LES BATAILLES DE MONS ET DU CATEAU

(Vue par le Général von Kuhl)

Le texte en Allemand, du Général von Kuhl a été édité au lendemain de la guerre, en 1920. La traduction française du Commandant Koeltz, est sortie en 1927, chez Payot. Ce texte, présenté sur ce site est particulièrement intéressant par les analyses comparatives des théories en présence.

 

Son cinquième chapitre La lutte de la 1ère Armée contre les Anglais à Mons et au Cateau.

 

Von Kuhl exprime beaucoup d'admiration pour Kitchener qui va savoir mobiliser et organiser une puissante armée en tant que Ministre de la Guerre. Kitchener estimait la concentration britannique vers Maubeuge comme trop avancée mais accepta comme French la demande française.

"Sur l'aile gauche des Anglais, il n'y avait que quelques divisions territoriales françaises qui étaient dispersées sur le vaste espace s'étendant de Valenciennes à Dunkerque par Lille.

Le 21 août l'armée anglaise se porta dans la région de Maubeuge, le 22 dans celle de Mons.

 

LA BATAILLE DE MONS (23 août)

 

Le 22 août, French, si nous nous en rapportons à son propre récit (Lord French, " 1914 "), en vint à estimer que trois corps d'armée allemands marchaient contre lui et que le plus occidental de ces corps avait atteint Ath. La situation du général Lanrezac paraissait défavorable : il aurait désiré que French se portât contre le flanc des forces allemandes qui l'attaquaient. French refusa et déclara qu'il avait l'intention de tenir encore sa position pendant 24 heures, mais qu'ensuite il devrait songer à battre en retraite sur Maubeuge en raison de l'enveloppement dont il était menacé. Il ajouta que son dispositif était poussé aussi en avant que possible et qu'il ne serait pas prêt à attaquer avant le 23. Il demanda en même temps, ainsi que nous l'avons déjà dit, que le corps de cavalerie Sordet fût porté à son aile gauche.

Au matin de la bataille de Mons le 2e corps d'armée anglais était établi derrière le canal du centre, de Condé à Obourg, par Mons, l'aile droite repliée par Saint-Ghislain. Le ler corps était disposé en échelon derrière l'aile droite. La 19e brigade d'infanterie venant de Valenciennes était encore en marche vers l'armée. La masse de la cavalerie anglaise se trouvait à l'aile gauche : une brigade se trouvait dans la région de Binche pour assurer la liaison avec les Français.

Ce fut par une journée de brouillard et de pluie que la 1re armée marcha, le 23 août, à son premier combat avec l'armée anglaise. Nous étions dans une assez grande incertitude. Nos aviateurs avaient reçu l'ordre de reconnaître Avesnes, Le Cateau et Cambrai, localités où nous supposions que s'effectuaient les débarquements anglais ; mais ils ne purent prendre l'air. Quant au 2e C. C. il se porta, par ordre de la 2e armée, d'Ath sur Courtrai, au grand regret de la 1re armée.

L'état-major de la 1re armée était encore à Hal quand lui parvint, à 9 h. 20, un renseignement envoyé de Ath à 6 h. 30 par le 2e C. C., renseignement disant que des débarquements de troupes important avaient lieu à Tournai depuis le 22 et que des patrouilles y avaient reçu des coups de fusil.

Qu'est-ce que cela pouvait signifier ? Que fallait-il faire ? D'après mes notes, personnelles le commandement de, la 1re armée se demanda si par hasard des Anglais ne débarqueraient pas également à Tournai. Mais ils ne pouvaient pas débarquer uniquement en ce point. Tournai était-il maintenant le centre, l'aile droite ou l'aile gauche des débarquements anglais ? Or selon, toute vraisemblance il y avait des Anglais dans la région de Maubeuge. Pouvaient, ils, en outre apparaître à Tournai ? Cela n'était pas vraisemblable. Débarquer aussi en avant, sous le nez de notre corps de cavalerie, nous parut trop audacieux. Peut-être s'agissait-il de la garnison de Lille.

Modifier immédiatement, au reçu de chaque renseignement, le. mouvement d'une armée est chose impossible. Cependant si notre échelonnement en arrière et à droite nous mettait en situation de parer à tout danger qui menacerait notre flanc droit, la continuation de notre mouvement en avant pouvait nous enlever la possibilité d'envelopper les Anglais. C'est pourquoi le commandement de l'armée ordonna à 9 heures 30 de suspendre momentanément le mouvement en avant et de ne pas dépasser la route Leuze-Mons-Binche. A 10 heures il demanda par T.S.F. au 2e C. C. de déterminer l'aile nord des débarquements ennemis : " A-t-on affaire à des débarquements anglais, ou français ? "

A 11 heures le commandement de la 1re armée se rendit à Soignies. Il y trouva des renseignements disant qu'aux dires des habitants 30.000 hommes s'étaient portés la veille de Dour (sud de Saint-Ghislain) sur Mons. Une lettre tombée en nos mains indiquait qu'une autre colonne avait traversé Blaregnies (sud-est de Dour). 40.000 hommes seraient en marche vers le nord par la route de Geny (sud de Mons). On pouvait donc compter avec certitude sur la présence de forces anglaises importantes dans la région de Mons."

 

Sur ces entrefaites arriva un renseignement du corps de cavalerie que Tournai était libre d'ennemis."

 

Le 23 au soir le commandement de la 1ère armée estimait qu'en raison de la forte résistance ennemie il était nécessaire de continuer l'attaque le 24. Le 23 au soir il fut demandé au 2ème C.C. de coopérer sur l'aile droite vers Denain et non pas vers Courtrai.

Dans la soirée du 24 des rapports d'observateurs aériens laissaient penser que les Anglais retraitaient vers Maubeuge. Mais le lendemain un nouveau compte rendu de l'aviation signala que l'ennemi retraitait vers le sud-ouest, il fallait essayer de lui couper la retraite, le soir après une forte marche, l'armée atteignait la ligne Bouchain-Solesmes-Landrecies-Aulnoye.

Pour le 26, la poursuite vers le sud-ouest continua, mais l'ennemi nous attendait à Le Cateau. On peut noter que pour ces combats von Kuhl ne parle pas des pertes allemandes.

 

LES ANGLAIS DU 23 Au 26 AOUT

 

"Le 23 à midi French avait été attaqué de la façon précédemment indiquée. Son 2e C. A. dut évacuer dans l'après-midi le saillant du canal près de Mons et ensuite la ville; son aile gauche se maintint sur le canal jusqu'à la tombée de la nuit et se replia alors, elle aussi, sur une position arrière. L'ennemi n'avait pas encore exercé de pression sur Condé et il n'y avait pas encore de danger d'enveloppement. Dans la soirée French reçut du maréchal Joffre communication d'un renseignement disant que trois corps d'armée allemands au moins et deux divisions de cavalerie étaient en marche contre l'armée anglaise, qu'il fallait s'attendre à un mouvement enveloppant par Tournai et que les Allemands s'étaient emparés des passages de la Sambre en face de la 5e armée française.

Le généralissime anglais se décida alors à battre en retraite dans la position Jenlain-Maubeuge précédemment reconnue. Le ler C. A. lut chargé de couvrir dans une position près de Givry le repli du 2e C. A. qui devait commencer dans la nuit. Le général Allenby, ayant sous ses ordres la 19e brigade d'infanterie, couvrit la retraite à l'aile gauche. Le 24 le 2e C. A. fut fortement pressé dans sa retraite. Le 24 au soir l'armée atteignit la région de part et d'autre de Bavai (La Longueville-Bavai-Jenlain).

French se rendit le 24 à Avesnes au Q. G. du ler C. C. français qui se trouvait près de Maubeuge pour prier le général Sordet de se porter à son aile gauche. Sordet déclara que ses chevaux étaient complètement fourbus et qu'il ne pourrait, pas faire mouvement avant 24 heures.

Le débarquement de la 4e division anglaise commençait au Cateau.

French s'était parfaitement aperçu que les Allemands avaient l'intention d'envelopper son aile gauche et de le rejeter sur Maubeuge. Il se demanda un moment s'il devait se mettre sous la protection de la place, Le souvenir du sort de Bazaine à Metz l'empêcha de commettre cette faute. Il se décida à continuer sa retraite.

L'armée se mit en marche le 26 avant l'aube et se porta de part et d'autre de la grande forêt de Mormal, 1er C. A. sur Landrecies, 2e C. A. sur Le Cateau. De nouveaux combats s'engagèrent encore à Solesmes et Landrecies. Le 1er C. A. en particulier fut violemment, attaqué à la tombée de la nuit à Landrecies par le IVe C. A. allemand. Ce dur combat dura jusque dans la nuit. Le général Maurice reconnaît particulièrement l'énergie de cette attaque. Si les Allemands avaient attaqué partout avec autant de violence, dit-il, l'armée anglaise aurait été mise en mauvaise situation.

Ainsi qu'on le concède du côté anglais, la retraite exerça une influence considérable sur les troupes anglaises. Les grands efforts de marche imposés, la chaleur, le manque de sommeil, les combats constants, l'organisation incessante de positions fatiguèrent les troupes au plus haut point. Le danger qui les menaçait sans cesse, le sentiment déprimant de la retraite dont elles ne comprenaient pas la nécessité, abaissèrent profondément leur moral."

 

LES TROUPES FRANÇAISES À L'AILE GAUCHIE DES ANGLAIS

 

"A l'aile gauche des Anglais, entre Dunkerque et Maubeuge, il n'y avait à l'époque de la bataille de Mons que des troupes de faible valeur, les 81e, 82e et 84e divisions territoriales auxquelles vint encore se joindre, le 22, la 88e division qui appartenait jusqu'alors à la garnison de Paris. Leur mission ne pouvait consister qu'à former barrage contre les patrouilles de cavalerie et les automobiles pour protéger les communications Leurs forces n'étaient pas suffisantes pour devenir dangereuses pour le flanc droit de la 1re armée. A ces troupes placées sous les ordres du général d'Amade s'ajoutaient encore les garnisons de Lille et de Maubeuge. Hanotaux (Histoire illustrée de la guerre de 1914) évalue les effectifs des garnisons de Lille et de Maubeuge à 40.000 hommes et les troupes territoriales de d'Amade 60.000 hommes, ce qui est beaucoup."

 

LA BATAILLE DU CATEAU (26 août)

 

"Le 25 au soir le 1er C. A. anglais arriva à Landrecies, le 2e C.A. au Cateau à l'exception d'une brigade qui avait été retenue à Solesmes par l'attaque allemande et qui n'arriva que dans la nuit. Le Q. G. de l'armée fut transféré à Saint-Quentin, très loin en arrière. French se demanda s'il devait accepter le combat au Cateau ou s'il devait continuer sa retraite. A son aile droite les Français étaient en retraite continue ; son flanc gauche était menacé d'enveloppement et insuffisamment protégé par les troupes territoriales françaises ; la liaison avec Le Havre pouvait être perdue. Pour organiser une position défensive le temps manquait. Le généralissime anglais décida en conséquence de poursuivre sa retraite sur Saint-Quentin-Noyon afin de disposer son armée derrière l'Oise et la Somme. Il espérait que derrière ces coupures il pourrait donner du repos à ses troupes et les préparer aux opérations ultérieures.

En fait le ler C. A. continua, le 26, à battre en retraite de Landrecies sur Guise pendant que le 2e C. A., renforcé par la 4e division qui venait précisément d'arriver et soutenu par la division de cavalerie d'Allenby, restait sur une position dans la région Le Cateau-Caudry. Le général Smith Dorrien avait acquis en effet, dans la nuit du 25 au 26, la conviction que ses troupes, qui n'étaient arrivées en partie que tard dans la nuit, après des marches et des combats fatigants, ne pourraient pas continuer à battre en retraite à l'aube. En outre l'ennemi était à proximité immédiate de son front. Il décida en conséquence d'accepter le combat le 26 au matin. D'après les nouvelles reçues dans la nuit Cambrai était encore aux mains des Français (la 84e division territoriale s'était repliée sur cette ville après la bataille de Mons). French s'était rendu le 26 à Saint-Quentin pour conférer avec Joffre et Lanrezac, mais il avait auparavant, au reçu d'un enseignement annonçant qu'un combat commençait au 2e C. A., envoyé un officier au général Smith Dorrien avec l'ordre formel de rompre le combat et de battre en retraite. D'après son exposé il n'apprit que dans la soirée la situation difficile dans laquelle le 2e C. A. était tombé.

L'occasion fut ainsi donnée pour la deuxième fois au colonel-général von Kluck de contraindre les Anglais au combat.

Ce fut tout d'abord le corps de cavalerie von der Marwitz, arrivé à temps sur les lieux, qui attaqua l'aile gauche anglaise pour accrocher l'ennemi et qui conduisit le combat dans cette région avec un plein succès jusqu'à l'arrivée du IVe C. R. et du IIe C. A. Du fait de la direction de marche qui lui avait été prescrite, à savoir la région Caudry-Reumont, le IVe C. A. se heurta à l'ennemi avant d'atteindre cette région et l'attaqua à 9 heures. A droite et à gauche le IVe C. R. et le IIIe C. A. devaient, d'après les intentions du commandement de l'armée, pousser dans la direction de marche qui leur avait été donnée jusqu'à ce qu'ils atteignissent le flanc ennemi. L'enveloppement projeté ne put pas cependant être réalisé. Après avoir exécuté depuis Valenciennes une marche d'approche extraordinairement longue, le IVe C. R. se heurta à l'ennemi à Haucourt et Esnes. La nuit tomba avant que le gros de ses divisions ait pu être engagé.

L'ennemi se retira dans la nuit. Le IIIe C. A. ne parvint que jusqu'à Honnechy. Le IIe C. A. se heurta à des forces françaises à Cambrai et les refoula. Le poids principal du combat échut donc au IVe C. A. Le commandant du IIIe C. A.. le général von Lochow, arrivé dans l'après-midi sur le terrain de combat du IVe C. A., offrit au général Sixt von Armin de l'appuyer. Mais celui-ci estima qu'il n'était pas nécessaire de le soutenir directement et que la meilleure aide que pouvait lui prêter le IIIe C. A. était de continuer à marcher vers son objectif de marche. Le IIIe C. A. qui avait été détourné le 25 en direction du sud-est sur Aulnoye et devait marcher le 26 vers le sud-ouest par Landrecies, avait dû mettre ses deux divisions l'une derrière l'autre en une seule colonne de marche. Son approche et son déploiement demandèrent tant de temps qu'il ne put intervenir qu'à une heure tardive à l'aile gauche de l'armée.

Du côté anglais, le 26 au matin, la majeure partie de la cavalerie d'Allenby se trouvait à l'aile droite entre la Sambre et Le Cateau ; la 5e D. I. était entre Le Cateau et Troisvilles, ayant vraisemblablement auprès d'elle la 19e brigade d'infanterie ; la 3e D. I. était à Caudry ; la 4e D. I. qui venait d'arriver était plus à gauche à Haucourt ; enfin une brigade de cavalerie était à l'aile gauche.

D'après l'exposé anglais la situation du général Smith Dorrien était critique à midi. Après la retraite du ler C. A. son flanc droit se trouva menacé d'enveloppement. Il dut dans le courant de l'après-midi se décider à donner l'ordre de retraite en plein combat. Les exposés anglais reconnaissent aussi que dans ces conditions la retraite fut précipitée et nullement volontaire. La 5e D. I. reçut l'ordre de retraite précisément au moment où elle était violemment attaquée. L'ordre ne parvint pas à toutes les unités; il en résulta du désordre. En d'autres termes Smith Dorrien subit une lourde défaite.

La retraite s'effectua par Saint-Quentin derrière la Somme, dans la région de Ham, où les troupes arrivèrent le 28 au matin. La cavalerie chercha à couvrir le repli. On marcha jour et nuit, souvent sans ravitaillement ; on ne fit que de courtes haltes.

Le général French remarque que ce fut uniquement grâce à la bravoure des troupes et à l'appui fourni par la cavalerie Allenby, le corps de cavalerie Sordet et les troupes territoriales du général d'Amade, que le 2e C. A. fut sauvé, sinon il aurait été encerclé. French donne comme pertes pour son armée 15.000 hommes, 80 canons et beaucoup de matériel. " L'état de l'armée, dit French, était lamentable. Les conséquences lointaines des pertes que nous avons subies dans la bataille du Cateau se firent sentir jusqu'à la bataille de la Marne et jusqu'aux premières opérations de l'Aisne ". Et il ajoute que la retraite fut dès lors beaucoup plus pénible et qu'il n'était plus possible désormais de s'arrêter derrière la Somme et l'Oise ou même au nord de la Marne.

Le généralissime anglais ordonna tout d'abord dans la soirée du 26 de battre en retraite sur La Fère-Noyon. Le Q. G. de l'armée se rendit à Noyon. Le 28 au soir le ler C. A. se trouvait au sud de La Fère entre la forêt de Saint-Gobain et l'Oise, le 2e C. A. à Noyon.

Du côté français la 84e division territoriale, qui s'était repliée de Valenciennes sur Cambrai, avait pris part aux combats de Cambrai. Le corps de cavalerie Sordet avait enfin réussi, en traversant les routes de marche de l'armée anglaise, à gagner l'aile gauche de cette armée, dans la région de Cambrai et à y intervenir. Il se replia ensuite sur Péronne. Deux divisions de réserve qui avaient jusqu'alors fait partie de la garnison de Paris, les 61e et 62e D. R., avaient rejoint l'armée d'Amade et avaient été débarquées à Arras. Une brigade de la 62e D. R. serait intervenue le 26 à Cambrai. Après le 26 les deux divisions se replièrent également par Bapaume sur Péronne, mais elles furent attaquées en cours de route, les 27 et 28, par le IIe C. A. dans la région de Combles et complètement battues. La 61e D. R. s'enfuit en grande partie sur Bapaume et Arras, ses restes furent péniblement rassemblés à Saint-Pol. La 62e D. R. échappa par Amiens et fut repliée ensuite par Pontoise (nord-ouest de Paris). Les 61e et 62e D. R. firent partie plus lard de la garnison de Paris. Les divisions territoriales du général d'Amade furent repliées par Abbeville derrière la Somme inférieure.

 

CONSIDERATIONS

 

La décision du général Smith Dorrien d'accepter la bataille le 26 août a été jugée de façons très différentes en Angleterre. French lui-même a approuvé la conduite du général dans son rapport de 1914, immédiatement après les événements, mais il l'a blâmé dans son livre paru ultérieurement. D'après Hanotaux (ouv. cit. page 294, tome VII) le général Smith Dorrien s'est défendu en 1917 devant un correspondant de journal anglais en disant qu'il n'avait pas pu s'empêcher de craindre que la continuation de la retraite avec des hommes épuisés ne conduisît à un effondrement, et qu'on ne pouvait contenir l'ennemi qu'en lui montrant les dents. Le général Maurice prend énergiquement parti pour le général Smith Dorrien, en disant que par sa décision il a préservé les Anglais d'une catastrophe, qu'il lui était impossible de battre en retraite de grand matin avant le commencement de l'attaque allemande et que, comme il disposait de trois divisions et d'une brigade d'infanterie ainsi que d'une division de cavalerie dans une position solide et préparée, il était en droit d'espérer pouvoir tenir jusqu'au soir et se replier à la faveur de la nuit.

On peut objecter à cela qu'après le départ du 1er C. A. le général Smith Dorrien est tombé en très grand danger d'être enveloppé sur ses deux ailes. S'il a cru ne pas pouvoir se mettre en marche avant l'attaque ennemie, puis ne plus pouvoir se replier une fois qu'elle fut commencée, il fut cependant forcé finalement de rompre le combat en plein jour, dans des conditions beaucoup plus difficiles, précisément au moment où l'ennemi exécutait une violente attaque. Il dut imposer à ses troupes, après un dur combat, des efforts de marche beaucoup plus grands que s'il avait rompu avant le lever du jour sous la protection d'arrière-gardes. Les Anglais eux-mêmes soulignent l'effet malheureux de la bataille du Cateau. Le combat aurait pu prendre facilement la tournure de celui de Woerth en 1870.

Mais où se trouvait le commandant en chef anglais ce jour là ? Un de ses corps se replie, l'autre reste sur place contrairement aux ordres donnés et accepte un combat inégal. Le généralissime, lui, se trouve à Saint-Quentin et apprend dans la soirée la triste situation de son 2e C. A.

Quant aux troupes anglaises, on est obligé de reconnaître qu'elles se sont comportées bravement et qu'elles ont réussi à battre en retraite en plein combat bien qu'au prix de lourdes pertes. Il est vrai que leur infériorité n'était pas très grande si l'on songe qu'une forte partie de la 1re armée n'est pas intervenue dans la bataille. Le fait décisif fut le danger d'enveloppement qui les menaçait.

La deuxième bataille livrée aux Anglais s'était donc terminée, elle aussi, par leur grave défaite, mais elle n'avait pas conduit à l'anéantissement que nous recherchions. Ce ne fut que sur la Marne que nous devions en venir à nouveau à une action importante avec eux.

D'après le compte rendu qu'il adressa le 26 à la Direction suprême, le commandement de la 1re armée, était d'avis qu'il avait désormais en face de lui le corps expéditionnaire anglais tout entier, soit six divisions d'infanterie et une division de cavalerie, ainsi que trois divisions territoriales françaises.

Le 26 au soir la 1re armée se trouvait au sud-ouest de Cambrai-Le Cateau sur la ligne Hermies-Crévecoeur Caudry-Honnechy. Il n'y avait donc pas eu de poursuite au centre et à l'aile gauche, mais l'aile droite exécutant un large mouvement débordant et une forte marche avait poussé au delà de Cambrai,

La place de, Maubeuge nous donna encore du travail. Il fallait maintenant l'attaquer. Une division de chacun des VIIe C. A. et VIIe C. R. fut désignée pour cette mission ; la 1re armée devait fournir également une division. La question fut débattue à Solesmes, le 26, avec un officier de liaison de la 2e armée. La 1re armée exprima l'avis que une à deux divisions de réserve étaient suffisantes devant Maubeuge et que diviser un corps d'armée en deux était également chose peu désirable. Nous dûmes cependant consentir à fournir une division du IXe C. A., bien que ce fût là un affaiblissement sérieux pour notre armée en pleine période d'opérations.

On a déduit récemment à maintes reprises du cours de la guerre mondiale que l'importance des forteresses avait disparu et qu'il n'était pas nécessaire à l'avenir de construire de fortifications permanentes. Que l'on songe en face de cela à la gêne et aux difficultés que les forteresses françaises nous avaient jusqu'alors causées et aux forces qu'elles avaient attirées sur elles et qui manquèrent pour les opérations. La prise de Liège avait été une condition préalable de la réussite du mouvement en avant de notre aile droite.

Face à Anvers, où se trouvait il est vrai l'armée belge, la 1re armée avait dû se couvrir peu après le début des opérations avec le IIIe C. R. qui nous fut enlevé par la suite définitivement. Un corps d'armée de chacune des 2e et 3e armées, le corps de réserve de la Garde et XIe C. A., étaient en train d'attaquer Namur. La place ne tomba que le 25 ; le XIe C. A. put alors être remis à la disposition de la 3e armée et le corps de réserve de la Garde put rejoindre la 2e armée. Maintenant c'était le tour de Maubeuge. Nous verrons plus tard que la petite place de barrage de Givet enleva à nouveau une division à la 3e armée. Nous aurons également à examiner le rôle que devaient jouer les places de Laon et de La Fère, bien que complètement démodées, sans compter celui que joua Paris.

L'influence que les forteresses même insuffisantes exercent sur les opérations est manifeste. Nous fûmes obligés de nous emparer d'un grand nombre d'entre elles pour dégager les voies ferrées. Si les formations de seconde et troisième ligne qui suivirent notre armée de campagne ne furent pas en nombre suffisant pour remplir cette mission... ce fut une erreur de notre concentration. Il est même des forteresses que nous n'avons pas attaquées qui ont eu une grande influence sur les opérations. N'est-ce pas uniquement l'existence de la ligne de forteresses Verdun-Toul-Epinal-Belfort qui nous a amenés à faire un grand détour par la Belgique ?

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