous admettions que ceux-ci étaient en retraite vers une position située derrière l'Aisne et s'étendant par Reims-Laon-La Fère vers la Somme. Cette position devait être enveloppée.

Un officier de l'état-major avait été envoyé en conséquence le 28 après-midi à la 2e armée pour lui proposer de converser vers l'Oise, l'aile droite de la 2e armée marchant sur Compiègne-Noyon, en s'échelonnant fortement à droite face de Paris, la cavalerie d'armée se portant en partie sur Paris, en partie sur Soissons. De ce fait les Anglais seraient en même temps coupés de la façon la plus efficace. L'officier communiqua à cette occasion à la 2e armée que selon l'opinion du commandement de la 1re armée les fortifications de Laon-La Fère et Fourdrain étaient déclassées, de faible valeur, sans puissance offensive et vraisemblablement désarmées.

Le moment était-il venu pour la 1re armée de converser à gauche ? Seule la Direction suprême pouvait l'apprécier et le prescrire. En tout cas la 1re armée ne pouvait pas conserver la direction Amiens-Roye qu'elle suivait à ce moment-là. On pouvait déjà se rendre compte que ses forces ne seraient pas suffisantes pour un mouvement débordant aussi large. Mais on ne pouvait pas non plus songer à exécuter vers l'Oise une conversion aussi forte que celle que proposait la 1re armée. Si les Anglais se repliaient effectivement par Saint-Quentin, approximativement sur Chauny-Noyon, il fallait admettre que les Français, se liant à eux, infléchiraient l'aile gauche de leur position de la région La Fère-Laon sur Compiègne par Chauny ou qu'ils continueraient leur retraite. Dans les deux cas il n'était pas encore indiqué pour nous de converser vers l'Oise. Si les éléments d'armée français nouvellement apparus sur la Somme étaient dispersés, il aurait été préférable pour cette raison de marcher tout d'abord en direction générale de Montdidier- Noyon par Roye. Les mesures à prendre ultérieurement devaient être réservées.

La 1re armée reçut cependant le 28 au soir du Q. G. G. des directives explicites qui lui donnaient une tout autre direction ; le 29 au soir également elle reçut à Péronne le radiogramme suivant de la 2e armée : " 2e armée engagée sur la ligne Essigny le Grand-Mont d'Origny-Voulpaix-Haution (donc de la région sud de Saint-Quentin à la région de Vervins) dans un dur combat avec des forces qui semblent supérieures. Il est instamment désirable que des éléments de la 1re armée l'appuient de bonne heure en direction d'Essigny " Peu après arriva un officier de l'état-major de la 2e armée qui déclara que le combat de son armée était particulièrement dur et que l'aide du IXe C. A. en direction de Mont d'Origny était instamment nécessaire; il ajouta que le IXe C. A. était déjà informé.

La bataille de Namur n'avait donc pas encore amené la décision : l'ennemi attaquait à nouveau.

Le 27, la 2e armée avait continué sa marche en direction du sud-ouest, son aile droite passant par Landrecies et avait atteint la région Saint Soupplet-sud de La Capelle. Elle voulait y rester le 28 pour attendre l'arrivée de la 3e armée qui menaçait de perdre toute liaison avec elle.

La 3e armée était parvenue le 26 jusqu'à la région de Rocroi, le 27 jusqu'à Girondelle-l'Échelle- Lonny. Au cours de la journée du 27 la 4e armée, dont l'aile droite combattait au sud de Sedan, l'aile gauche à Stenay, et ne progressait pas, lui demanda instamment son appui. Le colonel-général baron von Hausen voulut alors se porter encore le 27 sur Signy l'Abbaye-Thin le Moutier pour soutenir l'aile droite de la 4e armée, en passant à l'ouest et près de Mézières; il demanda de son côté à la 2e armée de couvrir ses derrières. Celle-ci dut refuser. Comme la 1re armée voulait se porter le 28 sur Nesle avec son aile droite, la manœuvre de l'ensemble des armées risquait de se disloquer. La 2e armée se trouvait effectivement dans une situation difficile. Sa conduite ne fut pas " personnelle et déterminée surtout par des intérêts particuliers ", comme le pense le général baron von Hausen (ouv. cit., page 150).

 

Le colonel-général von Bülow décida en conséquence de laisser le 28 son aile gauche (Xe C. A. et Garde) à Guise et à l'est, face à l'Oise dont la rive sud était encore occupée par l'ennemi, mais de pousser son aile droite sur Saint-Quentin pour ne par, perdre tout au moins la liaison avec la 1re armée. C'était là évidemment un étirage peu indiqué de la 2e armée. C'est pourquoi lorsque la 3e armée fit connaître au cours de la journée du 28 que par ordre de la Direction suprême elle n'obliquait pas en direction du sud-est, mais marcherait en direction du sud-ouest, l'aile gauche de la 2e armée (Xe C. A. et Garde) reçut l'ordre de franchir l'Oise. Les forces ennemies établies au sud de la rivière ne semblaient être que peu importantes. On reçut cependant dans la soirée un renseigne. ment disant que l'on combattait encore pour les passages de la rivière. On estima que c'étaient des combats d'arrière-gardes. L'armée décida par suite de se préparer le 29 à l'attaque de La Fère.

Mais le 29 elle fut attaquée par une puissante contre-offensive française en direction de Saint-Quentin.

La 3e armée avait reçu effectivement de la Direction suprême l'ordre que nous avons cité lui prescrivant "de continuer son mouvement en direction générale du sud-ouest ". Le colonel-général von Hausen avait par suite renoncé le 27 à continuer, comme il l'avait projeté, à marcher, en direction de Signy l'Abbaye et de Thin le Moutier ; mais il se décida néanmoins le 28, sur un nouveau cri d'appel de la 4e armée, à obliquer sur Vendresse-Louvergny, lorsqu'un nouvel ennemi surgit en face de lui à Moncornet-Rethel. La conversion à gauche fut remise jusqu'à ce que la situation fut éclaircie. Ce résultat obtenu, la marche sur Vendresse fut entamée le 29 à midi, lorsqu'à 4 heures du soir la 3e armée reçut, elle aussi, une communication de la 2e armée disant qu'elle était engagée dans un violent combat sur la ligne Guise- Etréaupont et qu'elle demandait l'intervention de la 3e armée en direction de Vervins. Le commandement de la 3e armée ne pouvait pas changer encore une fois ses dispositions ; il maintint sa décision de soutenir la 4e armée, lorsque celle-ci lui fit savoir, le 29 au soir, que l'ennemi qu'elle avait en face d'elle avait commencé à battre en retraite par Vendresse- Sauville. La 3e armée se porta alors le 30 sur Château Porcien-Rethel-Attigny pour attaquer l'ennemi en retraite et, dans la soirée, se trouva engagée sur cette ligne.

Une critique a posteriori conclura de ce qui précède que la 3e armée aurait aussi bien soutenu la 2e armée dans la bataille de Saint-Quentin-Guise que la 4e armée dans ses combats pour les passages de la Meuse si elle n'avait conversé ni à droite ni à gauche et avait continué à marcher carrément en direction du sud-ouest. C'est là ce que le comte Schlieffen avait enseigné de faire en pareil cas. Mais la 3e armée ne pouvait pas embrasser l'ensemble de la situation, on ne peut donc lui faire aucun reproche. C'est la direction supérieure qui en cette occasion a fait défaut.

Après la victoire de Neufchâteau (22 et 23 août) la 4e armée avait pris la direction de Sedan-Stenay, mais elle se heurta sur la Meuse à une énergique résistance. L'ennemi exécuta des contre-offensives violentes. Du 26 au 29 la 4e armée livra de durs combats pour franchir la Meuse, mais elle réussit ensuite à forcer le passage entre Sedan et Stenay.

Devant la 5e armée l'ennemi s'était replié sur la Meuse après la bataille de Longwy-Longuyon et la bataille de la coupure de l'Othain (22-27 août). Après que le repos dont elle avait besoin lui eut été accordé, l'armée se mit en marche vers la Meuse en direction de Dun. Soit aile gauche fut repliée sur Consenvoye-Azannes pour assurer la couverture face à Verdun. La réserve principale de Metz investit le front est de la place. La 5e armée eut, elle aussi, à livrer de durs combats dans la région de Dun pour passer la Meuse avant que l'ennemi se repliât lentement.

RETOUR VERS LE MENU DES BATAILLES DANS LA BATAILLE

RETOUR VERS LA PAGE D'ACCUEIL